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Le contenu du pacte de préférence doit être précis !

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Le propriétaire d’un bien immobilier, qui n’a pas encore définitivement acté sa décision de vendre, peut d’ores et déjà vouloir favoriser un acquéreur potentiel en lui promettant de lui proposer en priorité le bien lorsqu’il sera en vente. Cette intention doit alors être matérialisée par le biais d’un pacte de préférence. Mais, afin d’éviter toute difficulté et mauvaises surprises ultérieures, ce pacte doit être rédigé avec soin et préciser dans quelles hypothèses il a vocation à s’appliquer, comme nous le rappelle la Cour de cassation dans deux arrêts de janvier et avril 2014.

La propriété des biens s’acquiert et se transmet, notamment, par l’effet des obligations (article 711 Code civil), autrement dit par voie contractuelle. Le contrat est une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres personnes à donner, faire ou ne pas faire quelque chose (article 1101 Code civil). La vente se définit comme étant le contrat par lequel le propriétaire d’un bien transmet ses droits à l’acquéreur moyennant le paiement d’un prix (Code civil article 1582).  Une fois conclue, la vente oblige le vendeur à transmettre la propriété du bien objet du contrat et l’acheteur à payer le prix. Lorsque les parties ne souhaitent pas ou ne peuvent pas conclure immédiatement une vente parfaite, elles peuvent utilement recourir à la technique de l’avant-contrat qui permet une réalisation progressive de la vente. Il est à noter que le recours en matière immobilière à un avant-contrat est fréquent et usuel, même s’il n’est pas obligatoire. A côté des différents contrats préparatoires que sont les promesses unilatérales de vente ou d’achat et les promesses synallagmatiques, se greffe un contrat antérieur à la vente où le principe même de la vente n’est pas encore acté. Le pacte de préférence ou « pacte de préemption » ou « droit de préemption conventionnel » est ainsi la convention par laquelle le promettant propriétaire d’un immeuble s’engage au cas où il viendrait à aliéner ce bien à proposer au bénéficiaire du pacte de l’acquérir. Puisque ici le promettant ne promet pas de vendre, le pacte de préférence se distingue donc des promesses tant dans sa notion que dans ses effets.

Si le pacte de préférence est par nature un pré contrat préparatoire à la vente puisque antérieur à celle-ci, les parties doivent apporter le plus grand soin à son contenu qui doit être suffisamment explicite. En effet, le pacte, qui n’est soumis à aucune obligation de forme, l’écrit n’étant exigé qu’à titre de preuve, la détermination du contenu des obligations des parties est librement fixée par les parties qui doivent préciser au mieux, notamment, le bénéficiaire du pacte, l’immeuble concerné par le pacte, les conditions d’achat, que les modalités de sa mise en œuvre, mais aussi quelles sont les mutations qu’il vise. Il peut s’agir :

  • d’une mutation à titre onéreux
  • d’une mutation à titre gratuit
  • d’une vente amiable
  • d’une vente judiciaire / par adjudication  (droit pour le bénéficiaire d’y être convoqué pour y concourir ; droit de substitution)
  • d’un apport en société
  • d’un échange
  • d’une dation en paiement

Le pacte de préférence doit aussi préciser, le cas échéant, l’exclusion de mutations au profit de personnes déterminées (le pacte peut exclure la préférence en cas de mutation au profit de personnes déterminés, comme les membres de la famille)

Le pacte de préférence doit aussi indiquer s’il se limite seulement à la première mutation suivant la conclusion du pacte ou aussi aux

  • mutations ultérieures ou successives de l’immeuble
  • mutations postérieures à une vente initiale à un tiers en cas de défaut de réalisation de cette vente (caducité, nullité, résolution) à laquelle le bénéficiaire avait renoncé à son droit
  • d’une mutation postérieure à une vente initiale au bénéficiaire qui n’aboutit pas pour une raison non imputable au vendeur (non réalisation d’une condition suspensive, résolution aux torts du bénéficiaire, exercice du droit de rétractation)

En résumé, le pacte ne donne un droit à préférence que pour les hypothèses qu’il vise (Civ. 5 mars 1951, JCP 1951, II 6596, Soc. 13 mai 1944, D 1949, 477). Ainsi, le pacte accordant au locataire d’un immeuble appartenant à une société un droit de préférence en cas de vente, d’échange ou d’apport en société de l’immeuble loué ne s’applique pas en cas de fusion (Com., 9 nov. 2010, n°09-70726). De même, il ne s’appliquera à l’hypothèse de l’apport en société que si cette hypothèse est visée.

