Pourquoi diable signer des mandats à des niveaux de prix de vente qui ne sont bons ni pour le vendeur ni pour son conseiller ?
Les arbres ne montent jamais jusqu’au ciel.
Contrairement à ce que les dernières années pouvaient laisser penser, il en est de même pour les prix de vente des biens immobiliers.
Pourtant, nombre de vendeurs continuent de se projeter sur des niveaux de prix sans prendre en compte l’évolution du marché.
Dans ce contexte, l’expertise de l’agent immobilier est encore plus importante pour convaincre son client du bon prix de vente.
Dans mon dernier livre, « Lève-toi et Négocie », qui ne s’adresse pas spécifiquement aux agents immobiliers, j’évoque la notion de prix sans regret.
Je désigne ainsi, ce niveau de prix suffisamment élevé pour être satisfaisant tout en étant suffisamment bas pour rester compétitif.
Je propose avec cette notion et la façon de la mettre en œuvre une alternative aux techniques de négociation « classiques » qui s’appuient encore trop souvent sur des méthodes « borderline » pour ne pas dire sur des formes de mensonges. C’est le cas par exemple de la prétendue « règle d’or de la négociation » qui consiste à toujours commencer par « ancrer » la discussion sur un premier chiffre – qui n’est en fait qu’un leurre psychologique – pour ensuite mieux « influencer » son interlocuteur et le conduire à accepter le véritable objectif poursuivi. Tout le mal que je vous souhaite est de rester au large de ces pratiques répulsives et de convaincre vos clients d’en faire autant.
Une estimation à double impact
Le contexte difficile que nous traversons renforce à la fois la difficulté de l’estimation et ses enjeux tant pour l’agent immobilier que pour le vendeur. Nous savons tous qu’un vendeur « vexé » par une estimation trop lointaine de sa propre évaluation peut rapidement s’en prendre au messager… qui voit ainsi ses chances de signer un mandat s’envoler. Et inversement, une estimation trop optimiste séduira plus facilement le vendeur à court terme, avant de le décevoir dès que la commercialisation sera lancée.
La préparation et la présentation de l’estimation au vendeur sont donc des exercices délicats qui doivent être conduits avec autant de sérieux que de tact pour limiter les incompréhensions, voire les tensions qui naissent de la frustration légitime du vendeur qui espérait mieux. Tout l’art consiste donc à présenter une estimation qui serve au mieux les intérêts de toutes les parties prenantes sans tomber dans le piège du « mandat à tout prix ».
Si vous voulez un acronyme pour avoir une forme de ligne directrice à suivre, je vous propose les 3C de l’estimation : Consistance, Compréhension, Cohérence.
Consistance
Les qualités oratoires, les techniques de communication sont importantes, certes. Mais elles ne sont jamais aussi efficaces que lorsqu’elles sont au service d’un fond solide, d’autant plus solide quand la réalité du marché n’est pas facile à accepter pour le vendeur encore trop ambitieux. L’agent immobilier a donc tout intérêt à documenter ses propos d’autant plus qu’il est le meilleur référent possible sur le marché local. A lui de se préparer pour apporter des « preuves », des exemples comparables, un historique des transactions locales, des exemples et aussi des contre-exemples de stratégies de commercialisation récentes.
A lui aussi de prendre le recul sur les chiffres donnés par les estimations informatiques et les adapter au contexte local et à la réalité du marché à date. Bien sûr, ce n’est pas une tâche facile, car nombreux sont les vendeurs qui pensent encore sincèrement qu’il est judicieux de « tenter » un premier prix de vente pour ajuster ensuite. Les bons professionnels savent tous que c’est une erreur, mais encore faut-il avoir les éléments nécessaires pour le démontrer.
Compréhension
Même si la préparation a été bien faite, les vendeurs sont rarement disposés à accepter d’emblée des estimations qui sont de leur point de vue très décalées par rapport à leur vision des choses. Cette vision est peut-être déformée ou irréaliste, mais elle existe et la dernière chose à faire est de considérer que le vendeur est un imbécile. J’insiste. Je vois régulièrement des gens expliquer très sérieusement à quel point leurs clients sont stupides. Je ne suis pas certain que ce soit la meilleure façon de gagner leur confiance… Au contraire, la confiance viendra d’abord de la compréhension de l’agent vis-à-vis des réticences voire des certitudes du vendeur.
Et ceci passe par l’acceptation. Pas une acceptation de façade. Une acceptation sincère, une compréhension de ce qui peut sous-tendre la position du vendeur. Il est beaucoup plus judicieux de commencer par accepter que de rejeter le point de vue, même décalé, du vendeur. Accepter ne veut pas dire confirmer que le raisonnement est juste. Accepter veut dire manifester de la compréhension, donner de l’écoute et apaiser les tensions.
C’est parce qu’on accepte vraiment, sincèrement le point de vue de l’autre, que ce dernier, en retour, est prêt à accepter d’entendre le nôtre. Ceci est alors la première étape vers la compréhension de nos arguments et la prise en compte plus attentive des conclusions du dossier soigneusement préparé en amont.
« Est-ce que ceux qui ne savent pas dissimuler leur ruse peuvent encore passer pour des rusés ? »
Jiang Zilong
Cohérence
Enfin, il me semble que la confiance passe aussi par la cohérence.
Dans n’importe quel secteur, lorsque malgré tous les efforts de préparation puis de communication, le « client » continue à ne pas accepter la proposition qui lui est faite, la discussion en reste là. Comme le disent les Américains : “No deal is better than a bad deal”.
Pourquoi cette règle de bon sens serait-elle différente sur le marché immobilier ? Pourquoi remettre en cause sa crédibilité personnelle en acceptant une base de travail radicalement différente des conclusions de son travail d’analyse ? N’oublions pas que l’objectif n’est pas de signer des mandats, mais de signer des mandats qui permettront de travailler sérieusement. L’estimation réalisée de façon professionnelle doit justement permettre d’établir un prix de vente sans regret, ou alors de refuser – également sans regret – de commercialiser un bien qui ne nous semble pas au bon prix.
Voilà pour mes suggestions sur ce sujet délicat de l’estimation. Pour finir, je vais vous faire un aveu… j’ai été récemment dans la position de ce vendeur très affirmatif, très sûr de lui et très ambitieux… Je regrette amèrement que mes interlocuteurs n’aient pas su me convaincre que je faisais une bêtise. Cela aurait évité de « griller » la commercialisation du bien en question qui devra prochainement être reprise à zéro. Reprise à zéro, certes, mais certainement pas avec celui qui a eu la faiblesse d’accepter, à tort, un mandat à tout prix…
Nicolas Caron est auteur et conférencier en performance commerciale. Il a commencé sa carrière par la vente de produits financiers dans des filiales spécialisées de deux grands groupes bancaires.
Il s’est ensuite consacré au métier du conseil et de la formation commerciale. Il a lui-même formé des milliers de vendeurs et organisé le déploiement de centaines de projets de formation.
Ses trois derniers ouvrages Lève-toi et Vends!, Lève-toi et Prospecte! et Lève-toi et Négocie! sont en tête des ventes de leurs catégories depuis leurs sorties respectives. Ils sont aussi les bases des trois conférences éponymes qui sont animées à l’occasion de conventions commerciale, séminaires d’entreprises et autres Kick-off de rentrée commerciale.
Par Poussin, il y a 11 mois
Très Juste