Le contrat passé entre un agent immobilier et un agent commercial n’est pas un contrat de travail. En aucun cas, il ne doit exister un lien de subordination entre les deux parties. Mais, parfois, la frontière est ténue…
L’agent immobilier qui souhaite s’entourer de négociateurs peut choisir d’établir une relation salariée ou d’avoir recours à des agents commerciaux, professionnels indépendants. Le statut d’agent commercial fait cependant l’objet d’une certaine réticence. Bien que très souvent utilisé dans la pratique, il ne paraît pas toujours correspondre aux conditions légales imposées à l’agent commercial : celui ci ne doit en aucun cas être subordonné à l’agent immobilier.
Le statut
Définition.
L’agent commercial est un mandataire qui, à titre de profession indépendante, est chargé, de façon permanente, de négocier et, éventuellement, de conclure des contrats de prestation de services au nom et pour le compte d’un agent immobilier. (article L 134-1 du Code de commerce). L’agent commercial exerce une activité non commerciale indépendante, non salariée. Il peut utiliser le régime de l’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Il peut également adopter le statut d’auto-entrepreneur dès lors que son chiffre d’affaires ne dépasse pas 32 600 euros en 2012. Dans ce cadre, l’agent commercial est soumis au régime de la micro-entreprise et de la franchise en base de TVA. Il doit, dans tous les cas, s’immatriculer sur le registre des agents commerciaux.
L’immatriculation préalable
Avant de commencer son activité, l’agent commercial s’immatricule au registre spécial des agents commerciaux, tenu par le greffe du tribunal de commerce dans le ressort duquel il est domicilié. En Alsace-Moselle, ce registre est tenu par le greffe des tribunaux d’instance. L’agent commercial justifie de son immatriculation par la production du récépissé qui lui est délivré. Lorsqu’il cesse d’exercer son activité, l’agent commercial a l’obligation de demander sa radiation dans un délai de deux mois.
Le contrat de mandat
L’agent immobilier et l’agent commercial établissent un contrat de mandat, que la loi qualifie de mandat d’intérêt commun. L’agent immobilier (mandant) et l’agent commercial (mandataire) sont liés par une convergence d’intérêts qui consiste dans l’accroissement de la clientèle du mandant et dans l’essor de l’entreprise. Ce contrat n’est pas un contrat de travail, et l’agent commercial n’est soumis ni au droit du travail ni à la convention collective de l’immobilier. Il exerce une profession non commerciale indépendante et doit s’acquitter des cotisations sociales, des obligations fiscales et comptables, comme tout indépendant. Le contrat de l’agent commercial peut être verbal ou écrit, à durée déterminée ou indéterminée. En pratique, l’écrit est indispensable afin de sécuriser la relation conventionnelle. Le contrat peut accorder à l’agent commercial l’exclusivité sur un secteur géographique fixé, ou lui imposer de réaliser un chiffre d’affaires minimal. Il est possible de prévoir une clause de non concurrence qui s’appliquera après la cessation du contrat. Elle doit être établie par écrit et concerner le secteur géographique et, le cas échéant, le groupe de personnes confié à l’agent commercial ainsi que le type de services prévus au contrat. Elle n’est valable que pour une période maximale de deux ans après la cessation du contrat de l’agent commercial. La rupture du contrat Le mandat de l’agent commercial est un mandat d’intérêt commun, ce qui limite les possibilités de rupture unilatérale. Ainsi, lorsque le contrat d’agence est à durée indéterminée, chacune des parties peut y mettre fin moyennant un préavis de 1 mois pour la première année du contrat, de 2 mois pour la deuxième année commencée, de 3 mois à compter de la troisième année commencée. En l’absence de convention contraire, la fin du délai de préavis coïncide avec la fin d’un mois civil. Les parties ne peuvent pas prévoir de délais de préavis plus court. Si elles conviennent d’un délai plus long, le délai de préavis prévu pour le mandant ne doit pas être plus court que celui prévu pour l’agent commercial. Ces dispositions ne s’appliquent pas, toutefois, lorsque le contrat prend fin en raison d’une faute grave de l’une des parties ou de la survenance d’un cas de force majeure. Lorsque le contrat est rompu, l’agent commercial a droit à une indemnité compensatrice en réparation du préjudice qu’il subit, à la condition qu’il notifie à son mandant, dans l’année suivant la cessation du contrat, qu’il entend faire valoir ses droits. La jurisprudence fixe généralement cette indemnité à deux ans de commissions brutes. Cette indemnité n’est pas due lorsque la cessation du contrat est provoquée par la faute grave de l’agent commercial, ou encore lorsque celui-ci prend l’initiative de la rupture du contrat (à moins que cette cessation ne soit imputable à l’agent immobilier ou due à l’âge, l’infirmité ou la maladie de l’agent commercial, par suite desquels la poursuite de son activité ne peut plus être raisonnablement exigée), enfin, lorsque l’agent commercial cède à un tiers les droits et obligations qu’il détient en vertu du contrat d’agence, avec l’accord de l’agent immobilier.
