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« Les temps sont durs mais nous relevons la tête » Alain Duffoux, président du SNPI

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Président du Syndicat national des professionnels de l’immobilier (SNPI) depuis 1995, Alain Duffoux traverse les années sans jamais
détourner son regard de ses combats. Interview.

Alain Duffoux

Vous êtes président du SNPI depuis 1995. Comment expliquez-vous cette longévité ?

Le SNPI c’est avant tout une formidable équipe, des administrateurs fiables et des collaborateurs au service des adhérents. Les administrateurs, dont moi-même, sont réélus tous les 3 ans, par les membres délégués, et nous avons tendance à penser que dans un monde de rupture, de changements brutaux et d’incertitudes, la pérennité est un gage d’efficacité et de stabilité dans une période qui en manque cruellement ! C’est, pour moi, une grande fierté de voir la progression du SNPI au fil du temps.
Au cours de mes mandats, nous avons créé « SNPI Campus », qui propose, outre des formations « loi Alur » destinées aux professionnels de l’immobilier, un BTS, ainsi qu’un parcours en VAE. Nous avons également développé le volet
dédié aux assurances via notre filiale « Victor Hugo Services » : aujourd’hui, nos adhérents peuvent bénéficier de contrats d’assurance et de garanties financières à des tarifs négociés. Enfin, le SNPI s’est tout particulièrement investi dans le développement de la partie technologique, notamment la plateforme « SNPI Tech », qui comprend un logiciel de transaction permettant à nos adhérents de gérer en ligne leurs biens, les mandats, la signature électronique…

Depuis votre première élection au sein du SNPI, vous avez vu un nombre important de ministres du logement se succéder… Quel regard portez-vous sur la coopération entre les professionnels de l’immobilier et les décideurs politiques ?

Les personnes issues du monde professionnel ont toujours rencontré des difficultés à se faire entendre par le monde politique. Elles sont souvent vues comme des lobbyistes uniquement motivés par le fait d’assurer des recettes supplémentaires à leurs confrères et malheureusement jamais comme des professionnels porteurs d’idées pouvant servir l’intérêt général ! Ce que je constate, c’est que même si nous sommes les sachants, les gouvernements successifs – quels qu’ils soient – disent mieux connaître notre métier que nous. Et au fil des années, ça s’aggrave ! Aujourd’hui, les députés vivent d’ailleurs la même chose que nous : ils sont mécontents que leur propre gouvernement ne les écoute pas. Lorsqu’on expose nos problèmes à un ministre, ce dernier partage très souvent notre avis. Cependant, lorsqu’il veut entamer une transformation, il est bloqué par sa propre administration. Alors que par exemple aux États-Unis, une partie de
l’administration se retire lorsqu’un nouveau président est élu, en France, on ne part jamais d’une page blanche. Chez nous, c’est l’administration qui dirige. Les ministres et les élus qui sont en prise avec la vie des citoyens et des affaires, ont donc les mains liées…

Le nouveau ministre délégué au logement Guillaume Kasbarian a pris ses fonctions il y a quelques mois. Qu’attendez-vous de lui ?

Guillaume Kasbarian est une personne un peu plus proche de nos convictions — nous les professionnels — par rapport à ses prédécesseurs. Même s’il a une feuille de route prédéfinie, il semble plus sensibilisé à nos sujets fondamentaux et il a déjà pris de bonnes initiatives : simplifier l’accès au label « RGE » pour l’ensemble des entreprises (notamment les plus petites), accélérer l’instruction des permis de construire pour chercher à bâtir des logements dans des délais plus courts, simplifier le parcours pour financer la rénovation… Cependant, c’est insuffisant et je crains qu’il n’ait malheureusement pas assez de latitude pour mener les combats qu’il souhaite. Ce que nous attendons de lui, c’est qu’il prenne la mesure de l’impact de la crise que nous traversons, le logement étant l’alpha et l’oméga de nos vies et par conséquent, des sociétés développées dans lesquelles nous vivons. Mais il faut aussi qu’il mette immédiatement en place des mesures d’urgence pour, d’une part, faciliter le redémarrage des transactions immobilières – même si les signaux sont de nouveau au vert depuis quelques semaines – et d’autre part débrider le marché de la location.

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Comment se porte le SNPI dans ce contexte de crise immobilière ?

Au cours du dernier trimestre de l’année 2023, notre observatoire faisait état d’une baisse de chiffre d’affaires de 24 % chez nos adhérents par rapport à 2022. Nous connaissons donc une période compliquée. À priori, le plus difficile est derrière nous, mais les effets se font, bien entendu, encore sentir. Certains de nos adhérents anticipent leur départ à la retraite,
mais d’autres mettent la clé sous la porte car ils ont été touchés de plein fouet par la crise. Avec l’expérience du passé, je craignais toutefois un choc plus rude. Mais perdre un seul adhérent est déjà trop. Au dernier comptage de la représentativité, le nombre d’adhérents au SNPI était de près de 15 000. Alors que le contexte économique se tend, les professionnels se rendent compte de l’intérêt d’être adossé à un syndicat comme le nôtre, qui offre des conditions intéressantes lorsqu’ils veulent souscrire une assurance responsabilité civile professionnelle, une garantie financière, bénéficier d’un accompagnement juridique qualifié, mais aussi avoir accès aux formations obligatoires, utiliser des technologies de pointe, accompagner des clients étrangers et pouvoir échanger avec des confrères…

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En 2024, l’un de vos objectifs est d’accélérer l’internationalisation du SNPI et ainsi renforcer la présence de l’industrie immobilière française sur la scène internationale. Quelle est votre stratégie ?

