Le marché de l’ancien s’enfonce dans la récession, avec des ventes en baisse de 10.6 % sur un an. Pourtant, la courbe des prix des logements anciens s’est inversée et les prix signés ont augmenté de 0.7 % depuis 3 mois. Et sur les prix des logements neufs, les tensions s’allègent. Zoom sur Paris, Lyon et Marseille.
Embellie de printemps sur les prix des logements anciens
Au fil des mois, le marché de l’ancien s’enfonce dans la récession. Pourtant depuis le début du printemps, la courbe des prix des logements anciens s’est inversée : au cours des trois derniers mois, les prix signés ont augmenté de 0.7 % et les prix affichés de 1.5 %. Une telle embellie est habituelle à cette période de l’année : pour autant, elle intervient après de longs mois d’une baisse qui paraissait ininterrompue, d’octobre 2022 à avril 2023. D’ailleurs, le rythme de la hausse des prix mesurés en niveau annuel glissant ralentit encore rapidement : avec + 1.7 % à fin juin, contre + 4.6 % en début d’année.
Sur le marché des appartements où la demande bute sur les exigences d’apport personnel (compte tenu des niveaux de prix pratiqués dans les grandes villes), les augmentations récentes de prix sont les moins rapides : + 0.1 % au cours des trois derniers mois. Aussi, le rythme de la hausse des prix mesurés en niveau annuel glissant ralentit toujours, avec + 0.9 % à fin juin, contre + 3.9 % en janvier : mais si la tendance baissière se renforce en Ile de France, les tensions persistent en province. Et les prix affichés augmentent de 1.4 % en trimestre glissant, après avoir reculé durant de longs mois.
Pour le deuxième mois consécutif, l’augmentation des prix des maisons reste soutenue sur un marché totalement déséquilibré, entre une demande nombreuse et plus aisée qu’auparavant, et une offre insuffisante qui se réduit au fil des mois. Les prix signés progressent ainsi de 1.5 % sur trois mois et les prix affichés de 1.6 %. Car le déplacement de la demande vers des villes petites et moyennes où les prix sont plus accessibles compte tenu du niveau des apports personnels exigés continuent à alimenter la hausse des prix.
Coup de frein sur les prix du neuf
En dépit de la pression sur les coûts de la construction qui perdure et des contraintes environnementales qui pèsent sur le niveau de l’offre nouvelle, les tensions s’allègent sur les prix des logements neufs. Ainsi, alors que les déséquilibres quantitatifs se renforcent sur un marché de pénurie, le recul des prix persiste pour le 4ème mois consécutif : la baisse mesurée en niveau trimestriel glissant est 0.8 % en juin.
Ce sont les prix des appartements qui reculent le plus rapidement (- 2.1 % sur trois mois), confirmant le recul amorcé au printemps dernier : le blocage du marché de la revente de logements anciens qui s’est renforcé depuis le début de l’année affecte particulièrement les ventes des promoteurs. Ainsi, le ralentissement de la hausse des prix des appartements mesurés en niveau annuel glissant sanctionne ces évolutions : à fin juin, l’augmentation est de 3.9 %, contre 5.5 % en début d’année.
Quant aux prix des maisons mesurés en niveau annuel glissant, leur progression reste soutenue : + 9.3 % sur un an. Néanmoins, la tendance n’est plus à l’augmentation régulière : durant les derniers mois, la probabilité d’une diminution des prix se renforce, avec – 0.8 % à fin juin : la dégradation des principales caractéristiques du PTZ amplifie l’effondrement des ventes des constructeurs de maisons individuelles et contribue largement à cette évolution.
