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Conjoncture immobilière, l’analyse de l’économiste Michel Mouillart: « Pas d’impatience, ni d’illusion »

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Après une chute sans précédent en 2012, le marché de l’ancien commence
à se relever du fait des taux d’intérêt bas. Mais la vraie reprise ne peut venir
que du retour sur le marché des ménages à revenus moyens ou modestes.

photo :

Alors que l’économie s’enfonçait dans la récession, la suppression du PTZ+ dans l’ancien a provoqué l’effondrement de la primo-accession des ménages modestes (une chute de 100 000 unités en 2012). Et au total, le nombre de logements anciens achetés par les ménages a baissé de l’ordre de 152 000 unités, accentuant le blocage de la mobilité résidentielle des ménages (dans les parcs locatifs social et privé). Pour autant, du fait de conditions de crédit exceptionnelles, la dégradation du marché de l’ancien se termine. Les évolutions observées au cours du 1er trimestre 2013 semblent le confirmer. Mais pas d’impatience,la reprise ce n’est pas pour maintenant, mais pour plus tard(1). Et elle ne viendra pas par miraclede la baisse des prix, mais, comme lors de toutes les sorties de récession, du redressement de la productionde crédits immobiliers.

Un marché qui ne se dégrade plus

La chute de la production et du montant des crédits versés du montant des crédits versés constatée durant près de deux années vient d’un effondrement de la demande. Cet effondrement prend ses racines aussi bien dans la dépression économique, la montée du chômage et une perte de pouvoir d’achat, que dans la réduction, très forte, des soutiens publics notamment en faveur de l’accession à la propriété. Comme la dégradation de l’environnement macroéconomique va se poursuivre en 2013, la demande restera fortement déprimée.Le nombre de logements anciens achetés par les ménages devrait de ce fait encore diminuer : de l’ordre de 3 à 4 %, pour s’établir vers les 520 000 unités, donc en baisse de l’ordre de 25 % par rapport à 2011.Mais le recul attendu en 2013 résultera surtout d’un mauvais début d’année : avec des mois de janvier et février qui ont souffert, au delà du creux saisonnier habituel de l’activité (moral des ménages au plus bas, contrecoup des nombreuses annonces publiques…). Sur le reste de l’année, l’activité devrait se stabiliser et mêmese redresser à l’approche de l’été.D’ailleurs, la production de crédits constatée au cours du 1er trimestre de l’année confirme que la dégradation du marché se termine : d’après l’OPCI, le volume des crédits accordés à l’ancien ne recule plus ; de son côté, l’Observatoire Crédit Logement/ CSA note que le nombre de crédits accordés commence à remonter.Mais il faudra attendre 2014 pour que le niveau des transactions dans l’ancien commence à se relever, lentement. Et comme cela s’est déjà constaté par le passé (lors des redémarrages observés durant la seconde moitié des années 1980, puis durant la seconde moitié des années 1990 et plus récemment, à partir du printemps 2009), c’est le rétablissement de la demande, avec le retour des ménages à revenus moyens/modestes (sous l’effet du recul du chômage et de la remontée du pouvoir d’achat), et le relèvement de l’offre de crédits qui déclencheront la reprise.

5% de baisse des prix, c’est l’équivalent
de la baisse des taux d’intérêt en un an

Même avec des prix « plus sages », un taux de chômage supérieur à 11 % et une offre de crédits en panne ne sont guère favorables à l’expansion du marché de l’ancien.

D’ailleurs, il ne faut pas oublier que la baisse des taux d’intérêt intervenue depuis une année est équivalente à une baisse des prix de 5 % ! Sans que cela ait redynamisé le marché. Il est vrai que la chute du marché n’est pas venue du niveau des prix, mais de la suppression du PTZ+ dans l’ancien : c’est-à-dire, de l’éviction du marché de ménages qui ne disposent plus, sans le PTZ+, de l’apport personnel nécessaire pour réaliser leurs achats.
Et pourtant, les conditions de crédit sont restées bonnes, comme pour déjouer les scénarios de remontée des taux qui reviennent tous les ans, à la même époque.

Des taux d’intérêt
toujours plus bas

En avril 2013, les taux des prêts du secteur concurrentiel (hors assurance et coût des sûretés) se sont établis à 3 %, en moyenne. Ils sont même descendus à 2,99 % pour les seuls prêts à l’ancien (contre 3,99 % en décembre 2011). Jamais par le passé, les taux des crédits immobiliers n’avaient été aussi bas !
La baisse des taux s’appuie sur la volonté des établissements de crédit de soutenir l’activité de marchés en dépression,
dans un climat de concurrence que le renouveau saisonnier habituel de la demande ne fait que renforcer.
Elle bénéfi cie en outre d’une diminution exceptionnelle du coût des ressources et du maintien des taux de sinistralité
des emprunteurs à très bas niveau. En effet, depuis plusieurs mois déjà, le taux de l’OAT à 10 ans, qui constitue une référence en matière de financement des prêts immobiliers, est descendu très bas, à 1,8 % en avril, ce qui est exceptionnel.
En outre, la crise actuelle des marchés immobiliers ne s’accompagne pas d’une explosion du défaut des emprunteurs, comme cela est le cas au Portugal, en Espagne ou en Irlande : les banques vérifi ent la qualité de la signature de l’emprunteur avant de lui accorder le prêt, pour s’assurer qu’il est en mesure de rembourser son emprunt, et les prix de l’immobilier ne se sont heureusement pas effondrés, comme beaucoup l’ont pronostiqué et appelé de leurs voeux. Donc les banques n’ont pas besoin de provisionner, comme ailleurs, pour faire face à des défauts de remboursement, et les taux peuvent baisser.
La baisse des taux est par conséquent logique. D’autant que les banques savent bien que si elles veulent conquérir de nouvelles clientèles et renforcer leur activité de crédit aux particuliers, c’est au cours du printemps qu’il leur faut faire un geste commercial supplémentaire. Donc au moment des salons de l’immobilier, lorsque la demande se redresse à la sortie des mois d’hiver.

