Nouveaux critères de recherches, simplification de son actionnariat, accélération sur la 3D… Cyril Janin, président de Bien’ici, dévoile la road map du portail d’annonces.
Quelles sont les attentes de vos clients dans ce contexte de marché tendu ?
Ces deux dernières années, la préoccupation des agents immobiliers était de rentrer des mandats. Les services d’estimation de biens avaient donc le vent en poupe. Maintenant que le marché s’est retourné et que la durée de vente des biens s’allonge, leur préoccupation est également de trouver des acquéreurs. Mais pas n’importe lesquels : des acquéreurs solvables. Nos commerciaux de terrain nous remontent que certaines agences immobilières n’ont rien vendu depuis deux à trois mois. Leur tentation d’essayer de nouveaux portails d’annonces est donc forte : elles veulent mettre toutes les chances de leur côté pour trouver les potentiels acquéreurs et concrétiser des ventes. En décembre, nous avons ainsi signé avec 304 nouvelles agences, ce qui constitue un record depuis notre lancement.
Quelle est la force de votre « forfait agence » ?
Son prix, qui est compétitif. Là où nos concurrents imposent des offres couplées regroupant l’ensemble de leurs marques, nous proposons une offre lisible à 249 euros par mois, qui comprend la diffusion de 100 annonces. Même pour un agent immobilier qui rencontrerait des difficultés sur le terrain, le retour sur investissement de Bien’ici est donc rapide et la prise de risque limitée. Depuis le début de l’année, étant donné que le recrutement fait partie des plus gros enjeux business des professionnels, nous incluons également dans cette offre la possibilité de publier une offre d’emploi sur le site de notre partenaire Recrutimmo et au sein de la page agence de Bien’ici. Grâce à cette visibilité, les agents multiplient par 3 les opportunités de recruter un collaborateur qualifié.
Comment aidez-vous les professionnels à capter des mandats ?
Pour les aider dans la captation de mandats, nous avons lancé, en janvier, une carte de prospection intégrant, en temps réel, les estimations réalisées par les particuliers sur des biens. Cet outil permet aux professionnels de récupérer des leads vendeurs particulièrement qualifiés. Ces prochains mois, nous accélérerons sur ce sujet, en lançant de nouveaux services qui aideront nos clients à générer davantage de business. Nous nous intéresserons par exemple aux outils qui pourraient permettre aux agents immobiliers de proposer des biens à rénover aux promoteurs intéressés par le terrain. Quoi qu’il en soit, nous ne voulons pas marcher sur les plates-bandes de nos clients, qui ont souvent des services intégrés en matière de courtage, de diagnostic, d’assurances… À l’heure de la digitalisation à tout va, avec des risques « d’Ubérisation » croissants, nous sommes un vrai tiers de confiance pour les professionnels. Nous savons rester à notre place et nous ne ferons pas le métier de nos clients.
Qui sont aujourd’hui vos clients ?
Bien’ici est né d’une coalition entre une quarantaine d’acteurs du monde de l’immobilier. Il a donc été créé et porté par des grands réseaux immobiliers (Laforêt, Orpi, Century 21…) ainsi que des syndicats professionnels (la Fnaim, l’UNIS…). En toute logique, il y a sept ans, au moment de son lancement, la totalité de nos clients parmi les agences venaient de ces réseaux. Aujourd’hui, elles ne représentent qu’un tiers de notre clientèle, les deux tiers restants étant des agences immobilières indépendantes. Au fil des années, la clientèle de Bien’ici se rapproche donc de la réalité du marché immobilier. Aujourd’hui, Bien’ici occupe la 3e place des portails immobiliers et dénombre 12 600 clients. Il est par ailleurs le 1er portail recommandé à plus de 95 % par les agents à leurs confrères.
La singularité de Bien’ici, c’est sa cartographie. Les agents immobiliers géolocalisent-ils vraiment leurs biens ?
Depuis son lancement, Bien’ici traite cette géolocalisation non pas à l’adresse exacte mais avec un cercle de 250 mètres autour du bien en zone urbaine et de 2,5 km en zone rurale. Nous laissons toutefois aux agents immobiliers le soin de modifier légèrement ce point de géolocalisation, en leur imposant des règles. Résultat : aujourd’hui, toutes nos annonces sont géolocalisées. La montée en puissance du mandat de recherche exclusif combinée à la tension actuelle du marché immobilier vont dans le sens de cette géolocalisation. Par ailleurs, le mode de recherche que nous avons soutenu – passer d’une carte à une liste de recherche – est désormais une habitude chez les internautes. Entre décembre 2022 et janvier 2023, notre volume d’annonces a ainsi augmenté de 4 %.
