Baisse des taux d’intérêt, inflation, prêts immobiliers ou encore chute des prix… Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne sur le marché immobilier européen. Caroline Evans de Gantès, directrice générale France et directrice commerciale du Groupe AVIV, nous livre son analyse du marché.
Comment nos voisins européens vivent-ils la crise immobilière ?
Même si les impulsions de la Banque Centrale Européenne (BCE) et la hausse des taux d’intérêt, pour contrer l’inflation, ont concerné l’ensemble des pays européens, chaque marché a une dynamique propre et une régulation spécifique qui impliquent différentes évolutions à des temporalités, elles aussi, différentes.
En effet, si tous les pays que nous étudions ont globalement connu un recul du nombre de transactions ces dernières années avec le durcissement des conditions de crédit en Europe, l’impact sur la dynamique de prix a été plus hétérogène. En 2023, nous avons constaté à la fois des baisses de prix en Allemagne (- 5,6 %), au Luxembourg (- 1,7 %) et en France (- 2,7 %), mais aussi des ralentissements de hausse de prix dans les pays où l’on note un meilleur pouvoir d’achat immobilier, comme c’est le cas de l’Espagne (+ 8,2 % mais + 1,8 % au 1er trimestre 2024) ou de la Belgique (+ 1,7 %). Nous constatons désormais un regain de dynamisme pour la plupart d’entre eux depuis la fin de 2023 avec la baisse récente des taux d’intérêt dans la plupart des pays. Un phénomène porteur d’espoir pour la France qui reste encore à la traîne au 1er trimestre 2024, mais qui devrait suivre ses voisins.
Vous vous positionnez aujourd’hui parmi les leaders européens de la recherche immobilière. Comment accompagnez-vous les professionnels de l’immobilier sur ce marché ?
Nous analysons les évolutions de marché dans tous les pays où nous sommes présents (Allemagne, France et Belgique) avec un baromètre local dédié, à l’image de celui que nous réalisons chaque mois pour la France. Et nous allons aussi au-delà en étudiant chaque trimestre les marchés européens géographiquement proches de la France à savoir : le Luxembourg, l’Espagne, le Portugal et l’Italie.
Les conditions de prêt se sont-elles assouplies partout en Europe ?
Pas tout à fait. C’est le cas en effet en 2024 dans tous les pays étudiés, sauf en France au 1er avril 2024. D’ailleurs, les taux d’intérêt ont commencé à baisser, pour certains, dès la fin 2023. Une tendance soulignée par les courtiers de chaque pays (1) et depuis confirmée par les chiffres officiels de la BCE selon laquelle ces baisses ont été particulièrement prononcées (hors France et Luxembourg), atteignant jusqu’à – 0,6 point de pourcentage (pp) entre le 1er décembre et le 1er mars dans des pays comme l’Italie.
Ces baisses de taux d’intérêt se reflètent dans les niveaux de production de crédit. Bien que les volumes annuels de prêts restent nettement inférieurs aux niveaux observés en janvier 2022 (jusqu’à – 40 % en moyenne pour la plupart des pays), on observe une nette décélération de la baisse dans tous les pays.
Certains, comme l’Allemagne, ont notamment connu la première évolution positive depuis l’été 2022, lorsque le marché immobilier a commencé à baisser : en février 2024, les banques allemandes ont accordé 18 % de prêts au logement de plus qu’en février 2023 (2). Ces améliorations des conditions de financement devraient stimuler la demande et l’activité du secteur en 2024.
La baisse des prix immobiliers est-elle désormais enclenchée dans l’ensemble des pays européens ?
Preuve que les rythmes ne sont pas toujours les mêmes, notre étude AVIV montre que la baisse est même déjà inversée dans certains pays européens étudiés qui enregistraient une baisse continue depuis 2022. Nous constatons des prix à la hausse au cours du premier trimestre 2024 pour tous les pays étudiés, à l’exception de la France. La récente amélioration des conditions de crédit, conjuguée à l’augmentation des revenus et la baisse de prix, a en effet considérablement amélioré le pouvoir d’achat immobilier des ménages.
En Belgique, en Espagne, au Portugal ou en Italie, on observe une poursuite de la hausse, qui avait seulement connu un ralentissement. A l’inverse, pour des pays comme l’Allemagne et le Luxembourg, cela marque une reprise significative. Ainsi, après avoir connu des tendances négatives continues tout au long de 2022 et 2023, ces pays ont enregistré, au cours du premier trimestre, une hausse notable respective des prix de l’immobilier de + 1,6 % et + 1,4 % (3).
Les autres pays européens subissent-ils également une baisse d’activité à l’instar de la France ?
En termes de nombre de transactions, malgré la baisse significative de l’activité en 2023, des signes de stabilisation, voire de reprise, ont été observés dans la plupart des pays dès fin 2023, en parallèle de la reprise précoce observée du côté des prix. Tous les pays étudiés, à l’exception de la France, ont connu une évolution soit positive, soit nulle du nombre trimestriel de transactions au cours de l’année 2023 (4).
Les récents signaux positifs concernant les conditions de crédit dans l’Hexagone offrent néanmoins une lueur d’espoir pour une amélioration potentielle de l’activité du marché dans les mois à venir, à l’instar des pays voisins.
1) jemmothekerfinotheker, Interhyp, Credithome – avril 2024. 2) BCE, avril 2024 3) AVIV – Immowelt, Immoweb, Meilleurs Agents, Idealista Italy, Idealista Portugal, Idealista Spain and Immotop. 4) Eurostat, avril 2024.
Stéphanie Marpinard
Après avoir évolué pendant 10 ans au sein d'un groupe spécialisé dans les médias étudiants, l’orientation professionnelle et la gestion de carrière, en tant que rédactrice en chef adjointe, Stéphanie Marpinard a choisi de travailler à son compte et collabore depuis à différents médias. Ses domaines de prédilection sont entre autres l'immobilier, l'emploi et les ressources humaines.