Nathalie Garcin recoit le Journal de l’Agence pour une interview exclusive.
Pénétrer le bureau de Nathalie Garcin lové dans le Triangle d’or parisien s’apparente à un délicieux voyage au cœur d’une galerie d’art hétéroclite. Livres, peintures contemporaines, objets chinés aux Puces de Saint-Ouen vous accueillent. « Ce lieu fait écho à une multitude de souvenirs personnels », confie, majestueuse, la présidente d’Émile Garcin Propriétés.
Mais il ne faudrait pas s’y méprendre : en dépit de ce somptueux décorum, Nathalie Garcin sait mettre à l’aise ses convives. « Aller à la rencontre de l’autre a toujours été mon moteur », formule-t-elle. Jeune, elle hérite des valeurs de son père – diplômé d’architecture, Émile Garcin fût le premier, en 1963, à ouvrir une agence dédiée au résidentiel haut-de-gamme dans la région de Saint-Rémy-de-Provence – et de sa mère antiquaire.
« Leur humanisme, respect, et bienveillance m’ont profondément imprégnée tout au long de ma vie. » De cette jeunesse évanouie, Nathalie Garcin fait part de sa madeleine de Proust. « Quand ils recevaient leurs amis antiquaires et artistes tels que Jean-Claude Brialy ou Thierry Le Luron à dîner, je me cachais dans l’escalier de notre mas provençal pour écouter leurs conversations. »
Rejoindre Paris
À 18 ans, la Provence – tout comme le résidentiel haut-de-gamme – ne fait pourtant pas battre le cœur de Nathalie Garcin. « Je décide de rejoindre Paris, une ville que je n’ai jamais quittée depuis 40 ans, car j’en suis profondément amoureuse. » À la fin des années 80, après un septennat dans l’univers de la publicité, elle rêve d’embrasser une carrière… d’agent immobilier. Son père lui apporte sa bénédiction, mais elle décide de faire ses armes dans une agence parisienne. « Je réalise ma première vente rue des Saints-Pères – un appartement de 80 m2 pour 3 millions de francs – avec un client qui me sera fidèle pendant trois décennies. » 365 jours plus tard, elle convainc son père de planter un premier drapeau Émile Garcin à Paris, au 18 rue de l’Université.
« Une époque dont je garde un souvenir merveilleux car il fallait nous faire connaître, travailler notre réputation et se constituer un carnet d’adresses », se remémore-t-elle. D’autant plus qu’au début des années 90, le résidentiel de prestige était principalement l’apanage du genre masculin. « Il fallait être encore plus performant qu’un homme, mais fort heureusement les choses ont évolué. » Au fil des années, Nathalie Garcin, de par son charisme et son leadership naturel, remporte l’adhésion de ses clients et collaborateurs. « La famille, la fidélité et la confiance ont toujours été mes valeurs cardinales dans le business comme dans l’intimité. »
Des lieux extraordinaires qu’elle a accompagnés à la vente, elle retient la maison Kenzo à Bastille, l’atelier de Bernard Buffet à Montmartre et l’hôtel Lambert sur l’île Saint-Louis.
Ne pas céder aux sirènes de la franchise
60 ans plus tard, après la première agence de Saint-Rémy-de-Provence, Émile Garcin Propriétés dénombre 25 agences et 150 collaborateurs. Mais comme ses confrères, le groupe familial fait face à une pénurie de talents. « Il n’est pas chose aisée de trouver un profil qui n’aura pas peur de travailler de 8h à 21h. Notre métier de négociateur requiert de l’empathie, de la psychologie, de la patience, de l’écoute et surtout beaucoup de curiosité. »
Pour Nathalie Garcin – comme ses deux frères présents à ses côtés –, il n’a jamais été question de céder aux sirènes de la franchise. « Nous ne voulons pas perdre notre âme, clame-t-elle. Nous faisons figure, sur le segment de l’immobilier de luxe en France, du seul groupe développé en propre. » Lever le rideau à Londres ou à New-York ? « Bien sûr, mais nous prendrons le temps nécessaire pour réaliser ce rêve », répond Nathalie Garcin. À Paris, ville la plus recherchée par les grandes fortunes où elle projette d’ouvrir de nouvelles adresses, ce début d’année démarre « très bien », en dépit de la pénurie de biens d’exception à vendre.
« Même si les Américains sont enfin de retour, notre clientèle est principalement française, elle cible, depuis trois ans, des biens d’exception dans les 10e et 11e arrondissements de la capitale. »
Au nom du père
Dans le bureau de Nathalie Garcin rue Boccador, son père, parti rejoindre une autre maison – le ciel – au cœur de l’été dernier, est encore (très) présent à l’instar de son livre « La maison inachevée » et de la sculpture d’un oiseau en plâtre réalisée par ses soins. Sa fille, qui apprécie de se retirer sur l’île de Bréhat l’été, réfléchit-elle à sa succession ? « J’aimerais que cette aventure entrepreneuriale lancée par mon père se poursuive en famille, mais ce n’est pas une obligation, confesse-t-elle.
En aucun cas, je ne forcerai mes enfants à prendre ma succession. » Celle qui veille désormais sur les 25 joyaux de la couronne de la famille Garcin, nous cite, avant de nous quitter, une citation issue de « La maison Mélancolie » de François Nourissier : « Les maisons sont de formidables cachettes où entreposer la vie ».