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« La GUL et le chaos », Jean-François Buet, président de la FNAIM

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photo : Jean-François Buet, président de la FNAIM

On se trompe sur ce qu’est le chaos. C’est un état d’où sortent l’ordre et la lumière. Pour cette  raison, et sans cynisme, il faut se réjouir de ce qu’il se passe autour de l’article 8 du projet de  loi ALUR de Cécile Duflot, qui postule la création d’une garantie universelle des loyers. Certes,  le Gouvernement a fait preuve d’une extrême prudence : une rédaction tellement évasive qu’elle autorise à peu près toutes les interprétations sur les sujets cruciaux, comme la définition  de l’universalité, le public cible ou encore le financement de l’affaire, et en outre un délai de deux ans pour construire le dispositif.

Si la première lecture à l’Assemblée Nationale a permis à la ministre de l’égalité des territoires  et du logement de préciser les choses, la question du financement n’a pas laissé d’inquiéter jusqu’aux députés de la majorité. Logiquement, les sénateurs, qui n’ont pas moins de bon sens, sont en train de douter à leur tour et ils l’exprimeront dès demain 9 octobre en Commission, avant de le faire en séance publique à partir du 22. L’enjeu est de taille : 700  millions par an selon Madame Duflot, 1,5 fois voire 2 fois plus selon les actuaires de la Fédération française des assurances et les spécialistes des garanties contre les impayés de loyer qui proposent des produits depuis trente ans. Surtout, c’est la méthode pour trouver la richesse et la gérer qui fait débat. On peut même reconnaître que les pouvoirs publics sont  avec ce beau projet plongés dans un embarras profond : le chaos.

La ministre attend l’essentiel de l’Etat et de l’impôt. En clair, les primes d’assurance payées par tous les locataires et propriétaires du pays, mais aussi le trésor de guerre du 1% logement (Action Logement) seront sollicités. Par-dessus tout cela, une agence publique pour piloter le fonctionnement d’une couverture qui concernera 6,5 millions de logements et d’occupants, et  5 millions d’investisseurs, et le secours du Trésor public pour le recouvrement des impayés  garantis. Personne ne croit sérieusement que cela puisse marcher…pas même, dit-on, ni à Bercy ni à l’Elysée. La seule voie à emprunter est celle du partenariat public-privé: les assureurs privés et les professionnels de la gestion doivent être associés pour que ce qui verra le jour soit viable et dépasse les intentions pieuses.

Car enfin, après l’échec du Locapass, de la garantie des risques locatifs version 1 et version 2, il  n’est que temps que l’Etat comprenne que l’assurance est un métier, qui n’est pas le sien. Que les pouvoirs publics fixent le cap, donnent les objectifs de populations prioritaires, soit. Qu’ils usent des fonds publics sans avoir le savoir-faire de maîtrise du risque a priori ni de recouvrement a posteriori est irresponsable pour les finances publiques et pour les contribuables.

On pourrait arguer qu’il y a carence de l’initiative privé: il n’en est rien. Les assureurs, les  courtiers, non seulement les spécialisés mais aussi les généralistes, et la communauté des administrateurs de biens ont fait leurs offres de service. Au nom de quoi les repousse-t-on? Ils sont prêts à agir au côté de l’Etat, et à mobiliser leurs fonds. On entend des politiques objecter que les volontés privées ne se sont pas toujours exprimées ainsi, et qu’il y a quatre ans,  l’accouchement de la GRL 2 s’était fait aux forceps, avec quelques rares assureurs. Autres temps autres moeurs : les opérateurs privés n’ont pas été insensibles aux évolutions économiques et à la nécessité de sécuriser bailleurs et locataires. Ils ne sont pas prêts à tout, et il faut écouter leurs préconisations de méthode expertes, condition pour que la GUL soit  solide et efficace, mais ils veulent coopérer avec l’Etat.

Il n’est pas si fréquent qu’un sujet aussi technique donne lieu à des discussions aussi âpres au sein de l’exécutif comme au sein des Assemblées, et remette en question jusqu’aux fondamentaux de départ. Le Gouvernement, loin de l’arrogance périlleuse, doit en tirer les enseignements et écrire un scénario dans lequel l’Etat et les opérateurs privés partagent la mission d’inventer une garantie viable. Alors le chaos aura été un moment heureux de l’action politique.

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