Les Français passent près de 90 % de leur temps à l’intérieur, et très souvent chez eux. De nombreuses études ont montré que le logement a un impact réel sur la santé des habitants. Directement mais plus sûrement, indirectement.
Les études médicales ont largement documenté l’impact de la qualité physique des biens (qualité de l’air intérieur, présence de polluants, etc.) sur la santé des habitants. Les polluants de l’air, de l’eau et des sols causeraient même trois fois plus de morts que le sida, la tuberculose et le paludisme réunis. Aujourd’hui, heureusement, la quasi-totalité des logements répondent aux critères minimaux d’hygiène, notamment concernant la qualité de l’eau et des sanitaires. Mais la Fondation Abbé Pierre dénombre encore 4 millions de personnes qui souffrent des conditions d’habitat particulièrement difficiles (bâti de faible qualité, difficulté à se chauffer, équipements défectueux, etc.).
Un effet direct de la qualité du logement sur la santé
La qualité de l’air et des matériaux, l’humidité, les isolations phonique et thermique sont à l’origine de nombreuses maladies physiques et mentales. Plus précisément, les biens immobiliers peuvent être responsables de 4 grands types de risques sanitaires : les risques biologiques via les allergènes des moisissures ou des nuisibles qui déclenchent des allergies et des maladies respiratoires ; les risques chimiques via le plomb, l’amiante ou le monoxyde de carbone qui favorisent les complications neurologiques et les cancers ; les risques physiques via les faibles ventilations ou les chauffages déficients qui causent des malaises et favorisent des maladies respiratoires ; et les risques de surpopulation qui contribuent aux malades infectieuses et aux dégradations de la santé mentale. Ces risques sont sérieux et les normes sont justement établies pour les diminuer au maximum.
Mais ce n’est pas tout…
Des impacts négatifs de l’insécurité résidentielle
La santé des habitants est en réalité beaucoup fonction de ce que l’on nomme « l’insécurité résidentielle ». Elle ne concerne pas seulement l’insécurité liée aux conditions physiques du logement. Elle est aussi générée sur trois plans à considérer avec la même attention.
– L’insécurité financière, liée à la difficulté d’accession et/ou à la capacité à payer les traites (emprunts, loyers, dépenses associées, etc.). Un coût du logement supérieur à 30 % du revenu (y compris les charges induites) est généralement considéré comme source de problèmes financiers à venir. Ce type d’insécurité crée du stress, de l’anxiété voire des accidents domestiques ;
– L’insécurité locale, liée à un voisinage difficile, au fait de souffrir d’un environnement urbain dense, enclavé, bruyant, pollué voire menaçant. Cette situation favorise la fatigue mentale, le sentiment d’isolement et l’anxiété ;
– L’insécurité temporelle, liée à l’incapacité à rester longtemps dans un logement ou à bénéficier d’un parcours résidentiel stable.
Chaque type d’insécurité aggrave la santé physique et mentale des habitants. Bien évidemment, la dynamique négative qu’ils engendrent est plus difficile à supporter pour les locataires et les bas revenus que pour les propriétaires et les personnes aisées. De fait, les types d’insécurité ne sont pas dissociés les uns des autres. Au contraire, ils impactent d’autant plus la santé qu’apparaissent les difficultés socio-économiques. Par exemple, une insécurité financière ne permettant pas de se payer un logement de bonne qualité, peut conduire à une expulsion, crée de l’instabilité résidentielle, etc.
Les effets sont cumulatifs dans le temps, un type d’insécurité en générant un autre dans une spirale négative. Et, souvent, les effets sur la santé ne sont pas de simples mauvaises passes : ils sont durables. Les chercheurs ont montré que les expulsions aggravent la santé physique et mentale à la fois à court (douze mois) et long terme (sept à huit ans).
Le logement, facteur d’inégalités
Le logement est un élément pivot dans la dynamique sociale des habitants : l’insécurité résidentielle est davantage une cause qu’une conséquence des inégalités sociales. L’accession à la propriété est alors un moyen de sortir de ces cycles difficiles à vivre et une réelle opportunité pour améliorer la santé des habitants. En Angleterre, la possibilité d’acheter son logement, détenu préalablement par l’État, a permis de mesurer les effets de l’accession à la propriété sur la santé, en longitudinal. Les résultats sont spectaculaires : sur 100 acquéreurs, 20 % déclarent moins de problèmes de santé après leur acquisition et on constate une amélioration significative de l’état de santé globale des acquéreurs.
La santé est aussi améliorée grâce à des mécanismes sociaux indirects très puissants : elle améliore la santé psychologique via une meilleure estime de soi, le sentiment d’une plus grande sécurité émotionnelle et physique, la sensation d’un plus grand contrôle de sa vie et de ses interactions sociales. L’acquisition de son logement, dès lors qu’elle ne crée pas d’insécurité financière, favorise un meilleur accès au travail, un gain de temps sur les déplacements et des ressources disponibles pour mieux profiter des activités de loisirs.
Finalement, la diminution de l’insécurité résidentielle apporte une meilleure santé et plus d’optimisme. Selon la formule d’Aristote, le logement devient alors ce bien conditionnel qui a le pouvoir de créer le « bien suprême », c’est-à-dire de nous rendre plus heureux. La politique en faveur de l’accession à la propriété est un exemple typique de politiques publiques qui vont bien au-delà du secteur immobilier car elle affecte la santé publique, le bien-être de chaque citoyen, et finalement la cohésion sociale de tout un pays.
Fabrice Larceneux
Chercheur CNRS au centre de recherche DRM (Dauphine Recherche en Management), ancien élève de l’Ecole Normale Supérieure, agrégé d’Economie et Gestion, il est titulaire d’un doctorat en Sciences de Gestion de l’Université Paris Dauphine. Auteur de différentes publications scientifiques et de l’ouvrage Marketing de l’immobilier (Dunod), il assure des cours de marketing de l’immobilier à l’Université Paris-Dauphine.