En attendant la baisse des prix

Le ralentissement de la hausse des prix des logements anciens, amorcé en 2011, s’est confirmé en 2012. Et depuis le début de l’année 2013, sur un marché peu actif, les prix reculent lentement (– 1 % sur un an depuis le début 2013, après + 1,4 % en 2012). En fait, jusqu’à présent et depuis près de six mois, l’évolution des prix constatée ressemble plus à la stabilité qu’à la baisse.
Et les incertitudes sur le mouvement d’ensemble se renforcent, comme les notaires parisiens le soulignaient d’ailleurs en avril dernier : « Toujours très modérés, les ajustements sur les prix en Ile-de- France ne s’amplifient pas, malgré la diminution sensible du nombre des ventes […]. Toutefois, l’ampleur de ce mouvement est encore incertaine. Il faudra donc sans doute attendre encore les données du printemps pour préciser le niveau des variations des prix. »
Si l’activité se stabilise, comme escompté, il est probable que les prix vont hésiter toute l’année, dans
l’ensemble. Mais dès que la reprise fera ressentir ses effets sur l’activité, la hausse des prix aura toutes les raisons de se manifester : la remontée des prix constituera alors un bon indicateur de la reprise puisqu’elle ne fait en
fait qu’accompagner le redémarrage du marché de la revente. Michel Mouillart

 

(1) Sans vouloir reprendre la célèbre formule de Winston Churchill résumant la bataille d’El Alamein : « Ce n’est pas la fin, ni même le commencement de la fin. Mais c’est peu-être la fin du commencement. » (discours du 10 novembre 1942).

MÉTHODE DE L’ENQUÊTE

• Cet article synthétise les principaux résultats de l’Observatoire du financement des marchés résidentiels (OFM– Crédit Logement/ CSA) et de l’Observatoire de la production de crédits immobiliers (OPCI – Université  Paris-Ouest).

Michel Mouillart

Michel Mouillart est Professeur émérite à l’Université et FRICS (Fellow de la Royal Institution of Chartered Surveyors). Il est Docteur d’Etat en Economie et Docteur sur travaux en Economie et Financement du Logement.

L’essentiel de son action dans le secteur du logement a consisté en la réalisation d’études et de recherches sur le secteur de l’immobilier résidentiel. Il a ainsi mis en place ou contribué au développement de nombreux observatoires qui ont trouvé leur place dans le système d’informations sur le logement privé en France. Il assure la direction scientifique de ces observatoires : les crédits aux ménages (Fédération Bancaire Française) depuis 1989, les loyers du secteur locatif privé (CLAMEUR) de 1998 à 2019, la production de crédits immobiliers aux particuliers (Observatoire de la Production de Crédits Immobiliers) depuis 1999, l’accession à la propriété (Institut CSA) depuis 1999, l’Observatoire Crédit Logement/CSA depuis 2007 et l’Observatoire LPI sur les prix des logements neufs et anciens depuis 2011.

En tant que personnalité qualifiée, il a été nommé et il siège au Conseil National de l’Habitat depuis 1990. Il a ainsi été Président de nombreux groupes de travail du Conseil National de l’Habitat, dont récemment le groupe « Redynamiser l’accession à la propriété » (2023). Il avait aussi été rapporteur des « Rencontres ConstructionAménagement du Territoire » de l’Assemblée Nationale de 1989 à 2001.

Par ailleurs, et toujours en tant que personnalité qualifiée, il a été membre du Conseil National de l’Information statistique (1991-2000), de la Commission des Comptes du Logement 1992-2014) et de l’Observatoire National de la Pauvreté et de l'Exclusion Sociale (2006-2013). De même, il a été Administrateur de l’Office HLM de la ville de Nanterre (1983-2014) et de la Fédération Nationale Habitat et Développement (2008- 2015).

Depuis 2010, il est membre du Conseil de Développement du Pays de Brest, toujours en tant que personnalité qualifiée. Et depuis 2015, il est administrateur de SOLIHA-Finistère.

Auteur régulier de nombreux articles dans des revues scientifiques ou professionnelles, il a publié ou participé à la publication de nombreux ouvrages sur l’économie et le financement du logement.

Il est par ailleurs Chevalier de la Légion d’Honneur et Chevalier dans l’Ordre National du Mérite.
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