Je suis membre du board du Conseil européen des professions immobilières (CEPI), qui compte 200 000 professionnels affiliés ainsi que de la National Association of Realtors (NAR), une association américaine qui regroupe 1,3 million de membres aux États-Unis. Le SNPI a également tissé de nombreux partenariats avec des associations libanaises, portugaises, espagnoles, italiennes… Cet ancrage nous permet aujourd’hui d’accélérer à l’international.

Via notre entité « SNPI International » créée en 2021, nous allons prochainement lancer une nouvelle plateforme qui aura vocation à regrouper des agents immobiliers de tous les pays (dont les membres du SNPI pour la France) mais aussi des géomètres, des architectes, des avocats…

L’objectif sera de faciliter les échanges entre eux afin de multiplier les opportunités de business, de partager des mandats de vente… Nos adhérents pourront par exemple être mis en contact avec des étrangers qui souhaitent investir en France.
L’idée est aussi de leur permettre de s’inspirer des bonnes pratiques qui émergent à l’international et de les challenger.

Les étrangers prêts à investir en France sont-ils vraiment revenus sur notre marché ?

Oui, notamment les Américains, qui investissent de nouveau beaucoup en Europe. En France, Paris, Arcachon, Biarritz, Deauville, Cannes et Nice restent les villes qui les attirent le plus. Lorsqu’ils se penchent sur le marché français, ils découvrent également d’autres territoires intéressants comme Aix-en-Provence mais aussi Clermont-Ferrand. Malgré les aléas économiques actuels, notre marché immobilier reste sécurisant aux yeux des étrangers. À l’inverse, les investisseurs français ne sont pas encore de retour. Si je suis confiant quant à une future embellie du marché de la transaction, je reste inquiet pour le marché de la location, qui est complètement sclérosé. La France a pris la fâcheuse habitude de surtransposer les règlementations européennes : aujourd’hui, seuls les propriétaires français sont contraints de ne plus louer les logements classés F et G par le nouveau DPE. Résultat : ils les vendent, faute de pouvoir réaliser des travaux, qui sont en moyenne compris entre 60 000 et 80 000 euros. C’est une différence de traitement dont les locataires font aujourd’hui les frais. La situation est dramatique et je tire ici, une fois de plus, la sonnette d’alarme.

Vous dites d’ailleurs que l’État veut « sacrifier des générations de bailleurs ».

Le gouvernement est parti en guerre contre les propriétaires privés, en les accusant d’être responsables de la plupart des dysfonctionnements climatiques actuels. Or, le bâtiment est loin d’être le secteur le plus polluant. Pendant longtemps, on a dit, à juste titre, que la pierre était « un investissement de bon père de famille ». Reste qu’aujourd’hui, les bailleurs sont pris au piège ! C’est d’autant plus le cas des bailleurs âgés, qui ne peuvent plus obtenir de financements de la part des banques.

Qu’on leur lâche la bride ! C’est la raison pour laquelle nous demandons le report des contraintes pesant sur les bailleurs quant à la rénovation énergétique des bâtiments. L’interdiction de louer des passoires thermiques est une épée de Damoclès que nous refusons en bloc. Nous estimons que c’est à l’État de prendre en charge le coût de la rénovation des logements, sur lesquels il a longtemps encaissé des impôts et des taxes.

Même si la rénovation énergétique est une urgence fondamentale, elle ne l’est pas plus que de mettre un toit au-dessus de la tête de tous les Français.

Du fait de conditions de financement peu favorables à l’acquisition, certains acheteurs potentiels sont contraints de louer leur résidence principale, tendant encore plus un marché de la location déjà sous pression. Quelles solutions préconisez-vous pour lui donner un appel d’air ?

En effet, les locataires souffrent, eux aussi, des conséquences de ces mesures car la rareté des logements ne cesse de croître et nous savons que le logement social ne peut, à lui seul, répondre à une demande en hausse constante. Concernant le DPE par exemple, il aurait plutôt fallu encourager les propriétaires à rénover leur logement via des incitations fiscales plutôt que de les contraindre avec des interdictions de location. Cela aurait évité de supprimer 5 millions de logements du marché ! Il s’agit également de décorréler la rénovation énergétique de la notion de « logement décent », qui n’existe pas chez nos voisins européens. Par ailleurs, je ne comprends pas qu’on autorise encore Airbnb, qui assèche le marché locatif, en transformant des logements voués à la location longue durée en logements saisonniers et qui, par conséquent, fait exploser le prix des loyers. Il serait par ailleurs intéressant, lors de la revente, de supprimer la plus-value des biens destinés à la location « classique », étant donné qu’elle n’existe pas pour les biens en résidence principale, contrairement aux biens loués occasionnellement sur Airbnb.

À lire aussi : « Les solutions de financement immobilier revisitées. » Bruno Rouleau

Aurélie Tachot

Aurélie Tachot est une journaliste spécialisée dans l'immobilier, qu'elle aime aborder sous le prisme des innovations, notamment technologiques. Après avoir été rédactrice en chef de plusieurs médias spécialisés, elle collabore avec Le Journal de l'Agence afin de rédiger des articles d'actualité sur les acteurs qui font l'immobilier d'aujourd'hui et qui feront celui de demain.
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