Marchands de listes, formation continue, frais d’agences, tarifs des syndics… sont au menu du projet de loi de réforme du logement et de l’urbanisme.
Si, dans l’ensemble, certaines dispositions du projet de loi que vient de présenter Cécile Duflotfait grincer des dents la profession, d’autres paraissent acceptables. Comme l’obligation pour les marchandsde listes à détenir l’exclusivité des logements qu’ils proposent. Ou encore la mise en place d’une obligationde formation continue et la création d’instances de contrôle ainsi que d’un code déontologique.En revanche, les autres mesures relatives à l’encadrement des professions immobilières suscitent un tollé. À commencer par les frais d’agence liés à la location. Il est prévu que le bailleur prenne en charge la totalité de ces frais, à l’exception de la réalisation de l’état des lieux et de la rédaction du bail. Ces deux derniers postes seront partagés avec le locataire, mais leur montant sera plafonné par décret.
Encadrement des pratiques tarifaires des syndics
Autre pierre d’achoppement :la réforme de la loi sur la copropriété du 10 juillet 1965.Le projet de loi prévoit d’encadrer
les tarifs des syndics en forfaitisant leurs actes. Plus précisément, la liste des frais particuliers sera déterminée
par décret. Quant aux autres prestations, elles seront réputées de « gestion courante » et ne pourront pas faire l’objet d’une facturation supplémentaire en dehors du fameux forfait annuel.
« Généralement les syndics professionnels font voter par l’assemblée générale la dispense de compte séparé, en invoquant les coûts supplémentaires qu’ils génèrent », indique-t-on au ministère du Logement, qui souhaite rendre plus transparente la gestion des fonds, via la suppression de toute dérogation à l’obligation de compte séparé. En outre, dans la mouture actuelle du texte, le syndic devra établir le budget prévisionnel en concertation avec le conseil syndical de l’immeuble.
Pas de doute, plusieurs dispositions agacent sérieusement les professionnels de l’immobilier.
La suppression, ou la forfaitisation de la part des honoraires de location due par les locataires, suscitera des dysfonctionnements : retour des « dessous de table » et des marchands de listes. « Évaluée à environ 400 millions d’euros, la perte conséquente de chiffre d’affaires entraînera la suppression de 10 000 emplois d’agents de location et
une baisse de 80 millions d’euros de TVA collectée », calcule Jean-François Buet, président de la Fnaim.S’agissant des honoraires de syndic de copropriété, la forfaitisation des prestations complémentaires risque d’appauvrir l’offre de services. Et ce, à une période où il faut l’adapter aux besoins des copropriétaires et mobiliser les syndics de copropriété afin de mettre en œuvre le plan de rénovation énergétique des bâtiments. L’on s’en doute, ces dernières mesures ont été envisagées de manière unilatérale, sans aucune concertation avec la profession. Reste à attendre l’examen du texte au Parlement.
Le gouvernement se trompe de combat.« S’il existe des abus chez certains professionnels de l’immobilier, il faut les sanctionner, mais pointer du doigt une seule profession constitue une erreur de jugement. Ce que l’on appelle « frais d’agence », ce sont en réalité des honoraires qui correspondent à certaines missions très précises et réglementées, à savoir la rédaction du bail et l’état des lieux. Ces actes ne sont pas anodins, ils sont de la responsabilité de l’agent immobilier et impliquent sabonne foi.Ce projet de loi revient à taxer encore davantage le bailleur, qui l’est déjà suffisamment. Il apparaît comme trop réducteur d’annoncer que le locataire doit uniquement payer ce qui le concerne, il s’agit d’une vision bien étroite de la réalité du marché de l’immobilier d’aujourd’hui ». Bernard Cadeau, président du réseau Orpi
Vers une amélioration de la lecture des contrats de syndic. « S’il est adopté par le Parlement, ce projet de loi constituera un bouleversement dans l’univers du syndic, comparable à la libération des tarifs de syndic en 1986 ! En ne laissant que peu de latitude en matière de rédaction de contrat, la loi Duflot provoque une homogénéisation des contrats et une meilleure lisibilité. L’obligation d’ouverture d’un compte bancaire séparé au nom du syndicat des copropriétaires constituerait également une révolution, la majorité des copropriétés étant gérées via un compte bancaire commun (ou un sous-compte individualisé) au nom du syndic. Cette disposition va surtout impacter les grands groupes qui tirent des revenus financiers du placement de la trésorerie. Il est donc prévisible que les honoraires de base proposés par ces grands réseaux augmentent sensiblement après l’adoption de cette loi afin de compenser cette perte de revenus ». Larid Laaraj, directeur général de Syneval, courtier en syndic.
Martine Denoune
Journaliste économique, Martine Denoune vient de quitter les Echos où elle traitait d'immobilier mais aussi d'assurance-vie, de fiscalité et d'ingénierie patrimoniale. Elle exerce désormais en freelance et anime parallèlement un blog dédié aux placements sur http://mdenoune.wordpress.com.