Pour redonner à la primo-accession sa vigueur, le Club des Penseurs a cherché des solutions innovantes autour d’une réflexion collective . Il en ressort des actions fortes et pour certaines originales afin d’encourager la primo-accession.
On ignore souvent que le marché de l’immobilier d’habitation, neuf comme existant, est fondé pour 60% sur la primo-accession à la propriété. Pourtant, la machine se bloque face à une multiplication de facteurs qui pénalisent ce premier pas dans le parcours résidentiel des futurs propriétaires. Relancer la machine de la primo-accession est une priorité absolue à laquelle le Club des Penseurs a cherché des solutions autour d’une réflexion collective lors d’un 4ème débat.
Pour lancer ce débat, Xavier Lépine, Président de l’Institut de l’Epargne Immobilière et Foncière rappelle que “ L’argent gratuit c’est terminé, c’est la fin d’un cycle de 40 ans” avant d’ajouter “La France est dans une situation délicate en ayant connu la plus importante augmentation des valeurs de l’immobilier résidentiel par rapport à ses principaux voisins européens. Elle connaît une situation de déconnection presque totale entre l’évolution de ses valeurs d’usage (loyers) et d’échange (prix).”
Rappelons que les politiques du logement successives ont toujours fait de la primo-accession un acte clé en la favorisant avec plus ou moins de moyens publics selon les époques. Le débat sur la sécurisation des retraites rappelle que la propriété de son logement au moment de la cessation d’activité dote d’une indépendance financière salutaire; elle n’est possible que si le chemin qui mène à la propriété a commencé de façon précoce, permettant ensuite de progresser grâce à la revente et à ce qu’il est convenu d’appeler le recyclage du prix d’une cession dans une acquisition suivante. Pourtant, la machine de la primo-accession semble bloquée aujourd’hui.
Pourquoi rien ne va plus pour la primo-accession
La proportion de primo-accessions dans les ventes de logements neufs et anciens s’effondre, atteignant dangereusement la moitié de ce qu’elle constituait – de l’ordre de 30% aujourd’hui. On sait aussi que l’offre locative ne suffira pas à répondre aux besoins de ces jeunes…ou moins jeunes: en France, l’âge moyen du premier achat est de 36 ans, et ne fait que reculer. Il reste que les deux tiers des primo-accédants ont moins de 35 ans, et que la primo-accession tardive n’est pas légion.
L’accès aisé à des crédits à taux très bas a favorisé la hausse des prix et d’une certaine manière en est largement responsable. D’autres raisons sont identifiées, tel le malthusianisme de la construction résidentielle, avec un abondement annuel du parc de 0,8% pour des besoins supplémentaires de 1,1%. Les tensions qui s’ensuivent ont creusé un fossé entre le prix des logements et la capacité contributive des ménages: l’évolution entre les prix et le revenu disponible a été de 70% en France entre 2000 et 2020, contre 30% en Allemagne, 50% en Espagne ou 15% aux Pays-Bas. De profondes disparités territoriales caractérisent notre marché, mais la cherté croissante touche presque tout le pays. Depuis quatre ans, l’indice de solvabilité des ménages se dégrade. Il faudrait aux Français des hausses de salaire de l’ordre de 30% pour leur permettre en 2023 d’acquérir les mêmes biens qu’en 2018 et presque 70% pour passer de 50 à 70 M2 (arrivée d’un enfant) !
Pour redonner à la primo-accession sa vigueur, les Penseurs du Club AVIV SeLoger ont réfléchi ensemble à des actions fortes et pour certaines originales.
Des pistes pour remédier à des prix trop élevés par rapport aux revenus
Le principal frein à la première acquisition a été identifié : le prix élevé des logements rapporté aux revenus, singulièrement aux salaires de début de carrière, et le prix des opérations, prenant en compte les frais qui y sont associés.
Plusieurs mesures sont préconisées :
Les formules de démembrement : dans l’espace (qui scindent le terrain et le bâti, permettant un achat du second et une location de long terme à un opérateur propriétaire du foncier) ou dans le temps (cession temporaire d’usufruit sur 50 ans). Le bail réel solidaire, qui n’a qu’un succès d’estime, doit se développer. On peut également imaginer le même mécanisme pour l’accession libre, avec des sociétés foncières détentrices des terrains: le rapport du député de la précédente législature Jean-Luc Lagleize en avait fait naître l’idée, ou l’expérience réussie menée dans les Hauts de France par La Française en 2018.
Le blocage du prix des terrains constructibles : cette solution semblait inconcevable aux professionnels, attachés à la régulation par le marché… Ils se rendent aujourd’hui largement à l’évidence qu’à défaut de politiques foncières ayant conduit à libérer du foncier en quantité la pression exercée sur les prix mène à des niveaux de valorisation insupportables. Ils sont à l’origine des augmentations tendancielles de 5 et 6% par an depuis plusieurs années, qui éloignent les primo-accédants du neuf. Le neuf présente pourtant des vertus environnementales précieuses pour les acquéreurs qui auront du mal à dégager une enveloppe au-delà du prix du bien pour en redresser les performances énergétiques. Les banques vont jusqu’à ne pas financer pour ces jeunes acheteurs des biens mal classés dans l’échelle du DPE.
L’effort des communes : les expériences de vente de terrains publics pour une somme symbolique à des accédants sous conditions de ressources doivent être favorisées. Elles permettent de ne pas laisser en jachère des emprises non utilisées et de créer pour la commune des richesses fiscales en dynamisant leur démographie. Une autre disposition pourrait devenir impérative par la loi, l’interdiction de vente par adjudication des terrains publics des collectivités locales, qui enchérissent les prix. La loi Duflot sur la décote foncière devrait à l’inverse inspirer la politique des communes, qui ont là un levier pour faciliter la construction à des prix abordables sur des terrains cédés à prix inférieurs au marché sous condition de projets intermédiaires ou sociaux.
