Devenu opposable dans le cadre de la loi Climat et Résilience, le diagnostic de performance énergétique fait depuis plusieurs années l’objet de critiques récurrentes et tente tant bien que mal de redorer son blason.
Le DPE ne date pas d’hier. Créé en 2006, il sert à renseigner sur la performance énergétique d’un logement ou d’un bâtiment. L’objectif ? Sensibiliser les propriétaires et les locataires quant à la consommation d’énergie et aux émissions de gaz à effet de serre occasionnées par leur logement, notamment dans une perspective de travaux de rénovation. Il devient alors obligatoire de fournir un diagnostic de performance énergétique en cas de vente ou de location de tout ou partie d’un immeuble bâti.
En 2013, le dispositif est fiabilisé et renforcé une première fois via une importante réforme qui instaure une nouvelle méthodologie de calcul. En 2021, année d’accélération de la hausse du prix des énergies, la loi Climat et Résilience est promulguée et le DPE une nouvelle fois réformé.
Cette année, depuis le 1er juillet, le nouvel outil est devenu opposable, perdant ainsi son caractère purement informatif. Dès lors les locataires, acquéreurs, vendeurs et bailleurs peuvent se retourner contre le diagnostiqueur immobilier ou le propriétaire en cas de diagnostic erroné, frauduleux et donc préjudiciable.
Autre nouveauté de la refonte, la méthodologie est encore revisitée. Alors que les diagnostiqueurs basaient jusque-là leurs calculs sur les factures d’énergie associées aux biens, les nouveaux DPE sont établis uniquement à partir des caractéristiques physiques des logements.
Une méthodologie contestée
La nouvelle méthode de calcul, baptisée 3CL-DPE 2021 (Calcul de la Consommation Conventionnelle des Logements), vise à additionner les consommations de chauffage, d’eau chaude, de climatisation, de ventilation et d’éclairage d’un bâtiment ; qu’elle divise ensuite par la surface du logement.
Les critères d’évaluation ont été affinés pour améliorer la fiabilité du diagnostic et mieux refléter la réalité énergétique du logement.
Ces derniers incluent ainsi une meilleure prise en compte de l’isolation, du bâti, des types de fenêtre, du système de chauffage, de la ventilation, de l’orientation du bien ou encore des conditions climatiques locales. Le tout est résumé par une étiquette énergétique. Catapulté par le législateur comme « outil-clé » du grand chantier de la rénovation énergétique, le nouveau DPE est pourtant très vite décrié.
En septembre 2022, une enquête de l’UFC-Que-Choisir épingle ainsi le manque de fiabilité des diagnostics énergétiques. L’étude met en évidence des notes à géométrie variable en matière de DPE mais également des disparités en termes de travaux conseillés selon les différents diagnostiqueurs sollicités. Sur sept maisons testées, six obtiennent des classes énergétiques différentes.
Si le manque de formation des diagnostiqueurs et de réglementation autour de la profession est souvent pointé, c’est la méthode de calcul qui pose le plus question en termes d’impact environnemental, et notamment la prise en compte du coefficient de l’énergie primaire.
Et pour cause : « Avec la méthode actuelle, les biens chauffés à l’électricité sont pénalisés par le DPE par rapport aux biens identiques chauffés au gaz », explique Julien Besnard, fondateur et CEO de Casam, un label décerné aux professionnels de l’immobilier se formant à la rénovation énergétique. Un contresens écologique alors que le nucléaire est inscrit dans la liste des énergies vertes de l’Europe et que le bouquet énergétique primaire de la France se composait en 2022 de 37 % de nucléaire.
« Cette incohérence aux yeux des Français est la conséquence du coefficient d’énergie primaire imposé par l’Europe dans la méthode du DPE, qui multiplie par 2,3 toutes les consommations électriques, alors qu’il est seulement de 1 dans le cadre de l’usage du fioul ou du gaz », précise-t-il. Résultat, des études menées chez Casam révèlent une différence de deux classes énergétiques entre un logement de 100 mètres carrés chauffé au gaz et un logement équipé de radiateurs électriques à inertie.
