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« Les informations pour les acquéreurs en copropriété, entre réalisme et indécence ! » Jean-François Buet, président de la FNAIM
L’entrée en vigueur de la loi ALUR, monument législatif de 200 articles, appelant stricto sensu 208 décrets d’application, ne peut pas ne pas poser de problèmes pratiques. Il en va toujours ainsi de textes touchant à des actes courants de la vie quotidienne, et impliquant de multiples acteurs, non seulement les particuliers mais aussi des professionnels, des conseils, des officiers ministériels, ou encore des entreprises en bâtiment. Il est de l’intérêt de tous que les obligations soient respectées à l’échéance fixée par le législateur lui-même, sans délais pour certaines dispositions, à la parution des textes d’application pour d’autres… Pour autant, comment tous les problèmes pratiques seraient-ils d’emblée résolus ?
Dans ces circonstances, on se passerait de donneurs de leçon et de censeurs, qui accréditent que les professionnels traînent des pieds. Une mesure fait ainsi couler beaucoup d’encre, les nouvelles obligations d’information des acquéreurs de lots de copropriété. On a pu lire ainsi des critiques virulentes, soutenant que « l’information de l’acquéreur n’est apparemment pas l’affaire des professionnels ». La vérité doit être rétablie.
D’abord, comment nier que le principe de précaution, pour compréhensible et noble qu’il soit, finisse par alourdir considérablement des démarches naguère légères ? Vouloir que dès la signature du compromis ou de la promesse de vente l’acquéreur n’ignore rien ou presque de l’immeuble dont il va devenir copropriétaire est merveilleux. Seulement voilà: on détourne de sa nature l’avant-contrat, censé pouvoir rapidement consigner l’accord des parties sur la chose et sur le prix. On perd au passage l’élémentaire bon sens: faut-il prendre l’acheteur pour un imbécile au sens étymologique, c’est-à-dire quelqu’un qui a besoin de béquilles pour marcher ? Avant l’ALUR, a-t-on constaté des litiges, des acquéreurs découvrant sur l’immeuble des choses de nature à leur faire regretter leur acte, du moins en nombre significatif ? La justice a-t-elle dû par le passé faire face à un afflux de différends à trancher? La réponse est évidemment négative.
Par ailleurs, en matière d’information, qui nierait que le mieux est l’ennemi du bien ? Désormais, il est annexé à l’avant-contrat des kilos de papier. Outre que le développement durable s’en trouve un peu malmené, aucun acquéreur ne lira ni l’intégralité des procès-verbaux d’assemblée générale des trois années précédentes, ni le règlement de copropriété ni ses modificatifs, ni même les documents financiers exigés. Il consultera en revanche la fiche synthétique de la copropriété, dont le modèle reste à définir : il s’agit là d’une initiative bienvenue. Il s’intéressera aussi à la notice d’information sur ses droits et obligations, seconde innovation heureuse.
Venons-en à la responsabilité de la fourniture de ces informations. Certes, elle pèse sur le vendeur. Pour autant, lorsqu’il y a un agent immobilier dans le jeu, c’est clairement dans sa mission et les professionnels concernés ne s’en défaussent pas. Non, la synergie désormais nécessaire entre négociateur et syndic de copropriété ne s’enclenche pas sans difficulté : chacun à ses préoccupations et sa logique, et il faut apprendre à travailler ensemble. Il s’agit aussi, pour l’un comme pour l’autre, de tracer des informations que le vendeur devrait avoir et dont il ne dispose plus pour les avoir égarées. Bref, les rôles s’ajustent et on éprouve le mouvement en marchant.
Au-delà d’assumer leur responsabilité, les professionnels dressent un constat : la complexité introduite par la loi ALUR dans les avant-contrats de vente des biens en copropriété -qui constituent 80% des transactions- va faire croître le recours aux agents immobiliers. Pourquoi dans ce contexte stratégique favorable les professionnels rechigneraient-ils à tout faire pour fournir aux acquéreurs les informations qui déclencheront le délai de rétractation?
Je prétends aussi que ces missions nouvelles sont de nature à justifier le maintien d’honoraires de transaction à un niveau honorable, quand la tendance générale de l’économie est à reconnaître de plus en plus mal la valeur ajoutée.