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Concurrence déloyale entre agents immobiliers : circulez, il n’y a rien à voir ?

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La clientèle n’appartient à personne. Le principe de « libre concurrence » limite l’efficacité des actions en justice dirigées contre un concurrent déloyal. Tribune de Alain Cohen-Boulakia.

photo : two professionals at work

Alors que les tensions sur le marché de la transaction immobilière sont vives, le comportement de certains acteurs de ce secteur peut être considéré comme constitutif de concurrence déloyale.

Le dénigrement d’un concurrent est condamné par les tribunaux

Traditionnellement, la jurisprudence considère comme fautif le dénigrement d’un concurrent. L’article 23 du code de déontologie des agents immobiliers précise que celui-ci doit s’abstenir de commettre tout acte déloyal de nature à nuire à un confrère : dénigrement portant sur les prix, sur les services, les personnes physiques, la réputation, les procédés commerciaux. La malfaisance n’a pas de limites.

Plus généralement, le dénigrement consiste à jeter le discrédit sur un concurrent par la diffusion d’un message critique malveillant. Toutefois, le principe de liberté d’expression peut conduire les tribunaux à ne pas considérer comme déloyale, par exemple, une information portant sur le comportement d’un concurrent se rapportant à un sujet d’intérêt général qui repose sur une base factuelle suffisante, et sous réserve qu’elle soit exprimée avec une certaine mesure (cass com 4 mars 2020, n° 18-15651).

Le détournement de clientèle

C’est le détournement de clientèle qui constitue les cas les plus fréquents de pratiques pouvant présenter un caractère anti concurrentiel. En premier lieu, la présence d’une clause de non-concurrence que l’on rencontre dans les contrats conclus entre une agence immobilière et ses collaborateurs, peut limiter la liberté d’exercice d’un acteur du secteur. Cette clause, impérativement limitée dans l’espace et dans le temps se rencontre dans les contrats de travail (négociateur immobilier) et dans les contrats d’agent commercial.

Notons que la clause ne peut valablement produire des effets à l’égard d’un négociateur immobilier salarié que sous condition du paiement d’une indemnité compensatrice dont le montant est fixé par la convention collective applicable, alors que le contrat d’agent commercial peut comporter une clause de non-concurrence, également limitée dans le temps et dans l’espace, sans paiement d’une quelconque indemnité.

En présence d’un mécanisme contractuel licite, le seul acte de concurrence est sanctionné sans que son caractère déloyal n’ait besoin d’être pointé. Il n’en est pas de même en l’absence de clause de non-concurrence. En ce cas, et par principe, la concurrence est libre.

Le seul fait pour un ancien collaborateur d’obtenir la signature d’un mandat au profit d’un concurrent n’est pas déloyal.

Seul le comportement fautif d’un concurrent peut être sanctionné. Il en est ainsi, par exemple, en cas de détournement de fichier-clients, d’utilisation d’une copie des mandats d’un ancien employeur. En la matière, la preuve de faits illicites est difficile à établir : témoignages et sommations interpellatives sont essentiellement produits en justice.

Une infraction à la règlementation

Toute agence immobilière doit respecter la règlementation applicable aux professionnels du secteur. Ainsi, un agent immobilier qui aurait recours à un agent commercial pour diriger une succursale au mépris des dispositions de l’article 4 de la loi Hoguet se rendrait coupable de concurrence déloyale à l’égard de l’un de ses confrères, qui, pour sa part, aura respecté la règlementation en cas d’ouverture d’une ou plusieurs succursales ou plus, en recrutant un directeur d’établissement salarié, impliquant un coût fixe mensuel.

Il en est ainsi, également, d’un agent immobilier qui ne respecte pas la règlementation relative à la publicité en s’abstenant par exemple de publier des annonces comportant mention des DPE (en ce sens CA Montpellier, 3 juillet 2024, n°22/05561) ou d’un transactionnaire qui opère sans carte professionnelle.

En cette matière, en définitive, comme en tant d’autres, c’est l’abus qui fait le poison !

Alain Cohen-Boulakia

Avocat à la Cour d'appel de Montpellier depuis 1980 Alain COHEN-BOULAKIA s'est forgé une solide expérience en Droit de la Distribution (Franchise, Concession, Agents commerciaux, Coopérative de détaillants …) et en Droit Immobilier (Copropriété, Baux commerciaux, Rcp des professionnels de l'immobilier, Application de la loi Hoguet …).
Il est membre du collège des experts de la Fédération Française de la Franchise (FFF) et du Conseil Québécois de la Franchise (CQF).
Alain COHEN-BOULAKIA est également Professeur à l'ICH ; il intervient dans de nombreux colloques et séminaires en droit immobilier ainsi qu'en droit de la franchise.
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