TVA, droits de mutation… les autres leviers à étudier pour la cause de la primo-accession
D’autres pistes plus ou moins inédites ont été évoquées telles que :
La baisse de la TVA : un taux réduit pour les primo-accédants, par exemple à 15% au lieu de 20%, les resolvabiliserait puissamment.
La baisse des droits de mutation à titre onéreux : réduits pour le neuf, ils atteignent chez nous des niveaux records entre tous les pays de l’OCDE, de l’ordre de 8,5% du prix du bien. Désormais non financés par les banques -ce qui est économiquement plus sain-, ils empêchent purement et simplement des opérations de primo-accession de se réaliser, les ménages ne disposant pas de l’épargne suffisante, s’ajoutant aux exigences d’apport personnel des prêteurs. Une voie consisterait à éco-conditionner ces droits: les primo-accédants bénéficieraient ainsi de taux réduits à condition de s’engager à réaliser dans les deux ans suivant l’achat des travaux de rénovation énergétique globaux. On pourrait aussi permettre un acquittement in fine des droits, reporté pour tout ou partie à la première cession du bien.
Abonder l’offre de logements
Enfin, abonder l’offre de logements pourrait se faire en permettant à des seniors de céder leur logement devenu trop grand et qu’ils soient exonérés de droits de mutation.
L’achat en bloc d’immeubles HLM par des investisseurs institutionnels pour les revendre à la découpe à des prix accessibles, avec la difficulté de convaincre les organismes de logement social de se défaire d’une partie de leur patrimoine.
L’opération vérité sur les actifs résidentiels des investisseurs institutionnels: l’État devrait désigner des experts indépendants pour estimer la valeur des patrimoines d’habitation de ces grands propriétaires -qui choisissent aujourd’hui leurs experts- en sorte d’acter une correction à la baisse généralisée de ces actifs de référence, alors que les valorisations restent anormalement élevées de façon faciale, soutenant tout le marché, même en période de dépression économique.
Agir sur le crédit en le faisant évoluer pour mieux répondre aux enjeux de la primo-accession
C’est également le crédit et ses mécanismes qui exigent une adaptation à la primo-accession. Diverses évolutions sont à envisager pour générer un impact réel :
Assouplir les critères prudentiels: à ce jour, les critères du Haut conseil de stabilité financière desservent les primo-accédants, en limitant à 25 ans -voire 27 dans le cas d’achat d’un logement neuf- la durée du crédit, et à 35% le taux d’effort, ce qui revient à exiger un apport personnel conséquent, rarement à la mesure des jeunes ménages. Si plusieurs aménagements seraient possibles, celui qui consisterait à exclure l’assurance emprunteur du calcul du taux d’effort est suggéré par priorité.
Mobiliser le FGAS (fonds de garantie pour l’accession sociale) ou les ressources d’Action Logement pour garantir les prêts accordés à des primo-accédants ne disposant pas de statuts les rendant éligibles au crédit, tels les CDD ou l’intérim.
Restaurer la déductibilité des intérêts d’emprunt pour les primo-accédants, qui peut prendre la forme d’un crédit d’impôt, notamment pour les ménages non imposables.
Permettre la portabilité et la transférabilité des crédits.
Inciter les banques à distribuer des prêts avance rénovation, fondés sur le principe d’accorder une capacité d’emprunt par prise d’hypothèque sur le bien détenu pour réaliser des travaux de mise aux normes énergétiques, cette enveloppe étant remboursable lors de la cession du bien. Cette formule faciliterait l’achat de biens à rénover, qui pourraient faire l’objet de travaux réalisés par les ménages eux-mêmes.
Reconfigurer et pérenniser le prêt à taux zéro, pour l’ouvrir à des achats de logements existants mis à des normes de performance énergétique suffisantes et sans quotité rapportée au prix du bien.
Enfin, des aides financières publiques et privées doivent être mobilisées. Les conséquences de la suppression de l’APL accession au début de la précédente législature, pour un gain budgétaire réduit, a porté préjudice à la primo-accession des ménages à faibles revenus. Le groupe des Penseurs appelle de ses vœux le rétablissement de cette aide, dans la période de fragilisation des ménages dans laquelle le pays est entré.
Autre volet à actionner : mobiliser les entreprises dans l’accompagnement de leurs salariés
Il serait également opportun d’inciter les entreprises à accompagner les projets de primo-accession de leurs salariés, par exemple, en allégeant les charges sociales sur les salaires des collaborateurs aidés. Les aides apportées par les entreprises pourraient prendre des formes multiples, comme la prise en charge d’une partie des intérêts des prêts souscrits par leurs salariés (système des prêts conventionnés où l’entreprise prend en charge une partie des intérêts) ou encore des enveloppes financières à taux zéro pour constituer l’apport personnel.
L’État ne peut plus différer de soigner la primo-accession. Elle reste pour les Français, les jeunes surtout, un objectif structurant de la vie. Les obstacles qui la compliquent ou l’empêchent doivent être abaissés, par des décisions publiques innovantes et puissantes, et par la mobilisation de tous les acteurs, professionnels immobiliers, établissements prêteurs et entreprises.
C’est bloqué à cause de l’interventionnisme de l’Etat et vous voulez que cela continue : ainsi l’immobilier n’a pas chuté comme il aurait dû après la crise des subprimes. Pour une fois, laissons les choses se faire.
Par Fifi, il y a 2 années
C’est bloqué à cause de l’interventionnisme de l’Etat et vous voulez que cela continue : ainsi l’immobilier n’a pas chuté comme il aurait dû après la crise des subprimes. Pour une fois, laissons les choses se faire.