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« Discours sur la politique immobilière : de l’emporte-pièce au couteau fin », Marc Gedoux, Président de Pierre Etoile

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photo : Marc Gedoux, président de Pierre Etoile

Les discours dominants sur la politique immobilière tenus par la communauté professionnelle  sont depuis plusieurs mois extrêmement sévères et négatifs.

On ne peut nier qu’il y ait un peu d’idéologie dans tout cela, et que les acteurs du logement, à la sensibilité libérale, aient le sentiment naturel que la majorité actuelle menace la liberté d’entreprendre et d’investir.

A ceux-là, je dis que le manichéisme politique n’est pas de saison : naguère encore, une majorité d’inspiration libérale a pris aussi quelques malheureuses décisions à l’encontre du marché immobilier.

En revanche, le Gouvernement me semble à deux titres prêter le flanc et appeler ces appréciations défavorables.

D’abord, sans doute, par des mesures très critiquables à l’aune de l’impératif de dynamisation du marché, de reconstruction de la confiance ou encore de simplification. Pour autant, c’est dans l’ordre de la communication que j’identifie les plus gros écueils, et conformément à mon observation liminaire, je ne prétends pas que les précédents Gouvernements n’aient pas pêché à l’identique : je me contente de juger la réalité actuelle et les menaces qu’elle fait peser sur les ménages et sur le logement.

La première erreur consiste à stigmatiser et à cliver. Trop d’interventions de la ministre de l’égalité des territoires  et du logement ou de ses collègues, du Premier ministre même, ont donné le sentiment que les professionnels de l’immobilier et surtout les propriétaires, mis pêle-mêle dans le même sac, étaient à l’origine de la crise du logement et de tous les dérèglements.

La maladresse est-elle seule en cause ? S’est-il agi d’assimiler les abus, indéniables, dans notre domaine comme dans les autres, à la totalité des comportements ? Par rusticité ? Par méconnaissance du détail de la réalité? S’est-il agi de tordre les propos pour plaire à une partie de l’électorat? Peu importe au fond, mais le résultat est là, ce sentiment confus, lorsqu’on est promoteur, agent immobilier, propriétaire particulier ou institutionnel, qu’on est porteur de tous les maux et de toutes les responsabilités.

De toute façon, chacun sait que la complexité des marchés du logement interdit la caricature.

Tous les acteurs ont une part de responsabilité, et aussi ceux qu’on met au-dessus du jeu, alors qu’ils y participent.

Au premier chef, l’Etat et les collectivités locales, à l’origine de l’inflation des prix du logement avec des charges foncières qu’elles cèdent aux professionnels par le biais de consultations où le premier critère, même s’il n’est jamais avoué, est le prix du foncier.

Mais également l’Europe qui, avec sa tendance à sur-règlementer sous couvert de vouloir déréguler le système financier international, et ses impératifs prudentiels, pénalise la distribution du crédit depuis des mois. Bref, il importe que les interventions de nos dirigeants ne désignent pas des boucs-émissaires à bon compte. D’autant qu’en économie, les discours sont performatifs, pour utiliser une expression de sémiologue : ils créent la réalité. L’opinion finira par céder elle-même à la facilité de trouver des coupables, et on aura coupé le pays en deux, sans rien résoudre.

La seconde erreur est d’une tout autre nature : elle consiste à parler avant d’agir, et à présenter une décision politique comme acquise, alors qu’elle n’est inscrite dans aucun texte et loin d’être applicable. Ce Gouvernement commet à cet égard la faute de tous ceux avant lui, avec cette nuance que la situation économique est telle qu’on ne peut plus s’offrir le luxe de l’effet déceptif, qui bloque les intentions des ménages.

Le préjudice peut être aussi lourd sur les sujets civils que sur les questions fiscales et financières : annoncer une modification du droit de l’urbanisme qui n’est pas utilisable est aussi dangereux qu’informer d’un mécanisme d’imposition qui n’est pas voté.

Et Dieu sait si le Gouvernement use et abuse de cette facilité ! Pourquoi ?

Pour deux raisons sans doute : pour tester l’opinion, et pour l’apaiser par effet d’annonce.

La technique est désormais employée presque systématiquement : elle l’a été pour le choc de simplification appliqué à l’urbanisme – au point qu’il était difficile au Gouvernement de ne pas légiférer par ordonnance, pour éviter d’inacceptables délais après les annonces -,  elle l’a été pour la réforme de la taxation des plus-values de cession, tant pour le mécanisme lui-même que pour les abattements exceptionnels  dévoilés par le Président de la République soi-même, elle l’a encore été pour le projet de loi ALUR. Chacun voit par exemple que la fameuse GUL  (garantie universelle des loyers) n’a pas été préméditée avec assez de sérieux et que les parlementaires de la majorité eux-mêmes ne s’y trompent pas : des objectifs flous, un financement hasardeux, une hésitation entre un partenariat public-privé et le tout Etat.

Il en de même concernant le loyer médian dans les zones tendues. D’une intention louable et nécessaire pour lutter contre les niveaux de loyers abusifs des petites surfaces à Paris, cette disposition, en ne faisant pas de différence entre les logements anciens énergivores et les logements neufs  les plus économes en énergie, est en train de bloquer les investissements dans l’immobilier neuf. La loi ALUR risque ainsi de tuer le dispositif Duflot.

D’ailleurs, ce mode de communication emporte une seconde conséquence qui accentue la première : les lobbies ne peuvent pas ne pas réagir, prendre l’opinion à témoin, et en définitive aggraver la situation en l’inquiétant prématurément. Il serait pourtant essentiel que le paysage juridique  de l’immobilier soit clair et stable, alors que les gouvernants en font un lieu d’agitation permanente, entraînant même les voix professionnelles dans  cette agitation. Sans parler des ménages, qui tendent à ne plus distinguer entre les projets ou les propositions de loi et les intentions et les actes.

On observera ainsi qu’on ne parle plus que de « loi ALUR », alors que le texte n’aura achevé son parcours législatif qu’en mars ou avril 2014, et que nombre de dispositions n’entreront pas en vigueur avant 2015, en particulier parce qu’elles appellent des décrets d’application.

Le Gouvernement doit reconquérir la confiance des Français. 74 % de nos concitoyens ne lui font pas confiance en matière d’immobilier*.

Cela n’est pas étonnant, car il est temps que les discours gagnent en finesse et en justesse, plutôt que d’adopter le flou comme définition permanente.

Le ciseau fin de l’ébéniste plutôt que l’emporte-pièce en quelque sorte. Les ménages et les professionnels attendent cela pour troquer l’inquiétude contre la confiance.

* selon le cinquième baromètre Explorimmo/Ifop paru à la fin septembre 2013

 

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