Un impact sur le marché immobilier
Un manque de fiabilité et des calculs remis en cause qui posent problème à l’heure où les notes du DPE font désormais la pluie et le beau temps sur le marché immobilier. En l’espace de quelques mois, ce diagnostic, à l’origine simple outil de mesure de la consommation d’énergie d’une maison et de son impact en matière d’émissions de gaz à effet de serre, est devenu en effet une préoccupation de premier ordre pour les propriétaires, et a bouleversé le marché de l’immobilier.
Selon une enquête menée par SeLoger et publiée en mars dernier, les annonces immobilières répertoriées sur le portail de biens classés G affichent ainsi un prix 14 % moins cher qu’un bien classé D, soit 458 euros en moyenne en moins par mètre carré, auquel il faut également ajouter un taux de négociation plus agressif.
Outre la valeur du bien, l’étiquette du DPE joue également un rôle non négligeable pour demander un crédit immobilier. « La qualité énergétique des biens est une donnée désormais prise en compte par les banques au même titre que les revenus de l’emprunteur ou sa situation professionnelle car elle impacte la liquidité du bien, son prix de revente futur, mais aussi les dépenses contraintes du ménage… Autant de facteurs qui entrent en ligne de compte dans l’évaluation du risque qu’effectue la banque au moment de la prise de décision de l’octroi ou non du crédit », souligne ainsi Sandrine Allonier, porte-parole de Vous-financer.
Sans compter que le DPE joue désormais un rôle coercitif et que les biens classés G ne pourront plus être loués à compter du 1er janvier 2025. Cette interdiction s’appliquera aux biens classés F en 2028. Une véritable problématique à l’heure où le marché locatif connaît une pénurie de logements.
Face aux nombreuses critiques, le Gouvernement a fini par entendre les professionnels de l’immobilier et accepté de revoir sa copie. L’objectif ? Assouplir le diagnostic de performance énergétique des petites surfaces en corrigeant les biais de calcul. Annoncée le 12 février dans un article du Parisien par le précédent ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires, Christophe Béchu, la réforme est entrée en vigueur le 1er juillet. Il faut dire que selon un rapport publié par le SDES en juillet 2022, 34 % des DPE sont F ou G au sein des logements de moins de 30 mètres carrés, alors que ce chiffre n’est que de 13 % pour les logements de plus de 100 mètres carrés.
Une partie de cet écart s’explique par plusieurs facteurs, notamment une consommation d’eau chaude sanitaire ramenée au mètre carré plus grande pour les petits logements, ainsi qu’une plus grande compacité dans les très petits logements. « Les consommations d’énergie étant exprimées par unité de surface, les consommations d’énergie pour l’eau chaude sanitaire sont logiquement plus élevées, une fois ramenées au mètre carré, pour une petite surface par rapport à une plus grande surface », précise Julien Besnard.
Depuis cet été, la correction est automatique et ne nécessite pas de nouvelle intervention du diagnostiqueur. Un simulateur est ainsi mis à disposition des propriétaires, sur le site de l’Ademe, afin de vérifier leur classe énergétique et d’obtenir une attestation valant nouvelle étiquette en cas de bascule.
Un an après la requête commune de l’alliance du diagnostic immobilier qui lie la CDI-FNAIM et la FIDI, la réforme du DPE petites surfaces est plus que jamais saluée par les fédérations. « Nous avons enfin été entendus et nous pouvons aujourd’hui rendre hommage à notre ancien ministre du Logement, Olivier Klein, qui a soutenu notre demande. L’application d’un coefficient de pondération sur la production d’eau chaude permet une évaluation plus juste et adaptée », se félicite Yannick Ainouche, président de la CDI-FNAIM.
Une bonne nouvelle également pour le marché locatif puisque la réforme du diagnostic de performance énergétique devrait permettre à 140 000 logements de moins de 40 mètres carrés de sortir de la catégorie des passoires énergétiques, étiquetées F ou G.
Après avoir évolué pendant 10 ans au sein d'un groupe spécialisé dans les médias étudiants, l’orientation professionnelle et la gestion de carrière, en tant que rédactrice en chef adjointe, Stéphanie Marpinard a choisi de travailler à son compte et collabore depuis à différents médias. Ses domaines de prédilection sont entre autres l'immobilier, l'emploi et les ressources humaines.