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Syndic de copropriété : ce concierge de luxe qui n’a pas fait sa révolution digitale

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Il faut bien reconnaître que certaines pratiques encore surannées méritent d’être remises à neuf. Les gestionnaires de copropriété ont tout à y gagner !

photo : jean marc torrollion

Les récentes tentatives de disruption du métier de syndic ont toutes pris comme angle d’attaque la supposée carence des syndics professionnels dans la réactivité et le suivi quotidien des incidents ou événements émaillant la vie d’un immeuble. Elles ont toutes essayé de répondre par une approche qui mettait les copropriétaires et en particulier le conseil syndical en première ligne, et des outils digitaux supposés meilleurs que ceux des professionnels.

Pour avoir assisté récemment à des assemblées générales d’immeubles neufs, j’ai pu constater que WhatsApp est le premier lien mis en place par un conseil syndical fraîchement élu ouvert aux autres copropriétaires. Des informations pratiques sont échangées, qui passent par l’obtention de la wifi, la souscription des abonnements, les premières incivilités sur le stationnement, etc., avec naturellement une appréciation de l’action du syndic. Au bout de quelques mois, le groupe se scinde souvent entre le CS et les occupants proprement dit.

À lire aussi : Syndic bashing : « Il est temps de défendre le rôle et l’image de notre métier » Gilles Frémont, président de l’Association Nationale des Gestionnaires de Copropriété

La culture de la copropriété progressivement acquise par le conseil syndical lui fait comprendre la nécessité de l’autonomie de ses échanges dans le cadre de sa fonction. Tout cela ne met pas le syndic au centre. Et c’est une faiblesse. C’est à lui d’offrir à ses clients cet outil avec une forte valeur ajoutée.

Les associations de consommateurs, comme également l’Association des responsables de copropriétés ont une approche très conservatrice de la gestion de la copropriété qui, doublée d’une législation elle-même très rigide, expose notre profession à une forme de ringardisation. Cela est doublement pénalisant à l’égard de nos clients et de l’attractivité de la profession.

D’ailleurs, les récentes enquêtes d’opinion sur l’appréciation du syndic effectuées par la FNAIM ne sont pas bonnes. Très librement, je propose ici des axes de réflexions qui pourraient transformer ce métier.

Des axes d’amélioration à travailler

  • La convocation électronique (prévue dorénavant de plein droit) doit se généraliser. On gagne du temps, on accroît la qualité des documents annexés et leur lisibilité, on arrête « d’emmerder » les copropriétaires qui doivent se déplacer pour aller chercher leur convocation. Quand on regarde la qualité des documents papiers reçus en annexe des résolutions, nous sommes dans un modèle suranné.
    Il faut supprimer pour nos collaborateurs les assemblées générales le soir. A l’heure du télétravail, nous ne pourrons pas recruter en expliquant qu’il y a 80 à 120 soirées annuelles prises par des réunions de CS ou des AG.
  • L’intelligence artificielle permet de sécuriser une AG en visio. La visio doit permettre une nouvelle façon d’aborder la concertation en amont et l’information. La gestion digitale doit s’appuyer sur l’enrichissement des extranets et des outils de gestion de la relation avec les copropriétaires et les occupants. La souplesse et le faible coût de fonctionnement permettraient d’aborder en plusieurs réunions les sujets en mobilisant les compétences internes et externes du syndic en fonction des sujets.
  • De plus, il faut bien reconnaître que la somme des compétences parfois exigées par les copropriétaires et par le métier est incompatible avec notre capacité à former, garder et financer des collaborateurs de très haut niveau. Quand je parlais de conciergerie de luxe, je soulignais ce paradoxe. La valeur ajoutée d’un gestionnaire de bon niveau n’est pas dans la visite d’immeuble ou la présence hebdomadaire dans ce dernier. Ce n’est pas rentable. Elle est dans sa capacité d’agréger et de faire travailler par sa compétence les fournisseurs sur les sujets identifiés et partagés.

Le gestionnaire reste un juriste de bon niveau, garant de la sécurité juridique du fonctionnement de la copropriété et des marchés et contrats qu’il passe pour son mandant. Il faut redécouvrir l’activité de visiteur d’immeuble, rémunérée différemment, dont les comptes rendus doivent figurer en temps réel sur les outils d’information. Cette partie du métier pourrait d’ailleurs parfaitement être sous-traitée (les assureurs n’ont-ils pas sous-traité le domaine de l’expertise sinistre ?).

