On ne peut nier que le monde de l’immobilier et sa ministre de tutelle ne vivent pas une lune de miel. Au fond, il y a deux raisons à cela : le fond et la méthode.
Sur le fond, la première partie du projet de loi ALUR (« pour l’accès au logement et un urbanisme rénové »), qui concerne essentiellement les relations locatives, la copropriété, la vente et la location, comporte plusieurs dispositions dangereuses pour le marché et dangereuses pour ses acteurs professionnels.
On peut pour mémoire citer les plus marquantes : un encadrement des loyers excessivement contraignant et complexe des droits nouveaux pour le locataire au détriment de la sécurité de l’investissement, comme la remise en cause du montant du loyer, de la surface ou de l’état des lieux après la signature du bail, le préavis raccourci à un mois en zone tendue, l’interdiction de facturer des honoraires de location au preneur bénéficiaire d’une location, la contrainte pesant sur les agents immobiliers d’alimenter des observatoires des loyers sans contrepartie financière mais avec une éventuelle sanction pénale, le principe d’une garantie universelle des loyers prise en charge à grands frais par l’Etat, répercutée sous forme de taxe aux propriétaires et ne faisant pas aux assureurs la place qu’ils méritent, l’interdiction de placer les fonds des copropriétaires sur un compte unique au nom du syndic pour les petites copropriétés générant des frais supplémentaires, et l’obligation complexe de multiplier les comptes de dépôt, l’interdiction pour le syndic d’adapter ses tarifs en proposant des services optionnels, enfin, des commissions régionales de contrôle pour juger des différends entre particuliers et professionnels, hors des juridictions ordinaires.
Encore l’éventaire n’est-il pas complet…Il ne faut pas lasser les lecteurs – l’électeur ?…-, et le texte de loi est un projet fleuve, avec quelque 100 articles !
L’ensemble coutera cher aux bailleurs, aux locataires mais aussi aux copropriétaires.
Pourtant, en dépit de la longue liste des griefs, c’est ailleurs que réside la raison la plus forte du désamour entre la profession et le Gouvernement : la méthode politique en est cause.
Madame Duflot a organisé pendant près d’un an concertations et consultations, pour ne retenir quasiment rien des préconisations qu’elle a reçues. Simulacre de respect au service d’une arrogance politique sans précédent, aussi loin remontât-on dans la liste de ses prédécesseurs.
Je lui dis aujourd’hui solennellement : il est temps encore de sauver cette loi et de ne pas rater le rendez-vous d’une réforme nécessaire.
Il est urgent de retisser le lien de confiance entre l’Etat et les 35 000 entrepreneurs visés par le projet de loi, et ce de deux manières.
Alors que s’ouvre au Sénat la première lecture, après que l’Assemblée Nationale s’y est livrée elle-même le mois dernier, le Gouvernement peut d’abord faire droit à des amendements qui corrigeraient les graves défauts dont il est porteur.
Il est une seconde voie de réconciliation, plus décisive et plus symbolique encore : le conseil national de la transaction et de la gestion, créé par le texte ALUR, doit être mis en place au plus tôt, fût-ce de manière informelle avant même la promulgation de la loi – qui n’interviendra pas avant le deuxième trimestre 2014 – pour contribuer à la rédaction des décrets d’application des nombreuses dispositions qui en appellent.
Cette instance, dont la majorité des sièges sera tenue par les organisations professionnelles, a deux missions cardinales : œuvrer à la discipline des agents immobiliers et des administrateurs de biens, et éclairer le Gouvernement pour tout ce qui a trait aux activités de transaction et de gestion. Son rôle est par conséquent de se prononcer sur les textes d’application de la loi-même qui l’installe. Il serait simplement malveillant de la part de la ministre de l’égalité des territoires et du logement et de sa collègue de la justice, coproductrice du projet de loi, de signer des textes d’application sans l’avis du conseil national.
Or, ces textes seront cruciaux pour la plupart des mesures que j’ai pointées au début de mon propos.
Madame Duflot a dans ses mains le destin de sa relation avec l’univers professionnel de l’immobilier, qui incarne l’espoir d’une relance de l’activité économique et de l’emploi, mais aussi de la nécessaire relation de confiance, de sécurité et de garantie dont nos concitoyens ont besoin dans leurs projets de logement.
A contrario, je dis sans ambiguïté qu’un corps professionnel ne vit pas en paix si son lien avec les décideurs publics n’est pas apaisé.