En Île-de-France, un renforcement de la baisse des prix
A fin juin, la baisse des prix des appartements anciens se renforce nettement en Ile de France : elle concerne maintenant 80 % des villes de plus de 40 000 habitants (contre 66 % en mai et 58 % en avril), pour une proportion de 23 % en Province (contre 19 % en mai et en avril). Et elle est maintenant de 2.1 % sur un an (niveau annuel glissant), alors qu’en province la hausse des prix se poursuit, au rythme de 4.0 % sur un an. Jusqu’alors, la baisse des prix franciliens concernait principalement les villes où leur niveau est devenu inaccessible pour une large part de la demande fortement affectée par le rationnement du crédit. Maintenant, la baisse se diffuse largement : partout sur le territoire francilien et sur les villes les moins chères vers lesquelles la demande s’est progressivement déplacée. Lorsque les prix reculent, ils le font de 3.0 % sur un an, en moyenne, et dans ces villes, les prix dépassent les 6 600 €/m². En revanche, les prix progressent toujours dans les villes les moins chères qui récupèrent encore une partie de la demande qui s’éloigne toujours plus pour pouvoir acheter : la hausse est alors de 1.2 %, en moyenne.
La baisse des prix est ainsi presque générale dans les Hauts de Seine (- 2.9 % sur un an) où le prix moyen est de l’ordre de 7 500 €/m². La situation est comparable dans le Val de Marne (- 3.2 %), bien que le niveau des prix y soit inférieur (de l’ordre de 5 100 €/m², en moyenne). En revanche, les prix sont encore à peu près stables en Seine-Saint Denis (de l’ordre de 4 200 €/m², en moyenne).
En province, les hausses de prix sont d’au moins 10 % en juin dans 18 % des villes (au moins 6 % dans 38 % des villes). La hausse reste soutenue et à très haut niveau à Arles, Châteauroux, Châlons-en-Champagne, Niort ou Perpignan. Cependant, dans certaines villes, la hausse des prix ralentit, après une longue période qui a rendu difficile la réalisation, dans le contexte de resserrement de l’accès au crédit : tel est le cas à Annecy, Brest, Le Mans, Lorient ou Marseille avec des augmentations comprises entre 7 et 9 %.
En revanche, les prix baissent après souvent des hausses qui ont épuisé une demande, sur des territoires qui ont perdu de leur attractivité : comme à Lyon et dans son sillage, Bron et Villeurbanne ; en Aquitaine où Bordeaux entraîne notamment Mérignac ; ou dans le Nord, à Douai, Roubaix, Villeneuve d’Ascq ou Wattrelos, pendant que le ralentissement se renforce sur Lille.
Dans la plupart des métropoles, un atterrissage des hausses de prix de l’ancien
En dépit de l’aggravation de la récession, la hausse des prix des appartements reste rapide sur Brest Métropole (+ 9.3 %), où l’offre est notoirement insuffisante au regard des projets de développement économique du territoire. Les hausses sont encore soutenues sur les métropoles de Marseille (+ 4.7 %) et de Nice (+ 7.6 %) où la réduction de l’offre de biens disponibles à la vente déséquilibre fortement le marché. Alors qu’ailleurs, l’augmentation des prix a nettement ralenti et cède souvent la place à une diminution modérée.
Ainsi, entre les métropoles les moins chères (Brest, Grand Nancy ou Rouen Normandie) avec des prix au m² de l’ordre de 2 500 € pour les appartements anciens et celle du Grand Paris, l’écart de prix reste de 1 à 3 depuis plusieurs années, en dépit d’évolutions très souvent constatées. En revanche, il se réduit sensiblement, de 1 à 1.9 si la comparaison se fait avec les métropoles de Lyon, Bordeaux et Nice : l’écart relatif s’étant réduit durant les deux dernières années, au rythme du ralentissement de la hausse des prix sur ces métropoles. Les différences de prix restent néanmoins à l’image du potentiel de développement économique des territoires et surtout des niveaux de revenus des ménages résidants, même si elles ne reflètent généralement que faiblement la qualité de vie qui y est constatée.