Ainsi, un preneur d’un local à usage commercial bénéficiaire d’un pacte de préférence sur les biens loués prétendait obtenir la nullité de l’apport de ces biens à une société civile immobilière et veut voir condamner le bailleur à signer l’acte de vente, en application de ce pacte. La Cour d’appel, pour accueillir cette demande, a cru pouvoir retenir que les termes du pacte sont clairs et ne visent pas uniquement la vente du bien immobilier, mais le fait d’en disposer à titre onéreux en totalité ou en partie et qu’à cet égard, l’apport en société d’un bien immobilier ne constitue pas une donation, même si sa contrepartie n’était pas constituée par une somme en argent, mais par des parts sociales, lesquelles ont une valeur fixée notamment par rapport à la valeur du bien apporté dans le patrimoine de la SCI. Cette position sera censurée par la Cour de cassation car, en statuant ainsi, alors que l’apport en société n’entrait pas dans le domaine du pacte, dès lors que si les parties avaient visé la disposition à titre onéreux des biens objets du pacte de préférence, elles avaient prévu que le preneur serait informé de toute mutation à titre onéreux avec indication du prix offert, des conditions générales de la vente projetée et se verrait remettre la copie de la promesse de vente ou du compromis de vente, ce qui excluait l’apport en société du pacte de préférence, la cour d’appel, a violé l’article 1134 du Code civil (Cour de cassation, 3e chambre civile, 15 janvier 2014, n12-35106).

Le pacte de préférence doit aussi fixer avec précision l’immeuble qu’il concerne afin d’éviter les discordances entre le bien objet du pacte et le bien objet de la vente. En principe, en cas de vente partielle de l’immeuble, dans ce cas, le promettant doit offrir la vente au bénéficiaire d’un pacte portant sur une partie du bien (Civ. 3, 2 juil. 1974, n°73-10380).

Mais, en cas de vente de l’intégralité de l’immeuble, la question qui peut se poser est de savoir si le pacte conférant une préférence partielle doit recevoir application. A ce sujet, si le pacte de préférence qui porte sur une partie d’immeuble ne doit pas aboutir à priver le propriétaire de pouvoir vendre la totalité de l’immeuble en proposant au bénéficiaire du pacte la préférence pour l’acquisition de l’intégralité du domaine (Civ. 3, 15 déc. 1971, Bul. n°365), il n’en reste pas moins qu’il a été jugé que le pacte de préférence portant sur un appartement d’un immeuble s’applique en cas de vente de l’immeuble en son entier et pas seulement en cas de vente distincte de l’appartement (Civ. 3, 19 juin 1970, Bul. n°436). D’ailleurs, si le pacte de préférence ne distingue pas entre l’hypothèse de la vente de la totalité de l’immeuble et celle de la vente des seuls locaux loués, le promettant n’est pas dispensé de notifier le projet de vente concernant l’immeuble entier  (Civ. 3, 6 juin 2012, n°11-12893). Il semble toutefois que cela ne saurait lui être reproché lorsque le pacte porte sur le seul cas de vente des locaux loués et qu’il n’impose pas au propriétaire de diviser le bien en vue de le céder à des personnes distinctes, d’autant plus lorsque le preneur ne désire se porter acquéreur, non de la totalité de l’immeuble, mais seulement que des lots loués  (Civ. 3, chambre civile, 9 avril 2014, no 13-13949). On notera toutefois qu’en matière commerciale cette question ne devrait plus se poser, la réforme Pinel organisant un droit légal de préférence au profit du preneur commercial uniquement en cas de vente du lot. ©Patrice Battistini©LeFildeLimmo/BazikPress© Halfpoint – Fotolia.com

 

Patrice Battistini, docteur en droit, administrateur de biens, professeur à l’ESPI Marseille Méditerranée
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