Élue ministre de la Transition énergétique en mai 2022, Agnès Pannier-Runacher entend installer une dynamique de rénovation dans le secteur du logement.
Quelle place occupe le logement dans votre Ministère ?
Le logement représente l’un des tous premiers postes de consommation d’énergie et d’émissions de CO2 de notre pays. Il est donc au cœur de ma feuille de route, d’autant que ce sont dans les logements que la sobriété a le plus d’impact. Cette transition doit toutefois se faire avec une attention particulière pour la justice sociale. Les passoires thermiques occupées par des ménages modestes doivent ainsi être prioritaires pour les rénovations. Pour cela, je travaille avec mes collègues Christophe Béchu et Olivier Klein à massifier l’offre de logements efficaces sur le plan énergétique.
Cela passe, en particulier, par deux grands chantiers. D’abord, la rénovation énergétique des logements existants, avec près de 5 milliards d’euros mobilisés en 2022 pour financer des travaux de rénovation énergétique. Ensuite, l’application de critères environnementaux exigeants pour les logements neufs, afin que plus de logements économes sur le plan énergétique soient accessibles au sein de notre parc immobilier.
Pouvez-vous dresser un état des lieux du nombre de passoires thermiques en France ? Combien ont déjà fait l’objet de rénovations ?
Sur les 30 millions de résidences principales, environ 5 millions sont catégorisées comme des « passoires thermiques ». C’est 5 millions de trop, qui engendrent des surcoûts sur les factures. C’est la raison pour laquelle la loi fixe l’objectif de 100 % du parc immobilier rénové niveau « bâtiment basse consommation » d’ici 2050. Afin d’inciter les propriétaires à faire les travaux de rénovation sur ces biens, la loi Climat et Résilience a prévu une interdiction locative progressive en fonction du classement du logement au titre du diagnostic de performance énergétique (DPE).
En 2025, il ne sera plus possible de mettre en location un logement classé G, et en 2028 un logement classé F. Cela doit inciter à une véritable mobilisation sur ces passoires thermiques. Et nous en voyons les premiers résultats : en 2022, 40 % des rénovations globales de logements ont été effectuées sur des passoires thermiques. Nous devons poursuivre cet effort.
Selon la FNAIM, 500 000 logements énergivores sont susceptibles de quitter le marché locatif d’ici à six ans. Comment compenser cette perte ?
Le critère énergétique de « décence » pour les logements loués entrera en vigueur de manière progressive, entre 2025 et 2028. Pour que cela soit possible, nous avons mis en place plusieurs dispositifs d’accompagnement pour éviter la perte que vous évoquez. Afin d’être guidés dans les travaux à réaliser, les propriétaires de passoires thermiques peuvent faire appel à un professionnel pour la réalisation d’un audit énergétique. Quelle que soit leur situation, des aides existent pour rénover leurs logements, qu’elles soient financières (MaPrimeRénov’, certificats d’économie d’énergie…), fiscales (le déficit foncier a été doublé pour trois années pour les travaux de rénovation énergétique des logements classés G, F ou E) ou bancaires (l’éco-PTZ).
Il s’agit de limiter le réchauffement climatique, mais pas seulement. La résorption des passoires thermiques est aussi un enjeu de pouvoir d’achat : rénover, c’est mettre fin à des factures énergétiques élevées pour les propriétaires et les locataires.
Selon Heero, la moitié des communes n’ont pas d’artisans RGE domiciliés. Comment articuler cette réalité avec votre désir d’aller vite ?
Aujourd’hui, plus de 60 000 entreprises sont titulaires du label RGE. En 2018, le gouvernement a engagé une réforme du label qui a permis de renforcer le contrôle et la qualité des chantiers. Nous avons poursuivi ce travail avec, à compter de 2020, le lancement de travaux structurants comme l’expérimentation « RGE chantier par chantier », afin de faciliter l’accès aux travaux aidés.
Aujourd’hui, notre objectif est de rendre le RGE plus attractif, de le simplifier là où il peut l’être, tout en continuant à lutter contre la fraude. Le gouvernement est donc très vigilant quant à la complexité du dispositif. Des réflexions avec la filière sont en cours pour en simplifier le volet administratif. Dans le même temps, des mesures visant à améliorer la qualité technique des travaux sont également envisagées car il est important de préserver et de consolider le cœur des exigences techniques liées au RGE.
Les primo-accédants sont absents du marché. Pourtant, l’immobilier d’habitation est fondé pour 60 % sur la primo-accession, selon SeLoger. Comment relancer ce marché ?