  • Aussi il est nécessaire de réviser le contrat type. Il faut le supprimer pour les petites copropriétés, et libérer l’offre de services pour adapter l’offre à ce type d’immeuble. Il faut ouvrir le champ de l’adaptation du contrat aux innovations. Nous sommes une profession de service, qui ne peut être enfermée dans un carcan mortifère.
  • Il faut révolutionner la gestion des archives : elle a été juridiquement conçue pour la gestion papier et elle est aujourd’hui obsolète. Quand vous changez de syndic, il n’y a pas de portabilité des extranets donc un copropriétaire peut perdre toutes ses archives ou une partie d’entre elles. Pour la profession cela ne sera pas tenable et elle doit se saisir de ce sujet.

Quant aux archives de la copropriété, comment expliquer que la transmission se fasse par des transferts de cartons sortis des caves, alors que l’essentiel des informations reste dans les systèmes informatiques (gestion des événements sur un dossier sinistre, convocation électronique des AG, gestion du contentieux, par exemple) ? Je suis sûr que lorsqu’un syndic perd un immeuble, il n’imprime pas pour son confrère tous les dossiers de la copropriété figurant dans son système d’information. Or, le nouveau syndic est le garant de la conservation des archives y compris celles de son prédécesseur (Cass 3e chambre civil 8 juin 2017).

Pour la création d’un Centre national des archives de la copropriété

J’avais proposé, lorsque j’étais président de la FNAIM, la création d’un Centre National des Archives de la Copropriété (CNAC). A partir du numéro d’immatriculation de chaque copropriété, sont rattachées toutes les archives numériques et physiques (progressivement numérisées), rassemblées dans un data center administré par la profession.

Changer de syndic revient simplement à affecter le numéro de la copropriété au nouveau syndic, la portabilité des extranets faisant le reste pour le copropriétaire.

J’entends déjà les cassandres nous expliquer que cela n’est pas possible. Il s’avère, pour avoir travaillé sur ce projet près d’un an, que l’étude technique (création d’une nomenclature électronique) et juridique prouve le contraire. Ce CNAC serait un formidable outil de protection du consommateur, de la profession, et une source de data exceptionnelle, dont les pouvoirs publics comme les professionnels pourraient utilement se servir pour ajuster pour l’un leur politique locale et nationale, pour l’autre son expertise sur son portefeuille d’immeubles. Cela contrebalancerait aussi le basculement progressif de la donnée vers l’Etat.
Certains m’expliqueraient que plus on fluidifie les conséquences d’un changement de syndic, plus on facilite la mise en concurrence. Certes, mais la réalité c’est que la mise en concurrence joue pour tout le monde et que le balancier finit vite par se stabiliser là où le consommateur estime que la valeur ajoutée perçue est en phase avec le prix.

Scléroser un marché, c’est l’exposer ouvertement à son uberisation.

Les professionnels détiennent plus de 90 % du marché de la copropriété. Ils ont le pouvoir économique et technique de modeler une gestion moderne, efficace et rentable. Les attaques qu’ils ont subies doivent les alerter. Les difficultés de recrutement doivent les motiver.

Pour moi, le cœur du sujet n’est pas de savoir si cette profession doit ou non relever d’un ordre professionnel mais de savoir si elle peut relever le niveau de son offre en révisant son modèle, en permettant à ses collaborateurs de rester dans leur zone de confort, pour le plus grand bénéfice de
ses clients.

Jean-Marc Torrollion

Diplômé d’une maîtrise de droit notarial et de l’ICH mention gestion, Jean-Marc TORROLLION est agent immobilier à Grenoble depuis 1987.
Il a poursuivi un développement continu en Rhône Alpes jusqu’à bâtir le vingtième cabinet d’administrateur de biens de France. Investi dans la vie syndicale depuis 27 ans, il adhère d’abord à la Chambre FNAIM Isère, puis devient Président de la Chambre de 2004 à 2009.
Il poursuit son parcours en devenant Président Régional de la FNAIM Rhône-Alpes, avant d’être nommé Président Délégué de la Fédération en 2013.
Le 13 octobre 2017, Jean-Marc Torrollion est élu Président de la FNAIM et ce, pour 5 ans. Il est Président d’honneur du site BIEN ICI.
Jean Marc Torrollion est également Chevalier de la légion d’honneur.
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