En juin 2022, Bien’ici a racheté Habiteo, champion français des technologies 3D dédiées à l’immobilier neuf. La projection 3D concernera-t-elle bientôt l’immobilier ancien ?
Oui, c’est notre volonté. Habiteo a déjà réalisé plusieurs centaines de projections 3D de programmes immobiliers neufs qui sont maintenant revendus ou reloués par leurs propriétaires. Nous allons commencer par récupérer les modélisations 3D de ces biens afin de les remettre aux agents immobiliers qui récupèreront les mandats. Cette projection 3D, qui concerne également des immeubles entiers, pourrait également intéresser les syndics de copropriété, qui pourront s’appuyer sur des images précises pour résoudre des problèmes en assemblée générale, par exemple. Toutefois, pour modéliser des biens anciens en 3D, cela suppose que nous récupérions leurs plans 2D en bonne qualité. Or, aujourd’hui, seuls 2 % de nos annonces en disposent.
L’usage pourrait-il se développer ?
La projection 3D est moins nécessaire que dans l’ancien, lorsque les acquéreurs achètent en VEFA par exemple. Cependant, elle va dans le sens de l’histoire. Dans sa dernière keynote, Google annonçait d’ailleurs vouloir accélérer sur ce sujet, preuve qu’il a beaucoup de potentiel. Dans le neuf, les annonces faisant l’objet d’une modélisation en 3D génèrent deux fois plus de contacts que celles qui n’en ont pas. On peut donc imaginer que dans l’ancien, cette technologie servira également la visibilité des biens. Pour l’instant, les agents immobiliers n’entrevoient pas l’utilité de nous fournir le plan 2D, même s’ils l’ont par le biais des diagnostiqueurs. À nous de les convaincre et d’illustrer la signature de notre dernière campagne de communication : « Projetez-vous. Vraiment. »
Quelle est votre road map pour 2023 ?
D’ici le mois d’avril, nous enrichirons notre moteur de recherches avec de nouveaux critères. En 2022, nous avons réalisé une enquête avec Opsio sur une base d’internautes intentionnistes qui indiquait que les trois critères de recherche les plus importants des Français étaient la localisation, le prix et la classe du DPE. Pour 16 % des répondants, le DPE était même le critère n°1. Or, aujourd’hui, cette information n’est présente qu’au sein de nos annonces, et non dès l’étape de la recherche.
De nouveaux actionnaires rejoindront-ils le capital de Bien’ici ?
Réaliser une nouvelle levée de fonds n’est pas un objectif prioritaire. Cependant, depuis notre précédent tour de table en février 2021 au cours duquel nous avions levé 23 millions d’euros, nous recevons beaucoup de demandes de professionnels souhaitant intégrer notre capital, qui est actuellement réparti entre 32 actionnaires. D’ici la fin du premier semestre de l’année, nous allons simplifier l’organisation de notre actionnariat, notamment sur le volet statutaire. Quoi qu’il en soit, notre objectif ne sera pas de verser des dividendes à nos actionnaires mais plutôt de réinvestir l’argent gagné dans le développement de nouveaux outils afin de servir leur efficacité.
Quelles sont les perspectives de développement du portail ?
Au fil des années, Bien’ici – qui était jusqu’ici considéré comme un challenger – gagne de plus en plus de parts de marché. Seuls 6 000 clients nous séparent du portail numéro 2. Sur plusieurs critères comme le nombre de pages vues ainsi que le temps de navigation, nous l’avons même surpassé, d’après SimilarWeb. Cette année, nous avons un objectif de croissance de 52 % qui sera atteint d’une part grâce à nos nouvelles offres, d’autre part par notre logique de conquête. Pour la première fois depuis son lancement, Bien’ici devrait donc dégager des bénéfices en 2023. Son potentiel de développement est encore immen-
se : ces prochaines années, notre champ d’action pourrait s’élargir à des secteurs connexes comme ceux des bureaux et commerces, de la location saisonnière, du luxe…
Aurélie Tachot est une journaliste spécialisée dans l'immobilier, qu'elle aime aborder sous le prisme des innovations, notamment technologiques. Après avoir été rédactrice en chef de plusieurs médias spécialisés, elle collabore avec Le Journal de l'Agence afin de rédiger des articles d'actualité sur les acteurs qui font l'immobilier d'aujourd'hui et qui feront celui de demain.