Actuellement en discussion au Parlement, le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur) suscite un tollé de la part des acteurs du marché. Le point sur les dispositions qui fâchent.
Agents immobiliers, administrateurs de biens sans oublier les propriétaires bailleurs sont inquiets par le projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové (Alur). À leurs yeux, cette ré- forme initiée par Cécile Duflot, l’actuelle ministre du Logement, et qui pourrait être définitivement votée d’ici la fin de cette année, modifiera certaines dispositions de la loi du 6 juillet 1989 régissant les rapports entre bailleurs locataires.
En fait, ce nouveau texte vise avant tout à protéger ces derniers en encadrant les loyers en zones tendues. Cela devrait faire baisser un quart des loyers en région parisienne, selon les prévisions de la ministre. Elaboré quasi- ment sans aucune concertation avec les professionnels, un autre volet de ce projet de loi durcit les pratiques des agents immobiliers et des syndics de copropriété. Par les limitations qu’il prévoit, un sérieux coup pourrait être porté à leur activité, et, partant, à leur chiffre d’affaires. D’où les vives inquiétudes de la profession. Coup de projecteur sur les dix dispositions clés de ce texte fleuve.
Les mesures qui visent les bailleurs
La garantie universelle des loyers (GUL)
L’instauration de la GUL constitue la mesure phare et politique du gouverne- ment. Appelée à se substituer dès janvier 2016 aux assurances actuelles pour tous les bailleurs de logements privés, cette garantie obligatoire devrait être financée par une taxe nouvelle prélevée sur les loyers. À ce jour, le taux et la répartition de cette taxe entre propriétaires et locataires n’est pas encore connue. « En dehors des contributions diverses des collectivités territoriales, cette garantie ne devrait être financée que par les locataires eux-mêmes, qui en profiteront.
Et non comme le prévoit la réforme, par les bailleurs, déjà sur- taxés », insiste Jean Perrin, président de l’UNPI (Union nationale de la propriété im- mobilière). Les propriétaires doivent garder la liberté de s’assurer ou non contre les risques d’impayés des loyers, martèlent les professionnels. Les taxer davantage les inciterait à vendre leurs biens locatifs, ce qui aggraverait sérieusement les difficultés d’accès au logement dans les zones tendues (région parisienne, Rhône-Alpes, Paca). Autre reproche : le risque de déresponsabilisation des locataires indélicats.
L’encadrement des loyers
Au dispositif d’encadrement actuel des loyers, serait substitué un mécanisme de formation des prix des loyers défavorable aux bailleurs. Si un logement est situé dans une zone de plus de 50 000 habitants, classée comme « zone tendue », le loyer devra respecter des fourchettes de prix définies par rapport à un loyer médian déterminé par des observatoires publics. Les bailleurs risquent ainsi de perdre la faculté de fixer librement leurs loyers.
La contestation des loyers
Le bail sera encadré par un document type. Qu’il s’agisse d’un bail fraîchement signé ou renouvelé, en zone tendue, le locataire pourra contester le montant du loyer dans les 6 premiers mois de la location. Par ailleurs si la surface réelle louée est inférieure de plus de 5 % à celle mentionnée dans le bail, il pourra aussi exiger une baisse du loyer à tout moment. Bailleurs et professionnels de- mandent une suppression de cette disposition qui n’est rien d’autre qu’une perte de la garantie du montant du loyer perçu.
Les honoraires à la charge du bailleur
Le projet de loi prévoit de mettre les frais à la charge exclusive du bailleur. Quant aux honoraires liés à la réalisation de l’état des lieux et à la rédaction du bail, ils seraient partagés entre le bailleur et le preneur. Sur le fond, l’acte de louer, de la visite à la signature du bail en passant par l’instruction du dossier et l’état des lieux, profite autant au bailleur qu’au preneur.
