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« Garantie Universelle des Loyers (GUL) : de la religion à la raison », François Gagnon, Président ERA Europe et ERA France

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photo : Francois Gagnon, Président ERA France et ERA Europe

Ce qui se passe est étonnant : après avoir fait débat quant à son principe, la garantie des loyers emporte une adhésion inconditionnelle de toutes parts. Certes, ses modalités sont discutées, et le clan de ceux qui considèrent – comme la Ministre de l’Egalité des Territoires et du Logement – qu’elle doit être publique, s’oppose aux défenseurs du privé. On discute aussi sur son universalité, chacun lui prêtant un sens différent. On ne discute même plus sur l’imputation de la prime, dont il est convenu qu’elle sera partagée entre bailleur et locataire. Mais sur l’existence même d’un tel dispositif, plus de distance entre la droite, la gauche et le centre, les administrateurs de biens, les associations de consommateurs et le Gouvernement, le Gouvernement et le Parlement, les assureurs et l’Etat. Bref, par une sorte de miracle intellectuel et politique, tout le monde est d’accord : on retrouve là l’alchimie de la Pentecôte… « Tous parlaient des langues distinctes, et chacun comprenait les autres », nous dit l’Ecriture.
Cette référence biblique, qui n’altère pas la laïcité de mon propos, me semble la seule pertinente en effet : sur ce sujet, la France est passée insensiblement de la liberté de penser à la pensée unique. Au risque d’être livré au mépris public, je dis que nous n’avons pas besoin de GUL, que la GUL est dangereuse pour l’équilibre démocratique et pour la morale même, et enfin qu’elle comptera parmi les moyens les plus efficaces d’accentuer le déficit public.
L’inutilité est démontrée. Les sources officielles nous apprennent qu’il y a 2,5 % d’impayés de loyer privé dans notre pays, sur les quelque 6,5 millions de logements loués*. Voilà qui en dit long sur la nature des rapports locatifs, que le Gouvernement s’évertue de nous montrer comme tendus et difficiles. Il n’en est rien. Oui, la solvabilité des locataires est éprouvée par les circonstances économiques, celle des bailleurs aussi d’ailleurs, et oui, les deux parties se respectent et trouvent quand il le faut des accommodements. Oui, ces accords sont quasiment toujours préférés aux procès. Il n’en reste pas moins qu’en cas de jugements, ils tranchent en général au profit de la partie que l’on
croit la plus fragile, par méconnaissance de la condition des propriétaires.

Précisément, cette GUL est de nature à ignorer les grands équilibres et à malmener les valeurs. Le Gouvernement et ses dévoués dans cette cause regardent d’un même regard tous les locataires, et les considèrent tous comme susceptibles d’être assistés. Pourtant le nuancier des situations est large, et tous n’ont pas un besoin identique d’assurance. Bref, on crée un dispositif sans intelligence et sans souplesse. A ce jeu-là, alors que le marché locatif fonctionne sur une éthique, on va l’affadir : il sera clair que l’impayé n’a pas de conséquence et donc, le locataire le plus scrupuleux risque fort de devenir moins pressé à payer son dû dès lors qu’il peut le faire sans préjudice.

Enfin, Madame Duflot a fait le choix d’un système totalement public, piloté par une agence publique, fonctionnant sur fonds publics, au mépris des assureurs privés qui ont prouvé leur aptitude à gérer ce risque spécifique, et qui pourraient au moins être associés à l’aventure. Car il s’agit bien d’une aventure : le Gouvernement, dans l’étude d’impact du projet de loi, chiffre à 750 millions d’euros annuels le besoin de trésorerie… que les assureurs évaluent au double ! Bref, un flou artistique, pour ce qui est de toute façon le tonneau des Danaïdes. D’autant que les méthodes de recouvrement n’ont pas été précisées : la ministre, pressée par les députés, a fini par imaginer que la mission serait
confiée aux directions locales des impôts, dont les moyens ne cessent d’être réduits et qui peinent déjà à s’acquitter de leurs tâches régaliennes.
Je propose que la raison se substitue sans délai à cette espèce d’enthousiasme religieux, et qu’on enterre avec les honneurs la GUL. Sans cela, on constatera amèrement dans quelques années qu’on s’est payé de mots et que la facture est lourde. On aura au passage déboussolé le marché locatif privé, en lui ôtant ses repères normaux. Il suffit de lire les débats en commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale pour comprendre combien les parlementaires sont sceptiques : on les sait plus attachés au réel qu’au fantasme, et ils pressentent que l’article 8 du projet de loi est un mirage législatif. ©LeFilDeLimmo/BazikPress

(*) Ces chiffres figurent dans le rapport de la mission conjointe confiée par la ministre de l’égalité des territoires et du logement à l’Inspection générale des finances et au Conseil général de l’environnement et du développement durable. Ils sont repris par le rapport de la commission des affaires économiques de l’Assemblée Nationale sur le projet de loi ALUR.

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