En ce qui concerne les prix des maisons, l’écart n’est que de 1 à 2 entre, d’une part, les métropoles de Brest, du Grand Nancy, de Lille ou de Rouen Normandie et, d’autre part, celle du Grand Paris. En outre, l’écart entre les métropoles de Bordeaux, Lyon, Marseille et Nice d’une part et celle du Grand Paris est faible, de l’ordre de 15 % seulement : et il n’a pratiquement pas évolué au cours des dernières années. Néanmoins, dans la plupart des métropoles, l’augmentation des prix des maisons a nettement ralenti, en dépit d’une préférence de la demande pour la maison individuelle toujours vive (corollaire de la perte d’attractivité de l’habitat collectif), même dans le contexte du renforcement des difficultés d’accès au crédit : car les niveaux des prix pratiqués deviennent plus difficiles à soutenir pour des acheteurs potentiels dont le pouvoir d’achat est en berne.
Des marges de négociation à des niveaux sans précédent
Sur un marché en récession, le niveau des marges de négociation augmente, au-delà des niveaux élevés constatés par le passé. En juin, il s’est établi à 6.6 % pour l’ensemble du marché (+ 60 % sur un an). Une telle situation se constate aussi bien sur le marché des appartements (+ 53 % sur un an) que sur celui des maisons (+ 68 % sur un an).
Depuis un an, les marges ont le plus progressé sur le marché des maisons de 5 pièces au plus (+ 72 % un an) : le resserrement de l’accès au crédit pénalise particulièrement les projets des candidats à la (primo) accession qui s’orientaient jusqu’à présent vers des biens jusqu’alors financièrement accessibles.
En revanche, les marges constatées sur les grandes maisons (6 pièces et plus) ont moins augmenté (+ 54 % sur un an) : ces biens devenus difficiles à revendre (prix élevés, contraintes d’apport personnel très serrées) sont maintenant moins fréquemment présentés sur le marché, face à une demande encore sur le marché et moins contrainte par le rationnement du crédit. En revanche, sur le marché des appartements, la hausse des marges est maintenant assez comparable quelle que soit la taille des logements, mis à part les studios et 1 pièce : après les fortes augmentations constatées jusqu’alors, les évolutions sont moins rapides depuis la fin du printemps (+ 54 % sur un an). Pour les plus petits appartements, les marges sont d’ailleurs à peu près stables depuis mars dernier, ne progressant que plus lentement sur un an (+ 32 %).
La demande reste donc prise en étau entre des prix élevés dans l’ancien (et encore en hausse sur de très nombreux territoires) et les exigences bancaires d’un niveau d’apport personnel élevé. Les acheteurs veulent négocier pour parvenir à un prix cohérent avec un plan de financement acceptable par la banque, alors que les vendeurs obligés de baisser les prix affichés pour finaliser plus rapidement les transactions préfèrent souvent renoncer à la vente.
Nouveau recul des achats de logements anciens
Après une année 2022 qui avait déjà enregistré une diminution des ventes à des particuliers de 9.2 %, la dégradation du marché se poursuit. L’activité enregistrée au cours du 1er semestre est ainsi de 10.6 % inférieure à celle de 2022 et de 27.2 % sous celle du 1er semestre 2019, avant la mise en oeuvre du rationnement du crédit par la Banque de France. D’ailleurs, alors qu’habituellement les ventes progressent de 8.6 % entre mai et juin, cette année elles chutent de 22.2 %.
La primo accession à la propriété dans l’ancien souffre en effet nettement des exigences d’un apport élevé imposées par le HCSF : le recul devrait ainsi être de l’ordre de 25 % sur deux ans (- 33 % par rapport à 2019), en raison principalement d’une contrainte de taux d’effort (ne pas dépasser les 35 %, dans le cas général) qui avait été définie par la Banque de France dans le contexte d’un marché en expansion et de conditions de crédit exceptionnellement avantageuses pour les emprunteurs. Mais comme depuis l’environnement du marché a été bouleversé (inflation, crise sanitaire, guerre en Ukraine, changement de stratégie de la BCE, …) sans que la règle imposée ne soit adaptée, la primo accession s’est effondrée.
