La loi stipule qu’un entrepreneur individuel peut protéger sa résidence principale, mais aussi ses autres biens fonciers, bâtis ou non bâtis, faisant partie de son patrimoine personnel des saisies pour des dettes professionnelles, à condition que le bien foncier ne soit pas affecté à un usage professionnel et que l’entrepreneur ait effectué au préalable une déclaration d’insaisissabilité. Le point sur comment ces dispositions s’appliquent dans le cadre d’une acquisition en viager.
Qu’est-ce que l’insaisissabilité ?
L’entrepreneur individuel, ou toute personne physique immatriculée à un registre de publicité légale à caractère professionnel (commerçants, artisans, agents commerciaux, autoentrepreneurs) ou exerçant une activité professionnelle agricole (les agriculteurs) ou indépendante (les professions libérales), est responsable sans limitation sur l’ensemble de son patrimoine présent et à venir.
Il n’est pas fait de distinction, dans l’entreprise individuelle, entre les biens propres de l’entrepreneur, personne physique, et ceux destinés à l’activité professionnelle.
Or, l’entrepreneur, dans le cadre de son activité professionnelle peut être mis en liquidation judiciaire par un ou des créanciers (procédure collective).
Pour échapper à la saisie, l’entrepreneur a la possibilité de déclarer certains biens insaisissables.
Dans ce cas, la protection du patrimoine de l’entrepreneur individuel est étendue à « tout bien foncier bâti ou non bâti » et/ou « droits immobiliers » non affectés à l’usage professionnel.
Ainsi, la totalité du patrimoine de l’entrepreneur ne constitue pas la garantie ou le gage du ou des créanciers.
Que dit la loi Macron ?
La loi Macron (loi 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques), publiée au Journal Officiel du 7 août 2015 et mise en application dès le lendemain, modifie le régime applicable à la déclaration d’insaisissabilité prévu par les articles L.526-1 et suivants du Code de Commerce.
Cette loi instaure une insaisissabilité de droit et automatique de la résidence principale de l’entrepreneur personne physique (viager libre/occupation par le débirentier) et maintient la possibilité d’effectuer une déclaration d’insaisissabilité sur tout bien immobilier autre que la résidence principale, non affecté à un usage professionnel (viager occupé ; viager sans rente ; vente avec paiement à terme, viager libre loué, nue-propriété, ventes hors viager avec crédit vendeur).
Cette déclaration doit être reçue par notaire sous peine de nullité. Elle doit être publiée au bureau des hypothèques et doit contenir la description détaillée des biens, leur caractère propre, commun ou indivis. Il faut être attentif au fonds et à la forme, car une déclaration non conforme ne sera pas valable.
Le notaire doit prendre en compte, entre autres considérations, du caractère commun ou indivis, de l’affectation de tout ou partie d’un bien immobilier, de la situation matrimoniale de l’entrepreneur, de l’accord du conjoint, du pacsé, de la situation de pluriactivité, du cumul de patrimoines affectés (quelle qu’en soit l’origine) et de bien d’autres critères !
Les émoluments du notaire sont fixes et non proportionnels à la valeur du bien affecté. La tarification de ces formalités est en effet fixée par décret.
Cette insaisissabilité est inopposable à l’administration fiscale (article 1729 du Code Général des Impôts).
Quel rapport avec l’achat en viager ?
Vous vous demandez sans doute en quoi ces dispositions concernent le vendeur-crédirentier et l’acquéreur-débirentier.
Pour le crédirentier, l’insaisissabilité entraîne comme conséquence que le bien ne peut « entrer » en cas de procédure collective, dans la masse liquidative. Cela permet au crédirentier de mettre en place l’action résolutoire et de récupérer son bien pour le cas où le débirentier ne paierait pas les rentes viagères.
En effet, l’insaisissabilité ne rend pas l’action résolutoire inopérante. L’article 206 de la loi précise que l’insaisissabilité de droit n’a d’effet qu’à l’égard des créanciers dont les droits naissent à l’occasion de l’activité professionnelle après la publication de la présente loi.
Pour ce qui concerne le débirentier, l’insaisissabilité lui permet de conserver son bien immobilier ou les droits immobiliers afférents pour le cas où il serait à jour de ses obligations et notamment du paiement des rentes ou mensualités.
Il est du devoir du conseiller viager d’informer l’acquéreur-entrepreneur individuel de cette possibilité.
Au même titre, il semble judicieux de conseiller à l’acquéreur la souscription d’une assurance décès pour garantir le paiement du capital rente à ses héritiers en cas de décès prématuré de l’acquéreur.
Pour agir en responsable, en bon père de famille et en bon investisseur, on peut donc recommander à un entrepreneur individuel de :
rendre insaisissables ses biens non affectés à un usage professionnel
souscrire une assurance décès pour protéger ses héritiers
s’assurer que les conditions économiques de l’achat viager sont équitables
de prévoir un contrat viager qui précise les conditions d’occupation, la clause résolutoire adéquate, l’abandon du droit d’usage et d’habitation, les répartitions charges et travaux, le décès du vendeur dans les lieux ou de l’acquéreur – prématurément à celui du crédirentier et bien d’autres conditions !
En conclusion, vous en conviendrez, un bon viager ne consiste pas seulement à acquérir un bien immobilier ! Un bon viager, c’est une stratégie globale, financière et patrimoniale, un investissement financier exceptionnel assis sur de la pierre !
Zoom auteur
Si vous souhaitez en savoir davantage, consultez Jean-Louis Tolosa : expert viager, formateur viager, formation filmée, intervention dans tout contentieux/devis et auteur du livre « Le viager pour les pros ».