L’agent commercial et la loi Hoguet
Une personne physique
L’agent commercial qui exerce dans le domaine de l’immobilier est nécessairement une personne physique. Son activité ne peut pas s’exercer sous la forme d’une société. En effet, l’agent commercial doit détenir l’attestation d’emploi délivrée par l’agent immobilier, son mandant, et cette attestation ne peut être délivrée qu’à une personne physique.
L’attestation d’emploi
L’agent commercial justifie de sa qualité et de ses pouvoirs par la production d’une attestation d’emploi délivrée par la préfecture à la demande de l’agent immobilier. Ce document, de couleur blanche, identifie le négociateur, personne physique, et précise les pouvoirs que l’agent immobilier, titulaire de la carte professionnelle, lui a délégués afin de négocier en son nom et pour son compte. Le fait de négocier sans être titulaire de cette attestation est puni de 6 mois d’emprisonnement et d’une amende de 7 500 euros. Aucune condition d’aptitude professionnelle ou de diplôme n’est exigée. Mais l’agent commercial doit répondre aux conditions de moralité fixées par la loi. Il doit ainsi ne pas avoir fait l’objet, depuis moins de 10 ans, d’une condamnation pour crime, ou à une peine d’au moins 3 mois d’emprisonnement sans sursis pour une liste de délits très longue, allant de l’abus de confiance, aux infractions financières ou en matière de moeurs. Le préfet vérifie l’honorabilité de l’agent commercial au moyen d’un extrait de casier judiciaire n° 2. Le négociateur doit restituer l’attestation d’emploi dans un délai de vingt-quatre heures dès lors que l’agent immobilier lui en a fait la demande par lettre recommandée avec AR. Sur demande du préfet ou du procureur, l’agent immobilier doit retirer l’attestation à l’agent commercial.
Chacune des parties peut mettre fin au contrat, moyennant un délai de préavis qui est fonction de la durée du contrat déjà effectuée.
Les restrictions particulières
L’agent commercial peut signer des mandats au nom et pour le compte de l’agent immobilier si l’attestation d’emploi le prévoit. Mais la loi lui interdit de rédiger tout autre acte, de donner des consultations juridiques et de recevoir des fonds ou des biens. L’agent commercial qui ne respecterait pas cette interdiction encourt 6 mois d’emprisonnement et 7 500 euros d’amende pour exercice illégal de l’activité d’agent immobilier. De plus, s’il outrepasse ses pouvoirs et prête son concours, de manière habituelle, à la vente ou à la location de biens appartenant à autrui, il perd le bénéfice du statut d’agent commercial et de la rémunération correspondante. (article 4 de la loi Hoguet. Cass. Civ. 1, 17 février 2011).
Le fait que l’agent immobilier détermine de façon unilatérale les conditions d’exécution du travail est un indice du lien de subordination.
Les risques de requalification en contrat de travail
Le risque de requalification du contrat en contrat de travail est important en pratique. La requalification peut être demandée par l’agent commercial pour obtenir les avantages liés au statut de salarié, ou par la Sécurité sociale. La jurisprudence retiendra les éléments établissant la subordination du négociateur, ou, au contraire, sa liberté, l’agent immobilier se contentant d’une coordination de l’activité. Selon la Cour de cassation, l’existence d’un contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à la convention, mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité professionnelle. Le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Ainsi le travail au sein d’un service organisé peut constituer un indice du lien de subordination lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail. Notamment, lorsque le négociateur doit suivre la formation mise en place par l’agent immobilier, assurer ses rendez-vous de clientèle dans les locaux de l’agence, établir un prévisionnel de son activité mois par mois et rendre compte de manière stricte de l’accomplissement de sa mission, il existe un service organisé et l’on peut en déduire l’existence d’un lien de subordination. ( cass. Soc., 7 juillet 2010)