Chute des ventes dans la plupart des régions
Sur un marché de l’ancien en récession, le niveau des ventes mesuré en trimestriel glissant était en recul de 21.5 % France entière (en glissement annuel). La chute d’activité reste la plus rapide en province : – 21.3 %, contre – 15.8 % en Ile de France. Mais partout, la demande s’est fortement dégradée durant le 2ème trimestre.
Comme cela se constate depuis le début de l’année, les ventes progressent néanmoins encore en Bourgogne, de 6.9 % sur un an, mais pour de faibles volumes d’activité et après une année 2022 qui avait été très mauvaise. Dans le même temps, les ventes diminuent de l’ordre de 10 % (seulement) en Champagne-Ardenne, dans le Limousin et en Lorraine : pourtant, les niveaux des prix pratiqués permettent bien souvent de répondre aux exigences d’un apport personnel élevé, mais la contraction de l’offre de crédits est devenue trop forte.
En revanche, dans d’autres régions (Auvergne, Franche Comté, Ile de France et Poitou-Charentes), l’activité recule à un rythme plus soutenu mais toujours inférieur à la moyenne nationale, de l’ordre de 15 % : donc sur des territoires très différents par le niveau des prix pratiqués ou par les clientèles rencontrées.
Ailleurs la chute du marché a été nettement plus rapide (de 20 à 25 %), lorsque la demande a surréagi à la dégradation de la conjoncture et au resserrement de l’accès au crédit, et surtout sur les territoires où le niveau des prix pratiqués est élevé au regard des budgets (hors endettement) que les candidats à un achat peuvent mobiliser.
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Les prix dans les villes
Michel Mouillart
Michel Mouillart est Professeur émérite à l’Université et FRICS (Fellow de la Royal Institution of Chartered Surveyors). Il est Docteur d’Etat en Economie et Docteur sur travaux en Economie et Financement du Logement.
L’essentiel de son action dans le secteur du logement a consisté en la réalisation d’études et de recherches sur le secteur de l’immobilier résidentiel. Il a ainsi mis en place ou contribué au développement de nombreux observatoires qui ont trouvé leur place dans le système d’informations sur le logement privé en France. Il assure la direction scientifique de ces observatoires : les crédits aux ménages (Fédération Bancaire Française) depuis 1989, les loyers du secteur locatif privé (CLAMEUR) de 1998 à 2019, la production de crédits immobiliers aux particuliers (Observatoire de la Production de Crédits Immobiliers) depuis 1999, l’accession à la propriété (Institut CSA) depuis 1999, l’Observatoire Crédit Logement/CSA depuis 2007 et l’Observatoire LPI sur les prix des logements neufs et anciens depuis 2011.
En tant que personnalité qualifiée, il a été nommé et il siège au Conseil National de l’Habitat depuis 1990. Il a ainsi été Président de nombreux groupes de travail du Conseil National de l’Habitat, dont récemment le groupe « Redynamiser l’accession à la propriété » (2023). Il avait aussi été rapporteur des « Rencontres ConstructionAménagement du Territoire » de l’Assemblée Nationale de 1989 à 2001.
Par ailleurs, et toujours en tant que personnalité qualifiée, il a été membre du Conseil National de l’Information statistique (1991-2000), de la Commission des Comptes du Logement 1992-2014) et de l’Observatoire National de la Pauvreté et de l'Exclusion Sociale (2006-2013). De même, il a été Administrateur de l’Office HLM de la ville de Nanterre (1983-2014) et de la Fédération Nationale Habitat et Développement (2008- 2015).
Depuis 2010, il est membre du Conseil de Développement du Pays de Brest, toujours en tant que personnalité qualifiée. Et depuis 2015, il est administrateur de SOLIHA-Finistère.
Auteur régulier de nombreux articles dans des revues scientifiques ou professionnelles, il a publié ou participé à la publication de nombreux ouvrages sur l’économie et le financement du logement.
Il est par ailleurs Chevalier de la Légion d’Honneur et Chevalier dans l’Ordre National du Mérite.