Le cycle de hausse des prix est terminé. Les professionnels ne doivent pas pour autant se laisser ronger par la sinistrose ambiante. Nos solutions anticrise pour vous aider à faire le dos rond en période de turbulences.
Prévisions moroses pour le secteur de l’immobilier résidentiel : quelques 10 000 emplois pourraient disparaître dans les prochains mois. D’ailleurs des bureaux secondaires ou succursales, voire des agences immobilières ont déjà fermé ici ou là. Surtout dans des communes de 20 000 habitants, où le marché est plus compliqué. Au lieu d’effectuer un maillage avec plusieurs points de vente, des dirigeants indépendants ou franchisés préfèrent se recentrer sur leur agence principale.
En outre, ils cherchent à alléger leurs frais fixes en privilégiant le recours aux agents commerciaux par rapport à des VRP salariés. « Ces travailleurs en solo servent de variable d’ajustement dans le milieu des agences immobilières », confie un professionnel. Mais ces agents commerciaux peuvent aussi rejoindre un réseau de mandataires. Fort d’adhérents tels Capi-France, IAD, OptimHome, La Fourmi Immo, AB Immobilier, Acovim, Immobilier Groupement, MegAgence, Proxica ou Safti, le tout nouveau Syremi (Syndicat des réseaux de mandataires en immobilier) représente déjà 6 000 mandataires indépendants. Dans ce domaine, la tendance est plutôt à « l’embauche». Ainsi, Capi France table sur 500 nouveaux conseillers en 2013, tout en courtisant les plus de 50 ans, « véritables profils empreints d’expérience ». De son côté, Optimhome compte recruter 2 400 collaborateurs en France et se développer au Portugal, en Allemagne et en Grande-Bretagne. Qu’ils travaillent avec des salariés, des VRP, des commerciaux ou des mandataires, les agents immobiliers doivent faire preuve d’imagination et d’audace. En période de crise, une formule inquiétante circule dans la profession :« Les grosses agences immobilières ont tendance à maigrir et les petites à disparaître. » Ce qu’il faut garder à l’esprit pour limiter la casse.
Bien gérer son agence
Comme toute entreprise, une agence immobilière nécessite d’être bien dirigée. « Dans une conjoncture difficile, il n’existe pas de pardon en cas de mauvaise gestion d’une agence. D’où notre effort constant pour accompagner nos franchisés sur la révision des bilans financiers et comptables », prévient François Gagnon, à la tête du réseau Era France qui fête son vingtième anniversaire cette année. Ce qui nécessite d’avoir l’oeil rivé sur ses comptes. Et en particulier sur ses dépenses. « Des agences allègent leur poste de frais généraux en s’installant dans des bureaux sans vitrine tout en travaillant au maximum avec Internet. Toujours dans le registre de la maîtrise des charges, il convient d’être très vigilant sur des dépenses de publicité en analysant par le biais de quel support papier ou numérique les transactions immobilières se concluent le plus », souligne Jean-François Buet, président de la Fnaim. C’est d’autant plus nécessaire qu’en France, les agences ont tendance à être sous-capitalisées. « Ce manque de fonds propres les fragilise en cas de forte baisse d’activité transactionnelle. En outre, lorsque ces coups de frein conduisent à rompre des contrats de travail avec des collaborateurs salariés ou des mandats avec des agents commerciaux, le dirigeant de l’agence doit faire attention au passif social »,avertit Henry Buzy-Cazaux, président de l’Institut du management des services immobiliers. Sinon gare aux litiges devant les tribunaux. Depuis 2008, la Fnaim a ainsi étoffé son service juridique de deux professionnels spécialisés en droit du travail.
Faire entendre raison aux vendeurs
L’inadéquation des prix demandés par rapport au marché explique en grande partie le sévère recul du nombre des transactions. Pour relancer l’activité ( lire interview Bernard Cadeau ), les agents immobilier ont intérêt à réexaminer leurs mandats afin de les actualiser. « Nous allons inciter les vendeurs à ajuster la valeur de leurs biens. S’ils s’adaptent, leurs biens figureront dans la sélection qui portera le label Prix bleu », explique Elix Rizkallah, président de Laforêt. Selon les situations et le type de bien, les réajustements à la baisse des prix peuvent se situer entre 5 et 10 %.