Nous déployons diverses solutions afin d’accompagner et de soutenir les primo-accédants. Et cela fonctionne : les derniers chiffres font état de 50 % de primo-accédants parmi les bénéficiaires de crédits à l’habitat pour l’acquisition d’une résidence principale en janvier 2023. Le principal outil dont bénéficient les primo-accédants, en particulier les plus modestes, est le dispositif Prêt à Taux Zéro (PTZ) qui est soutenu financièrement par l’État. Ce dispositif peut aussi être mobilisé pour la rénovation énergétique, en le cumulant avec les différentes aides MaPrimeRenov’.
En plus de ce dispositif, le bail réel solidaire ainsi que le prêt social à la location-accession complètent l’arsenal qui doit permettre de soutenir la capacité des Français à primo-accéder.
Enfin, le prêt « avance rénovation » qui a commencé à être distribué l’année passée par certaines banques et qui est ouvert à l’ensemble des ménages modestes, peut être une solution pour ceux qui ont des difficultés à obtenir un prêt bancaire classique ou à taux zéro.
En zones rurales, les maisons individuelles sont majoritairement classées F ou G. Or, les travaux de rénovation énergétique peuvent représenter au moins un quart du prix de vente de ces biens. Comment accompagner ces propriétaires ?
En effet, même si les aides sont nombreuses, le « ticket d’entrée » peut être élevé et décourager nos concitoyens. C’est pourquoi, en matière de rénovation, je souhaite que l’on travaille à avoir un reste-à-charge des travaux le plus faible possible, en particulier pour les ménages aux revenus modestes. C’est le travail que nous menons avec MaPrimeRenov’ et les différentes aides.
Ainsi, sur 35 000 euros de travaux par exemple, l’aide de l’ANAH peut aller jusqu’à 17 500 euros et peut se cumuler avec un bonus de 1 500 euros en cas de sortie de passoire, un bonus de 1 500 euros en cas d’atteinte du niveau bâtiment basse consommation (BBC), ainsi que des primes offertes grâce aux certificats d’économie d’énergie (CEE). Ces aides peuvent se coupler avec celles offertes par les collectivités locales ainsi qu’aux dispositifs bancaires que j’évoquais plus tôt. Nous pouvons toutefois aller plus loin.
Vous avez annoncé vouloir investir 6 milliards d’euros dans les certificats d’économies d’énergie afin, notamment, d’agir sur les copropriétés. En quoi consistent-ils ?
Le dispositif des CEE, qui existe depuis 2005, est une obligation de réalisation d’économies d’énergie imposée par les pouvoirs publics aux fournisseurs d’énergie. Ceux-ci sont incités à promouvoir activement l’efficacité énergétique auprès des ménages, des collectivités territoriales ou des professionnels. Les CEE sont attribués, sous certaines conditions, par les services du ministère chargé de l’énergie. Tous les secteurs sont concernés : résidentiel, tertiaire, agricole…
Chaque année, nous y consacrons 4 à 6 milliards d’euros.
Aujourd’hui, les rénovations thermiques des bâtiments représentent environ 80 % des opérations de CEE. J’ai décidé de la mise en place d’un dispositif ciblé vers les rénovations collectives, dans le cadre du « Coup de pouce rénovation performante de bâtiment résidentiel collectif » et du « Coup de pouce chauffage des bâtiments résidentiels collectifs et tertiaires ». Ce dernier permet d’obtenir jusqu’à 50 000 euros de prime pour le raccordement d’un bâtiment à un réseau de chaleur.
Comment les copropriétés seront-elles accompagnées ?
Grâce au dispositif MaPrimeRénov’ Copropriété, nous finançons les travaux effectués sur les parties communes de copropriété ainsi que les travaux sur les parties privatives déclarées d’intérêt collectif. Pour accroître le rythme de rénovation, nous avons réévalué, le 1er janvier 2023, l’aide offerte par ce dispositif. Le montant de la dépense éligible a été augmenté de 15 000 à 25 000 euros par logement. Chaque copropriétaire, sans condition de ressources, reçoit une aide correspondant à 25 % de sa quote-part des travaux.
Des primes individuelles pour les ménages très modestes et modestes, respectivement de 3 000 et 1 500 euros, viennent compléter. Un éco-prêt collectif peut également être mobilisé pour financer à taux zéro les restes à charge des copropriétaires qui en ont besoin. Enfin, pour anticiper ces travaux dans les copropriétés de plus de 15 ans, un projet de plan pluriannuel de travaux (PPT) doit dorénavant être élaboré. Il vise à garantir l’entretien des parties collectives et des équipements communs ainsi que l’amélioration de l’efficacité énergétique.
Aurélie Tachot est une journaliste spécialisée dans l'immobilier, qu'elle aime aborder sous le prisme des innovations, notamment technologiques. Après avoir été rédactrice en chef de plusieurs médias spécialisés, elle collabore avec Le Journal de l'Agence afin de rédiger des articles d'actualité sur les acteurs qui font l'immobilier d'aujourd'hui et qui feront celui de demain.