D’évidence, le nouveau Premier ministre de la France, Michel Barnier, a compris l’importance du logement dans la politique générale du pays. Au sommet de l’État, il semble qu’on ait décrété la fin du mépris pour le logement.
Il vient d’en apporter deux preuves, d’abord en confiant ce dossier crucial à un ministère de plein exercice, sans filtre avec lui, placé au milieu de l’organigramme gouvernemental, alors que les précédents depuis sept ans figuraient au plus bas dans le protocole. Plus qu’un symbole : à Bercy, on considère les ministres selon leur rang.
Ensuite, c’est une femme de grande expérience et d’engagement qui hérite du portefeuille du logement, Valérie Létard. Successivement élue de tous les niveaux d’exécutifs locaux, vice-présidente du Sénat, deux fois secrétaire d’État, elle a en outre la fibre des responsables politiques du Nord, que lui avait déjà donnée son métier originel d’assistante sociale. Elle sait que le logement peut être un atout de vie ou précipiter dans la déchéance un ménage qui n’en a plus.
« Au moment de façonner sa destinée, la nation a le logement en tête »
Il n’est pas question de faire de la politologie de comptoir, même si le bon sens se trouve davantage dans les discussions de bars que dans les analyses d’experts. On se gardera de penser que ce qui arrive à notre pays, cette déconstruction des grands équilibres institutionnels, s’explique par le sort d’un seul secteur d’activité, l’immobilier et le logement en particulier. En réalité, le sommet de l’État, au fil des ans, avec sans doute une accélération au cours des années récentes, s’est éloigné de l’opinion et de la base des électeurs. Jusqu’à ne plus sentir ce qui l’exaspère ni ce dont elle a besoin ni comment on la mène. Question de sensibilité démocratique et républicaine, question d’amour du peuple, ne fût-il pas toujours aimable. Le peuple, ces derniers mois, a voulu se faire entendre et dire qu’il était là, à ceux qui croient qu’on peut l’ignorer impunément. Il a sanctionné les partis de gouvernement et donné ou redonné aux autres une légitimité, qu’on le veuille au non. On se gardera des raccourcis.
On mesurera pourtant que le mépris du logement que le Président de la République a jusqu’ici affiché, avec la coupable complicité active ou passive, des Premiers ministres successifs – sans doute à l’exception de Gabriel Attal – et du Ministre de l’économie aura beaucoup compté dans la défiance du peuple envers la macronie.
Comment les ménages qu’on a voulu détourner de la maison individuelle auraient-ils pu donner leur onction au pouvoir en place ? Comment les investisseurs personnes physiques auraient-ils pu voter massivement pour un camp qui s’est refusé à leur octroyer un statut fiscal digne, les excommuniant pour avoir profité d’avantages jugés d’un coup scandaleux et exorbitants ? Comment les demandeurs de logements HLM, inscrits dans la file depuis deux ans, cinq ans, dix ans, auraient-ils absous les gouvernants d’avoir maintenu la réduction du loyer de solidarité qui a affaibli la situation financière des organismes et freiné la construction de nouveaux immeubles ?
Comment les plus fragiles, s’ils ont encore la force de se rendre aux urnes, si leur apparence est encore assez digne pour entrer dans un bureau de vote, auraient-ils donné leur voix à des partis sourds aux imprécations de la Fondation Abbé Pierre ? Comment les élus locaux votent-ils aussi en citoyens ordinaires – auraient-ils pardonné au Président qu’il les ait privés d’autonomie fiscale, et veuille le faire plus encore en leur confisquant le produit des droits de mutation à titre onéreux pour les primo-accédants, ou qu’il les ait astreints à la sobriété foncière sans discernement territorial ni accompagnement ?
Oui, la cause du logement est essentielle à la vie de la nation et oui, au moment pour elle de façonner sa destinée, la nation a le logement en tête.
Cette cause est aussi déterminante pour la santé économique générale de la France. Comment les dizaines de milliers de femmes et d’hommes de la filière qui ont perdu leur emploi ou sont en passe de le perdre appelleraient-ils de leurs vœux le maintien aux affaires sans contre-pouvoir de décideurs publics qui ont favorisé la grande purge ? Qui ont pensé que les promoteurs, les constructeurs, les négociateurs avaient assez bien vécu et qu’il fallait une autorégulation salutaire.
Car ce qui se passe depuis sept ans est cruel et violent. On saura gré aux ministres successifs en charge du logement, aux parlementaires du bord présidentiel, d’avoir ferraillé contre la conception présidentielle de la rente, de l’improductivité et de la dépendance coupable aux aides publiques. Il reste que l’indifférence à la cause du logement aura contribué à donner au Chef de l’État l’image d’un homme sans compassion et étrangement sourd aux suppliques d’un secteur vital pour la paix sociale, la prospérité fiscale et l’emploi. Les mea culpa tardifs et partiels d’Emmanuel Macron et de Bruno Le Maire sonnaient faux. Le logement s’est vengé. Il ne l’a pas fait contre le Président, il l’a fait plus positivement en inspirant les programmes des partis qui ont remodelé l’Assemblée nationale. Tous ont proposé, à leur manière, avec leur culture du sujet et leur idéologie.
Il faudra travailler avec tous pour que le logement revive.
Les élections législatives provoquées par la dissolution de l’Assemblée nationale ont sonné pour le logement et ses acteurs la fin du mépris.
Henry Buzy Cazaux
Après avoir conseillé Pierre Méhaignerie, ministre de l'équipement et du logement, Henry Buzy-Cazaux a occupé des fonctions de responsabilité dans des entreprises immobilières de premier plan, FONCIA, Tagerim ou encore le Crédit Immobilier de France, mais également au sein des organisations professionnelles du secteur. Ancien délégué général de la FNAIM, il a aussi été administrateur de plusieurs autres syndicats immobiliers. Il a été chargé de mission auprès du président du Conseil de l'immobilier de l'Etat.
Il mène depuis toujours une action engagée pour la formation aux métiers de l'immobilier: président d'honneur de l'Ecole supérieure des professions immobilières, cofondateur de l'Institut des villes, du territoire et de l'immobilier du Groupe ESSEC, il est aujourd'hui président fondateur de l'Institut du Management des Services Immobiliers, centre de prospective et d'enseignement.
Il est enfin membre du conseil scientifique de l'observatoire immobilier des notaires et président du groupe "Immobilier, logement et ville durable" du Forum pour la gestion des villes et des collectivités locales et territoriales.