Gagner des parts de marché
Pour les agences indépendantes comme pour les réseaux intégrés ou franchisés, la grande solution anticrise passe par des gains de parts de marché. « Aujourd’hui, 8 à 10% des transactions passent directement par les notaires, et 19 à 22% par les particuliers », calcule notre consultant, Gérard Bornot. La seule solution pour les agences ? « inscrire dans une stratégie de qualité de service pour récupérer de la confiance auprès des particuliers », poursuit le fondateur du cabinet Antologis. Son de cloche identique chez Century 21 :« En temps de crise, les particuliers éprouvent plus de difficultés pour vendre leur bien en direct », renchérit Laurent Vimont, son président.
Les spécialistes du luxe misent sur la clientèle internationale
A la différences des agents immobiliers traditionnels, les spécialistes des biens de prestige souffrent moins de la crise. Pas de doute, en dessous des 4 millions d’euros, le marché reste surtout franco-français. Dès qu’elle franchit ce cap, la transaction est généralement conclue par un étranger… qui ne réside pas dans la zone euro. Anglo-saxons, Russes, Brésiliens, Moyen-Orientaux et Chinois lorgnent vers la capitale et la « french riviera » pour s’offrir un pied-à-terre dans l’Hexagone. « Dans certains quartiers de Paris, le stock de très grands appartements haussmanniens de plus de 300 m2 a fortement augmenté, il faut donc convaincre les vendeurs de s’adapter aux nouvelles conditions du marché », reconnaît Nicolas Pettex Muffat, directeur général de Féau. Grâce à son affiliation au réseau mondial de Christie’s, cette maison touche une clientèle fortunée répartie sur les cinq continents. Afin de poursuivre son développement à l’international, Barnes multiplie les créations de nouveaux bureaux. « Pas question de figer le périmètre de nos activités. Après un département de transactions d’immeubles en bloc ou lot par lot, nous venons de créer «Barnes Programmes neufs » dédié à la commercialisation de terrains auprès de promoteurs qui nous confient la commercialisation exclusive de leurs programmes haut de gamme », explique Richard Tzipine, directeur général. C’est le cas, notamment, du Domaine de la Jonchée à Tourgeville, près de Deauville. Barnes vient de s’associer à d’autres experts intervenant sur les transactions immobilières pour séduire les investisseurs chinois.
Diversifier ses activités
À la différence de la transaction immobilière, qui est cyclique, la gestion locative procure des revenus récurrents. Parmi les réseaux franchisés, Century 21 dispose d’un réel savoir-faire dans le domaine. « Actuellement, 500 agences adhérentes assurent la gestion locative de 134 000 lots », précise Laurent Vimont. Pour proposer ce service, les agences préfèrent se former plutôt que d’acquérir de coûteux cabinets d’administration de biens. Le réseau Laforêt ’est également positionné sur ce secteur d’activité. « Depuis l’an dernier, nous avons mis au point une formation et des outils spécifiques pour aider nos agences à diversifier leur activité dans la gérance locative. À ce jour, une bonne centaine d’agences franchisées disposent au total d’un portefeuille de 15 000 lots », poursuit Elix Rizkallah. D’autres niches permettent de résister à la crise actuelle. « Certains de nos adhérents se positionnent sur une niche de marché. Par exemple la gestion de patrimoine, la colocation de logements, le rapprochement de PME », précise Jean-François Buet. Diversifier signifie également réaliser des transactions dans d’autres secteurs que l’immobilier résidentiel. « Notre réseau profi te de sa proximité pour intervenir dans l’immobilier de commerce – murs de magasins, locaux professionnels – ce qui permet de lisser les à-coups de l’immobilier résidentiel », conclut Elix Rizkallah, le président de Laforêt. Si l’on ajoute aux difficultés conjoncturelles les changements structurels, les Cassandre pourraient s’effrayer. En revanche, les optimistes tireront parti de ce nouveau paysage. « Notre métier d’agent immobilier traverse une vraie mutation. Pour accompagner ce changement et s’adapter à la conjoncture, nos franchisés mènent une stratégie entrée sur la relation clients. Être multimétier en proposant des services aussi divers que la transaction, le viager, le conseil un financement, la gestion locative, leur permet de tirer leur épingle du jeu. De plus, chaque point de vente doit être multicanal c’est-à-dire disposer d’une agence physique tout en étant présent sur le web et les réseaux sociaux », ou ligne Benjamin Bara, directeur du développement chez Guy hoquet. Pas de panique, une crise dans l’immobilier, comme en Bourse, révèle les vrais talents. À vous de jouer
Journaliste économique, Martine Denoune vient de quitter les Echos où elle traitait d'immobilier mais aussi d'assurance-vie, de fiscalité et d'ingénierie patrimoniale. Elle exerce désormais en freelance et anime parallèlement un blog dédié aux placements sur http://mdenoune.wordpress.com.