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L’anticipation du regret : une barrière à l’achat immobilier

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Face aux problématiques de confiance et d’incertitude, l’acheteur fait appel à ses émotions. Faciliter la transaction immobilière est un défi émotionnel. Explications de Nathalie Gardes.

photo : Young woman expressing different emotions

L’acheteur est rarement certain que son achat lui procurera le niveau d’avantages initialement escompté, qu’il achète au bon prix ou au bon moment, ou encore qu’il n’est pas en train de passer à côté d’une opportunité plus intéressante ou d’une meilleure offre, c’est-à-dire d’un bien correspondant davantage à ses besoins. En effet, l’acheteur doit choisir en situation d’informations asymétriques (le vendeur connaît mieux les qualités intrinsèques de la maison que lui), d’incertitude sur la valeur des biens (marchés hétérogènes, évaluation complexe) et de non exhaustivité du choix (l’acquéreur ne peut visiter tous les biens disponibles sur le marché). Incertain des bénéfices attendus de son achat, il se fie donc à ses émotions et intuitions pour renforcer la confiance dans sa décision. Les émotions sont ainsi un moyen de donner du sens et de la valeur aux transactions économiques.

Réduire les regrets anticipés : quels enjeux pour les professionnels ?

Dans des situations de fortes incertitudes comme celle que nous vivons aujourd’hui, le futur acquéreur peut ressentir des regrets anticipés qui ne sont autres que des émotions virtuelles (1) représentatives d’une aversion au risque et qui vont agir comme un véritable frein à l’achat. Alors que faire ?

#1 Créer des liens émotionnels positifs entre les acheteurs et les biens immobiliers

Les émotions éprouvées par les consommateurs lorsqu’ils sont exposés à un bien ou à des informations de marché sont d’une importance cruciale dans les transactions immobilières, car elles agissent comme des guides pour les décisions d’achat. Pour ce faire, il convient de respecter plusieurs principes.

a. Un bon appariement pour susciter l’enthousiasme

Un bon appariement est la clé de la satisfaction du client et surtout de son enthousiasme et excitation. Les interactions avec le client doivent donc être suffisamment intimes pour le conduire à évoquer sa situation familiale ou professionnelle, son style de vie, ses loisirs…. sans qu’il ait l’impression de passer un interrogatoire. Cette proximité relationnelle est essentielle à la compréhension des préférences et besoins du client. C’est grâce à elle que vous serez en mesure de proposer la maison qui correspond aux caractéristiques individuelles de votre acheteur, évitant par la même les émotions négatives associées à l’impression de perte de temps ou d’accroissement de l’effort de recherche.

b. Le séquençage dans la présentation de biens immobiliers pour accroître la confiance

L’ordre des choix a une incidence sur l’évaluation des biens. En mettant en évidence les avantages de certains logements par rapport à d’autres, en fournissant un maximum d’informations sur les biens et le marché dans une logique comparative, l’agent immobilier joue sur la rationalité des acheteurs, augmente sa confiance et peut agir sur ses préférences (3). Le séquençage est donc stratégique pour mettre en valeur le bien qui correspond au client.

c. Le storytelling de la visite : un moyen de renforcer l’identité des acheteurs avec le bien

Le fait de raconter l’histoire future du client dans la propriété qui lui est présentée l’aide à se projeter, renforce certains aspects de l’identité des acheteurs avec le bien et ce faisant favorise les sentiments d’excitation et d’éveil. Ces éléments favorisent la création de liens émotionnels positifs avec la maison ou l’appartement qui influencent la réflexion du client. En s’imprégnant d’une qualité affective suffisante le bien devient unique et désirable, ce qui facilite la transaction.

d. Éviter de susciter des émotions négatives

Si la rareté crée le désir, la mise en évidence de la pénurie par les agents affecte les sentiments des acheteurs à l’égard du marché. La rareté à laquelle les agents peuvent faire référence favorise clairement les sentiments de peur et d’anxiété à l’égard du marché, conduisant certes à une conclusion plus rapide des transactions mais participe au sentiment de pression.

#2 Interagir avec son client et entrer en relation

a. L’interaction peut modifier les préférences

L’approche relationnelle du marketing met également en évidence les bénéfices psychologiques de relations durables, proches, amicales. Ainsi, votre engagement relationnel et la qualité de vos interactions avec votre client va influencer ses réactions émotionnelles et ce faisant peut modifier ses préférences et la perception qu’il aura du marché. Les transactions seront donc facilitées. Il va de soi qu’une dimension importante de ce travail relationnel réside dans ses fondements affectifs : vos capacités empathiques (4).

b. L’achat de l’intimité

Zelizer (5) décrit la monétarisation de l’intimité dans laquelle les relations personnelles sont de plus en plus influencées par les forces du marché. Par exemple l’achat de cadeaux coûteux pour maintenir ou renforcer la relation. En répondant aux besoins sociaux et hédoniques de vos clients, les attentions portées au client notamment lors de la signature et même après (de la bouteille de champagne au flux et à l’intensité relationnelle) sont de nature à renforcer vos relations et pourraient jouer sur les regrets post achats. L’intérêt réside dans la satisfaction à long terme de votre client et le potentiel de recommandation qui en découle.

On retiendra

Pour réduire les regrets anticipés, l’agent immobilier doit créer un lien émotionnel entre le bien et l’acheteur. Mais il doit également prendre la mesure du rôle des échanges interpersonnels et de l’intensité relationnelle. L’achat d’un bien immobilier peut être influencé par de nombreux facteurs et notamment les interactions que l’agent immobilier aura impulsées. Les échanges interpersonnels Les échanges interpersonnels influençent la façon dont les acheteurs évaluent les biens et l’agent immobilier peut ainsi réduire les regrets anticipés et faciliter la transaction immobilière.

 

1 Frijda, N. H. (2004, April). Emotions and action. In Feelings and emotions: The Amsterdam symposium (pp. 158-173).
2 Besbris, M. (2016). Romancing the home: Emotions and the interactional creation of demand in the housing market. Socio-Economic Review, 14(3), 461-482.
3 Zelizer, V. A. (2012). How I became a relational economic sociologist and what does that mean?. Politics & Society, 40(2), 145-174.
Rivera, L. A. (2012). Hiring as cultural matching: The case of elite professional service firms. American sociological review, 77(6), 999-1022.
4 Bandelj, N. (2012). Relational work and economic sociology. Politics & Society, 40(2), 175-201.
5 Ibid 3

Nathalie Gardes

Nathalie Gardes est Enseignante chercheuse à l’Université de Bordeaux, elle est titulaire d’un doctorat et d’une habilitation à diriger des recherches.
Elle publie dans différentes revues scientifiques en marketing stratégique.

Responsable de la licence professionnelle métiers de l’immobilier option transaction et commercialisation de biens immobiliers à l’IUT de Bordeaux, elle dispense des cours en stratégie et marketing immobilier.
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