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« Logements énergivores : tour d’horizon des mesures contraignantes pour les propriétaires », Me Cyril SABATIE Avocat spécialiste en droit immobilier
Depuis la loi dite Climat et Résilience du 22 août 2021 les commentaires en tous genres vont bon train sur la situation des logements qualifiés de « passoires thermiques » et sur leur situation juridique, tant sur le plan de leur commercialisation que de leur location. Le point sur la réglementation déjà applicable et celles à venir avec Maitre Cyril Sabatié, avocat spécialiste en droit immobilier.
Le DPE (diagnostic de performance énergétique) récemment réformé en sa méthode, et avec lui l’audit énergétique, constituent notamment les clés de voute de cette réglementation contraignante dans un contexte écologique de plus en plus prégnant dans l’immobilier.
Avant le 1er juillet 2021, les DPE étaient fournis à titre informatif. Depuis le 1er juillet 2021, les nouveaux DPE sont devenus opposables. Désormais, en cas d’information erronée, la responsabilité du vendeur ou du bailleur peut être recherchée par l’acquéreur ou par le locataire. Cette opposabilité ne s’applique toutefois pas pour les anciens DPE encore valides et concernant les recommandations de travaux, qui ne sont données qu’à titre informatif.
Interdiction de faire évoluer les loyers des logements énergivores
Première mesure de la loi Climat, depuis le 25 août dernier, il n’est plus possible d’augmenter les loyers des logements les plus énergivores, c’est-à-dire ceux classés F et G par le DPE nouvelle formule. Selon l’Observatoire national de la rénovation énergétique, 17 % des logements français seraient aujourd’hui concernés par cette interdiction.
Cette mesure s’applique aux biens loués meublés comme vides, dans le cadre de la loi du 6 juillet 1989. Ce gel des loyers concerne tous les nouveaux baux signés, de même que les contrats en cours ou renouvelés tacitement. Les bailleurs de ces passoires n’ont ainsi plus le droit d’indexer annuellement leurs loyers selon l’Indice de référence des loyers publié par l’INSEE (IRL). Ils n’ont pas non plus la possibilité d’augmenter le loyer à la relocation ni d’engager une action en réévaluation lors du renouvellement du bail.
Seuls des travaux de rénovation permettant d’améliorer la performance du logement et de changer sa classe énergétique permettraient au bailleur de retrouver cette liberté sur les loyers.
Les DPE (anciennes formules) qui ont été réalisés avant le 31 décembre 2017 devront être refaits avant le 31 décembre 2022 ; ceux qui ont été réalisés avant le 30 juin 2021 devront l’être avant le 31 décembre 2024.
PRECISION : La mesure n’entrera en vigueur en Guadeloupe, Martinique, Guyane, La Réunion et à Mayotte qu’à compter du 1er juillet 2024.
Précisons que face à la hausse du coût de l’énergie et à l’inflation galopante, un bouclier pour plafonner l’indexation des loyers d’habitation a également été mis en place pendant un an, jusqu’au 30 juin 2023, par la loi n° 2022-1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat.
Dans le cadre du dispositif d’encadrement des loyers (applicables dans certaines communes seulement), cette même loi interdit au bailleur d’appliquer un complément de loyer lorsque le logement présente une ou plusieurs caractéristiques d’inconfort, dont : « des signes d’humidité sur certains murs, un niveau de performance énergétique de classe F ou de classe G au sens de l’article L. 173-1-1 du code de la construction et de l’habitation ou encore des fenêtres laissant anormalement passer l’air hors grille de ventilation ».
Interdiction progressive de proposer à la location les logements énergivores
A partir du 1er janvier 2023 seront interdits à la location les logements dont la consommation excède 450 KW/m²/an (en énergie finale) en application de la loi du 8 novembre 2019 relative à l’énergie et au climat et au décret du 11 janvier 2021, soit une partie de la classe énergie G du DPE (qui est exprimé en énergie primaire). En pratique les logements chauffés à l’électricité ne seront pas concernés par ce premier seuil de consommation trop élevé.
L’interdiction s’appliquera ensuite à l’ensemble des logements classés en G à partir du 1er janvier 2025, la performance énergétique du logement devenant un critère de décence locative au sens du décret du 30 janvier 2022.
