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« La France championne des normes qui paralysent le logement »

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Si la France est souvent championne, on préférerait parfois terminer derniers ! Il en va ainsi de la dérive normative dont nous nous sommes fait une spécialité. Cette opacité paralyse notre action, y compris en matière de logement. Tribune de Bernard Cadeau.

photo : bernard cadeau

À la décharge des stakhanovistes de la norme, la vision et la pensée globale ont disparu, laissant la place à une sédimentation progressive, façon millefeuille administratif indigeste. Un exemple édifiant : ce récent échange en Commission des finances de l’Assemblée nationale entre un député et le président au sujet d’une nouvelle taxe : « cette taxe du CNTC, lui-même sous-comité du CNMLM, de l’IGEDD, de l’IGA, du CEREMA, du fonds Barnier sur la taxation des DMTO, dans le PLF, le FEC, dans le plan du SLGITC, dans le cadre du PPAL, de la loi ELAN »… Stop !

Je plaide pour un ministère de la Cohérence et de la Perspective ! Dans le domaine du logement, il faut d’urgence simplifier, stabiliser et sanctuariser.

Le mieux est souvent l’ennemi du bien. Les normes étouffent la construction neuve. Dans l’existant, transition énergétique et DPE en sont un bon exemple. Oui la transition énergétique est un sujet majeur pour notre pays, mais le DPE, enfermé dans un calendrier trop rigide, menace 600 000 logements de disparaître d’un marché locatif en extrême tension ; 1 800 000 personnes sont concernées ! Avons-nous d’ailleurs interrogé notre capacité industrielle à réaliser tous ces travaux dans un temps limité ? La réponse est non. Ajouter de la pénurie à la pénurie est contreproductif et dangereux pour l’équilibre économique et social de notre pays !

Plus d’accompagnement et de flexibilité

Il y a urgence à renforcer les mesures d’accompagnement et à apporter de la flexibilité si l’on veut réussir. Prenons l’exemple du dispositif MaPrimeRenov’. Certes, c’est un succès en volume, mais le financement moyen couvre à peine 10 % du montant réel d’une rénovation massive. Quid du reste à financer ? Cette question vaut particulièrement pour les zones rurales ou semi rurales. La valeur des logements passoires thermiques correspond tout juste au montant des travaux à entreprendre.

C’est à l’évidence un facteur de désertification rurale, freinant l’aménagement des territoires. N’oublions pas le contexte d’un marché fragile dans lequel nous sommes plongés, sur fond d’instabilité politique récurrente. 1 % seulement de la déclaration de politique générale de Monsieur Bayrou, consacrée au logement, en dit long ! Saluons toutefois la volonté de notre ministre d’étendre le PTZ et de donner un coup de pouce au neuf via les donations. Mais il n’y a aucune fatalité à l’inaction et il ne faut surtout pas s’interdire de penser autrement.

Il n’y a aucune fatalité à l’inaction

Trois exemples récents nous le démontrent dans des domaines différents.

Je pense à la reconstruction de Notre Dame de Paris, aux Jeux Olympiques et à Mayotte. Dans ces trois cas, il a fallu s’exonérer de règles trop contraignantes, impliquant de longs délais, faits de trop d’obstacles à surmonter. Le principal a prévalu sur le secondaire, l’essentiel sur l’accessoire. C’est bien sûr l’intérêt général érigé au rang d’ « imperium » ou pouvoir suprême, qui permet de s’affranchir de certaines règles devant l’urgence. Ce qui a valu pour ces trois évènements doit valoir pour le logement.

À court et moyen terme, afin de clarifier et fluidifier le marché locatif au regard des objectifs énergétiques, voici trois propositions : décider un moratoire calendaire, mettre enfin en place le statut du bailleur privé, définir un outil unique et transparent de diagnostic énergétique et de simulation post travaux.

Les chiffres sont impitoyables : 2,7 millions de personnes attendent un logement et 1,8 million vivent dans des logements classés G, appelés à être retirés du marché. La difficulté à se loger concerne une majorité de Français, freine la mobilité professionnelle, impacte l’économie réelle, menace l’emploi, pèse sur la démographie et porte les germes d’une crise sociale forte.

Et si, pour une fois, nous faisions le pas de côté qui aiderait tout le monde ?

Bernard Cadeau

Bernard Cadeau a débuté une carrière d’agent immobilier en 1979 en achetant une agence membre du réseau Orpi. Après avoir occupé différentes fonctions locales et nationales, il a dirigé Orpi France durant 18 ans dont 12 en qualité de président national.
Au cours de ces années, il s’est attaché à faire progresser la notoriété de la marque Orpi, sa performance commerciale, l’élargissement des métiers ainsi que son influence médiatique.
Homme de projets et de convictions, il s’est toujours attaché à raisonner globalement et dans l’intérêt de la profession. Il est ainsi Co fondateur du système de partage de mandats AMEPI, du portail Bien ici ;il a siégé au CNTGI .
Passionné par les sujets économiques, politiques et sociétaux, il intervient dans de nombreux débats ; il est le référent logement de l’Institut Sapiens.
Il est reconnu comme l’un des spécialistes du logement et de l’immobilier en France.
Il est également chroniqueur et conseil.
Il est enfin, à ce jour, Délégué général de Partage+, association dont l’ambition est de fédérer l’ensemble des systèmes de partage de mandats exclusifs ainsi que tous les professionnels qui ne partagent pas encore leurs mandats.
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