La règlementation des loyers meublés
Le projet de loi compte imposer aux locations meublées la nouvelle réglementation relative aux loyers médians, alors qu’elles bénéficiaient jusqu’à présent d’une relative liberté.Levée de boucliers des professionnels et des bailleurs. « La location meublée à titre de résidence principale du locataire est concernée par le plafonnement des loyers dans les communes de plus de 50 000 habitants situées en zone tendue. Cette mesure risque non seulement d’être inefficace, mais également de dissuader les bailleurs de louer leur bien. S’ils ne renoncent pas à louer, ils choisiront toujours les locataires présentant les meilleures garanties, remarque Maud Velter, directrice associée de Lodgis. Comme la location de locaux meublés doit répondre à une certaine souplesse, il faut pouvoir établir le bail rapidement et simplement. Dans ces conditions, les loyers doivent rester libres pour ces locaux ».
Le durcissement sur des biens occupés
« En cas d’acquisition d’un bien occupé, tout congé pour vente ou pour reprise n’est autorisé qu’au terme du premier renouvellement du bail en cours », indique le projet de loi. Si elle est votée en l’état, cette disposition aurait pour but d’instaurer un maintien dans les lieux pendant la durée d’un bail et introduirait ainsi une inégalité entre les locataires. Il faut maintenir la possibilité pour le nouveau propriétaire de donner congé au terme du bail en cours, puisque le bail n’est pas remis en cause par la vente, insistent les spécialistes.
Les mesures qui malmènent les professionnels
Le plafonnement des honoraires
Toujours en matière de location de logement, le projet de loi prévoit de plafonner les honoraires des agents immobiliers pour la rédaction du bail et de l’état des lieux. Il faudra sans doute attendre le décret d’application pour en connaître les limites.
De nouvelles obligations pour les syndics
Le texte prévoit que les syndics devront immatriculer les syndicats de copropriétés sous peine de sanction, établir une fiche par immeuble géré, produire un certificat avant toute acquisition de lot sous peine de nullité de la vente… Ces obligations prendront du temps, sans être forcément rémunérées à leur juste prix. De plus, elles vont bureaucratiser une profession.
L’encadrement des prestations autorisées
Actuellement les syndics pratiquent un forfait de base, auquel s’ajoutent des prestations particulières. Mais 92% des contrats de syndic continuent de facturer des prestations faisant pourtant partie dudit forfait. Demain, les prestations ne figurant pas dans la liste seront inclues dans le forfait de base.
L’obligation d’un compte séparé
« Aujourd’hui, l’ouverture de compte séparé n’est que recommandée.
Demain elle devrait de venir obligatoire, ce qui améliorera la sécurisation des fonds des copropriétaires. La pratique du compte bancaire unique commun ou du sous-compte individualisé permet au syndic de profiter des revenus financiers tirés du placement de la trésorerie », explique Rachid Laaraj, directeur de Syneval. Toutefois nombre de syndics estiment que cette disposition alourdirait leur gestion. « Pour une question de dogme, la généralisation du compte séparé ouvert au nom du syndicat de copropriétaires nous obligerait à gérer une multitude de comptes bancaires répartis dans plusieurs banques. De plus, elle ne permettrait pas forcément de sécuriser les fonds des particuliers.
Mieux vaut augmenter les pouvoirs des garants, c’est-à-dire des caisses de garantie pour qu’elles exercent un contrôle de qualité sur les syndics », conclut Etienne Ginot, président de l’Unis. En la matière, les professionnels recommandent la mise en place d’extranets « compta-copro », accessibles 24h/24 aux copropriétaires, pour améliorer la transparence. Vive la technique !
Journaliste économique, Martine Denoune vient de quitter les Echos où elle traitait d'immobilier mais aussi d'assurance-vie, de fiscalité et d'ingénierie patrimoniale. Elle exerce désormais en freelance et anime parallèlement un blog dédié aux placements sur http://mdenoune.wordpress.com.