Dans un contexte économique difficile, de nouveaux réseaux se développent en s’appuyant sur des mandataires travaillant à domicile. Simples « porteurs de clefs » ou véritables professionnels, seule la formation fera la différence.
Les mandataires indépendants sans agence font-ils de la concurrence déloyale aux agents immobiliers disposant de salariés et d’une vitrine physique ? Telle est la question qui travaille aujourd’hui les professionnels. Une chose est sûre, la percée des réseaux de mandataires fait grincer bien des dents. Il faut dire que le rachat de Capifrance et de son challenger Optimhome par Artémis, la holding financière de François Pinault donne à ces enseignes des moyens de développement considérables. Elles disposent d’ores et déjà à elles deux de 2 500 mandataires en 2011. « Nous souhaitons réaliser un chiffre d’affaire de 100 millions d’euros d’ici 2014 », programme Jacques Daboudet, le PDG de Capifrance. « Nous nous sommes intéressés à la révolution qu’apporte l’arrivée du numérique dans les métiers de l’immobilier, souligne Patricia Barbizet, directrice générale d’Artemis.
Ces réseaux commerciaux correspondent pleinement aux investissements que nous recherchons : ce n’est pas une mode mais une vraie tendance de fond ». PropriétéPrivée. com, Safpi, Trouvé… dans toute la France les réseaux de mandataires se multiplient. « Le client doit bénéficier d’une agence de proximité, où retrouver son conseiller immobilier », rappelle toutefois Laurent Vimont, président de Century 21 France.
100 % Internet ou agence classique ?
Autre tendance, les agences100 % web faisant appel à des agents commerciaux. « Ce modèle économique ne pose pas de problème, mais il y a un vide juridique en ce qui concerne l’éloignement du dirigeant porteur de la carte», estime Jean-François Buet, président de la Fnaim. Le débat porte notamment sur le contrôle des compétences. »
» En nous obligeant à réagir plus rapidement, Internet modifie la méthode de travail et l’approche, quels que soient le mode de fonctionnement et le statut du négociateur. Ce qui importe, c’est la perception du service par nos clients et leur totale satisfaction.»
L’agent commercial arme anti-crise ?
Alors que le ralentissement de l’activité pourrait engendrer des fermetures d’agences, comme en 2008- 2009, certains choisissent de recruter des agents commerciaux, pour augmenter leurs effectifs sans surcharger leur masse salariale.
C’est le cas de Bernard Grech, président de l’AMEPI, et propriétaire de 5 agences dans l’agglomération toulonnaise. « Nos clients doivent pouvoir disposer d’un point de rencontre à moins d’une demi- heure de route », insiste t-il. « Contrairement aux réseaux dont les mandataires sont parfois distants de plus de 800 km du porteur de la carte, et qui ont pour obligations de faire appel à un notaire pour recevoir l’avant contrat, nous pouvons grâce à cette proximité faire signer les compromis dans notre centre d’affaires de Toulon, où les agents commerciaux peuvent bénéficier de l’appui de juristes qualifiés. »
Un schéma innovant ?
« Nécessité de s’adapter aux nouveaux comportements des consommateurs privilégiant le web, impossibilité d’assurer la rentabilité d’une agence dans des zones à faible potentiel, telles sont les deux exigences qui expliquent la mutation naturelle de la profession », analyse Jacques Daboudet. « Grâce à notre organisation, nous pouvons travailler sur des secteurs plus larges et capter une clientèle qui nous échappe», souligne t-il. «Il était important de prendre en compte la révolution Internet dans l’immobilier sans pour autant opposer agence traditionnelle et agence en ligne», ajoute Sylvain Casters, PDG de Propriétés privées, fondateur en 2006 de la première agence immobilière en ligne. Sa fierté ? Être le seul réseau de mandataires adhérent Fnaim. « Je ne veux en aucun cas être considéré comme un loueur de cartes professionnelles, poursuit-il. La loi Hoguet remaniée clarifi e nettement le rôle et les règles de fonctionnement des agents commerciaux. Je recherche avant tout des mandataires ayant soit une expérience de l’immobilier, soit une expérience commerciale. Environ 20 % des mandataires sont des agents immobiliers qui préfèrent travailler seuls à partir de chez eux sur un marché qu’ils connaissent parfaitement tout en bénéficiant des outils, de l’assistance nécessaire et d’une couverture médiatique optimum indispensable pour réussir en immobilier aujourd’hui. »
Augmenter les effectifs sans surcharger la masse salariale.
