Les agences immobilières ont jusqu’au 31 décembre 2014 pour déposer leur Agenda d’accessibilité programmée. Celui-ci accorde un délai supplémentaire pour se mettre aux normes d’accessibilité des personnes handicapées. Le report du délai n’est donc pas automatique.
Face au constat partagé que l’échéance du 1er janvier 2014 devenait un objectif irréaliste pour de nombreux acteurs publics et privés dans la mise en conformité des établissements recevant du public (ERP) avec les normes d’accessibilité visant les personnes ayant un handicap, le gouvernement a décidé de reporter cette obligation, sous condition de dépôt d’un « agenda d’accessibilité programmée » ou Ad’AP.
Pourquoi ce report ?
Cette formalité vise à préserver la dynamique engagée par la loi du 11 février 2005 tout en prenant en compte les réalités économiques, structurelles et l’impact financier largement sous évalués en 2005, voire, selon la lecture du rapport « Réussir en 2015 », non pris en compte. Le rapport souligne que la réalité a montré que le plus souvent la dimension financière joue un rôle dans la non-réalisation des travaux. Un consensus ressort : la sécurisation juridique des gestionnaires suppose que puissent être prises en compte les difficultés financières des acteurs pour suspendre les obligations prévues par la loi pendant la période difficile dans l’attente d’un retour à meilleure fortune.
À titre d’exemple pour le domaine public, une étude menée par Accèsmétrie en 2010 a estimé le coût de la mise en accessibilité des seuls ERP à 3,6 Mds € pour l’État et à 16,8 Mds € pour les collectivités territoriales. Pour le privé, peu de données a été recueilli mais, la Chambre de commerce et d’industrie de Paris – Ile-de-France a extrapolé les données de l’étude Accèsmétrie pour 180.000 commerces, et estime un budget de 5 Mds € 1.
Quel est l’esprit de l’Ad’AP ?
L’Ad’AP matérialise donc l’engagement par un calendrier précis et chiffré des travaux de mise en conformité qui seront entrepris lorsque cela est possible. L’élaboration de ce dossier et sa validation par l’autorité administrative permettront à son « bénéficiaire » de ne pas s’exposer aux sanctions pénales qui entreront en vigueur au 1er janvier 2015.
Quelles sont les sanctions ?
• Sanctions administratives :
– la fermeture administrative, par l’autorité administrative compétente, d’un ERP qui n’aurait pas respecté ses obligations d’accessibilité ;
– le remboursement, des aides publiques à la construction, à la collectivité qui a attribué l’aide si elle s’aperçoit qu’a posteriori les règles d’accessibilité n’ont pas été respectées.
• Sanctions pénales (art. L 152-4 du Code de la construction et de l’habitation) : le non-respect des obligations d’accessibilité (à l’échéance du 1er janvier 2015 ou lorsque des travaux sont réalisés dans l’établissement) est passible d’une amende maximale de 45.000 euros pour une personne physique et de 225.000 euros pour une personne morale, ainsi que de six mois d’emprisonnement en cas de récidive. Cette sanction est applicable aux maîtres d’ouvrage, aux architectes, aux maîtres d’oeuvre, etc., responsables de l’exécution de travaux.
Ce dispositif de contrôle (par la validation de l’Ad’AP par l’autorité administrative) constitue la contrepartie à l’autorisation de dépassement de délai tel qu’initialement prévu par la loi du 11 février 2005 soit l’échéance du 31 décembre 2014. Le report de délai n’est donc pas automatique et ne peut être sollicité que par un dépôt pour validation de l’Ad’AP. Notons, par ailleurs, que le délai de prorogation accordé peut être variable selon les dossiers mais ne pourra excéder 3 ans, à l’exception des patrimoines importants ou des réseaux constitués de plusieurs « points de vente ».
Pour les auteurs de la proposition, la conception d’un Ad’AP repose sur quatre principes structurants :
• L’Ad’AP traduit une volonté politique forte des maîtres d’ouvrage publics ou privés. Compte tenu de la nécessité de cet engagement, l’Ad’AP ne revêt pas un caractère obligatoire. Les opérateurs qui ne s’en saisissent pas restent soumis à la loi de 2005 et notamment aux sanctions pénales dès 2015 ;
• L’Ad’AP est un outil de stratégie patrimoniale. Il présente une vision globale de la mise en accessibilité du patrimoine d’un opérateur ;
• L’Ad’AP est partenarial, car il est concerté lors de sa conception et suivi tout au long de sa réalisation, notamment par les représentants des associations de personnes handicapées ;
• Enfin, l’Ad’AP présente une structure commune quel que soit le maître d’ouvrage, public ou privé.
La nouvelle loi entend également préciser la réglementation applicable quant aux dérogations qui peuvent être demandées pour cause de disproportion manifeste entre les améliorations apportées et leurs conséquences. Ainsi, il sera possible d’inclure la ou les demandes de dérogations souhaitées via l’élaboration de son Ad’AP. À titre d’exemple, le refus d’une assemblée générale des copropriétaires peut justifier une impossibilité de mise en accessibilité d’un établissement recevant du public compris dans la copropriété (généralement au rez-de-chaussée).
C’est la date du 31 décembre 2014 qui a été retenue comme date limite de dépôt d’un Ad’AP ou de l’engagement d’un dépôt ultérieur. Il a été proposé pour tous les acteurs, publics ou privés, qu’en cas de dépôt d’engagement au 31 décembre 2014, les Ad’AP ultérieurement complets pourront être déposés au plus tard dans les douze mois suivants.
En d’autres termes, et pour prendre en considération les contraintes techniques, structurelles et de temps, si votre Ad’AP n’est pas finalisé, vous pouvez tout de même demander une dérogation avec l’obligation de remettre dans les 12 mois votre Ad’AP finalisé. La validation de l’Ad’AP sera effectué par les services du Préfet de département.
Vous l’aurez compris, le principal apport des Ad’AP consiste à assurer le suivi de la programmation des travaux tels que définis par ce dernier. Il est ainsi envisagé d’instaurer des points de contrôle à la fin de la première année pour un Ad’AP à plusieurs reprises, à l’issue de chaque période intermédiaire de l’Ad’AP et bien entendu, après la date retenue pour la fin des travaux.
Nous pouvons parler d’un système de « donnant-donnant ». Le législateur, pour inciter les acteurs publics et privés à s’engager dans l’élaboration d’un Ad’AP, dans son dépôt et dans sa mise en oeuvre complète, écarte les sanctions pénales :
• pendant toute la durée d’un Ad’AP,
• après la fin d’un Ad’AP certifié par une attestation d’achèvement,
• en cas de dérogation accordée pour motif technique,
• tant qu’il existe une suspension des délais d’entrée dans l’Ad’AP pour motif financier ou économique.
Enfin, la loi future prévoit la création d’un fonds dédié à l’accompagnement de l’accessibilité universelle. L’objet du fonds et son organisation seront précisés par ordonnance. Ce fonds pourra être mobilisé par les maîtres d’ouvrage en grande difficulté financière afin de leur permettre d’engager des travaux pour faciliter l’accessibilité des bâtiments aux personnes handicapées.