Jouer sur les deux tableaux ?
Les agences 100 % Internet, dont les frais de fonctionnement sont plus bas que ceux des agences classiques, devraient sans aucun doute se multiplier. Reste que certains réseaux choisissent de jouer sur les deux tableaux. C’est le cas de CIMM Immobilier. « Ce statut de mandataire facilite le développement d’un réseau dans des secteurs où l’agence traditionnelle n’est pas rentable. La plupart de nos agents commerciaux souhaitent être rattachés à l’agence CIMM Immobilier la plus proche afin d’échanger avec leurs confrères », explique Jean-Claude Miribel, son fondateur et président.
« Ce qui compte avant tout, c’est la satisfaction du client. Il est donc primordial que nous soyons exigeants sur le recrutement de nos mandataires, et que nous puissions mettre à leur disposition des formations et une assistance de qualité. »
Benjamin Salah, directeur opérationnel du réseau succursaliste la Bourse de l’Immobilier, a choisi également de combiner les deux formules ! « Notre développement porte sur deux axes, explique t-il. Les agences physiques et les négociateurs indépendants qui, tout en travaillant à partir de chez eux, peuvent venir au quotidien à leur agence de rattachement, véritable lieu de rencontres et d’échanges. Cette proximité leur permet de bénéficier des services du responsable de l’agence pour la signature des compromis, et d’être formés et assistés en permanence. Cette obligation de formation concerne autant nos mandataires, que nos négociateurs salariés. », Ce qui explique son slogan : “Libre mais pas seul”.
Intermittent de l’immobilier ?
Doit-on pour autant penser que nous nous orientons vers un modèle américain de réseaux sans boutique, d’agents indépendants travaillant depuis leur domicile et rémunérés exclusivement à la commission ? Doit-on craindre, comme l’affirment certains dans la profession,« une profusion de porteurs de clés, peu formés, éloignés du titulaire de la carte, attirés par la possibilité de se constituer un revenu complémentaire, sans pour autant apporter une véritable valeur ajoutée » ? Telles sont les questions auxquelles chacun devra réfléchir et apporter une réponse appropriée en fonction de sa stratégie et des ses objectifs.
« Nous considérons que l’agent commercial, travailleur indépendant, est en quelque sorte un chef d’entreprise qui ne compte pas son temps, conscient que ses revenus seront directement liés à ses compétences et à son engagement. »
Un battage médiatique contre-productif ?
L’augmentation du chômage, la baisse du pouvoir d’achat peuvent laisser craindre que certains responsables de réseaux profitent de cette conjoncture économique défavorable pour attirer avec des publicités racoleuses – « gagnez jusqu’à 99 % de la commission d’agence » – une clientèle en mal d’emploi, tout en se rémunérant par cotisations mensuelles sur un nombre important de mandataires. Combien parmi ceux-ci gagnent réellement leur vie? Une question légitime si l’on en croit Gilles Ricour de Bourgies, président de la Fnaim Ile-de-France : « Toutes enseignes confondues, un mandataire commercial n’effectue en moyenne que 2,5 ventes par an. » Il est à redouter que le battage médiatique qui s’organise autour de cette mutation de notre profession ne sème le trouble chez des consommateurs parfois critiques à l’égard des agences immobilières, dont ils ne perçoivent pas toujours la véritable valeur ajoutée.
Débat réseaux de mandataires-agents immobiliers :dire la vérité
Alors que dans le système américain ces réseaux de négociateurs indépendants sont fondés sur le contrôle, la élection et la formation, les réseaux de mandataires français en ont fait une forme dégradée et permissive de l’exercice de la profession. Les réseaux de mandataires français recrutent leurs négociateurs agents commerciaux en visant le nombre en priorité, d’où… un turn-over important. Ces travailleurs indépendants qui ont, pour la plupart, une autre activité, et peuvent se contenter de quelques ventes par an. Les réseaux de mandataires « à la française » attirent une clientèle qui serait plutôt portée à travailler directement avec un particulier et donc n’enlèvent pas de parts de marché aux professionnels. Si l’on analyse le marché américain du point de vue des rapports de concurrence entre les agences classiques et les agents commerciaux, on découvre que la complémentarité bien pensée l’emporte sur la concurrence à tout-va. Le taux de pénétration des professionnels, de l’ordre de 95 % aujourd’hui, a été consolidé par cette cohabitation entre agences et commerciaux indépendants.
François Gagnon, Président de ERA Europe et ERA France
Encore trop de mandataires lâchés sur le terrain insuffisamment formés et qui abandonnent rapidement le métier risquent effectivement de ternir l’image de la profession. Ce problème existe également dans les agences traditionnelles où le turn-over de négociateurs est encore trop important. C’est justement la crainte d’Étienne Ginot, président du syndicat Unis : « Si le statut d’agent commercial existe et est reconnu et défini dans la loi Hoguet, c’est qu’il répond à des besoins et à des attentes. En revanche, je crains un amalgame dans le grand public. Les particuliers auront du mal à faire la différence entre les services apportés par une agence traditionnelle et ceux que propose un mandataire immobilier ». Claude Olivier Bonnet, président de la CNASIMMO, syndicat patronal des réseaux de mandataires, regrette pour sa part le regard critique que de nombreuses organisations professionnelles portent sur le développement de ces nouveaux réseaux de mandataires. « Internet est un outil révolutionnaire qui change la donne pour les professionnels de l´immobilier, mais également pour les particuliers. L’arrivée des agents mandataires est une bonne réponse à apporter, à condition que les responsables de nos réseaux s’engagent à effectuer un minimum de formations et à accompagner leurs recrues. »
Etienne Ginot, président de l’UNIS
«Nos métiers impliquent une compétence et un devoir de conseil au plus près de nos clients, je redoute que l’éloignement géographique du porteur de la carte ne soit un obstacle à ces obligations.»
Les réseaux de culture américaine tels Century21 ou ERA, dont plus de 50 % des collaborateurs sont des agents commerciaux, ne font d’ailleurs aucune différence entre les deux statuts pour ce qui concerne les besoins en matière de formation. Selon Sylvain de Munter, directeur de l’animation des agences ERA France, « Internet favorise une parfaite communication avec des consommateurs mieux informés et plus exigeants. C’est pourquoi nous avons décidé de renforcer les compétences de nos collaborateurs en dissociant la formation, l’accompagnement et le coaching ». Si l’ensemble des observateurs confirment que la vague Internet bouleverse tous les pans de notre société, il ressort clairement qu’immobilier et web font un mariage réussi. De même la nécessité d’engager une véritable réforme de la loi Hoguet avec notamment un renforcement des exigences en matière de formation fait l’unanimité. C’est dans ce sens que s’inscrit d’ailleurs la création de l’UPSI (Union des professionnels des services immobiliers). La véritable bataille se joue aujourd’hui autour de la formation. Les réseaux de mandataires s’enorgueillissent de délivrer une formation de qualité avant de lâcher leurs recrues sur le terrain. Mais ces derniers sont souvent considérés comme de simples porteurs de clés ayant besoin de revenus d’appoints et tirant la profession vers le bas.
Reste que les agences traditionnelles disposent aussi de leur lot de collaborateurs incompétents. Trop grand nombre d’agents immobiliers ne font jamais appel à la formation, ni pour eux, ni pour leurs collaborateurs. Professionnaliser l’immobilier, c’est pourtant le seul moyen de gagner des parts de marché sur le particulier, de gagner en efficacité et de mieux défendre ses honoraires. Quoiqu’on en dise, le métier ne s’apprend pas en huit jours !
Conseil expert en marketing immobilier et fondateur du cabilet ANTOlogis, il commencé sa carrière commerciale à l’UCB, avant de rejoindre Century21 France, comme directeur du marketing, et d’exercer ensuite chez Laforet immobilier, puis chez Mix RH et STERIA consulting pour développer des missions de conseils auprès des principaux acteurs du marché de l’immobilier ancien. Intervenant à l’ESI, et spécialiste de la franchise immobilière, il exerce des compétences spécifiques, dans l’audit commercial, le coaching, la formation et les stratégies de développement de réseau.