Naturellement l’interdiction sera ensuite étendue aux logements classés F à partir du 1er janvier 2028 et à ceux de la classe E dès 2034.
En cas de non-décence énergétique, le juge judiciaire pourra être saisi par le locataire. Il se prononcera sur la nature des travaux à effectuer et leur délai d’exécution. En attendant la réalisation de ces travaux, le juge aura notamment le pouvoir de réduire le loyer ou de le suspendre, avec ou sans consignation.
Précisons que les bâtiments ou parties de bâtiments non chauffés ou pour lesquels les seuls équipements fixes de chauffage sont des cheminées à foyer ouvert, et ne disposant pas de dispositif de refroidissement, ne sont pas concernés par la réalisation du DPE ni par cette réglementation.
IMPORTANT : Le niveau de performance énergétique minimal pour caractériser la décence d’un logement, introduit par la loi Climat Résilience à l’article 6 de la loi du 6 juillet 1989, ne s’applique que pour les logements constituant la résidence principale du locataire. Les meublés touristiques et les locations de résidences secondaires ne sont donc pas soumis à ces contraintes énergétiques.
Un audit énergétique pour les ventes de monopropriétés et de maisons individuelles
La vente des immeubles d’habitation appartenant à un seul propriétaire ou des maisons individuelles dont le DPE est de niveau F ou G, devra bientôt s’accompagner d’un audit énergétique.
En effet, la réalisation d’un audit énergétique sera obligatoire pour ces bâtiments concernés des classes F et G dont la promesse de vente ou, à défaut, l’acte authentique de vente, sera signé à partir du 1er avril 2023.
Cet audit qui fixe des préconisations de travaux pour améliorer la performance énergétique du logement devra ensuite être remis au candidat acquéreur dès la première visite du bien (et annexé à la promesse de vente). La réalisation des travaux préconisés par l’audit n’est pas obligatoire. Le but poursuivi par cet audit est d’informer l’acquéreur afin qu’il intègre ces travaux dans son projet d’achat et de rénovation éventuelle en vue de faire évoluer la performance énergétique de son logement.
A NOTER : Initialement prévu au 1er septembre 2022, l’entrée en vigueur de l’audit énergétique obligatoire a été reportée au 1er avril 2023 par le décret n°2022-1143 du 9 août 2022 (J.O du 11). Cette obligation sera ensuite étendue aux bâtiments de la classe E à compter du 1er janvier 2025, puis à ceux de la classe D à compter du 1er janvier 2034.
Un DPE collectif généralisé à partir du 1er janvier 2024
La loi Climat et Résilience a étendu l’obligation de réaliser un DPE collectif (à l’échelle de l’immeuble) à tous les bâtiments d’habitation collectifs, qu’ils soient en monopropriété ou en copropriété, qu’ils soient équipés ou non d’une installation collective de chauffage et de refroidissement, dès lors que l’immeuble dispose d’un permis de construire déposé avant le 1er janvier 2013.
Cette disposition entrera en vigueur en métropole selon le calendrier suivant :
Au 1er janvier 2024 pour les copropriétés de plus de 200 lots.
Au 1er janvier 2025 pour les copropriétés entre 50 et 200 lots.
Au 1er janvier 2026 pour les copropriétés d’au maximum 50 lots.
Le syndic devra inscrire cette question à l’ordre du jour de l’assemblée générale des copropriétaires et la faire voter à la majorité simple de l’article 24 de la loi du 10 juillet 1965.
Ce DPE collectif devra être renouvelé ou mis à jour tous les dix ans, sauf lorsqu’un diagnostic réalisé après le 1er juillet 2021 aura permis d’établir que le bâtiment appartient aux classes A, B ou C.
Voici donc en synthèse les différents dispositifs qui se cumulent pour tenter de contraindre les propriétaires et copropriétaires, et eux seuls… à atteindre des performances énergétiques vertueuses dans le parc immobilier privé français.
Cyril SABATIE est avocat au Barreau de Paris et associé fondateur du Cabinet LBVS AVOCATS. Il dispose également de deux autres cabinets sur Nice et Angers destinés principalement au conseil des professionnels de l’immobilier et de la construction. Il a été notamment Directeur juridique de la FNAIM et est l’auteur de divers parutions et articles sur le droit immobilier, en particulier l’ouvrage COPROPRIETE aux éditions Dalloz-Delmas.
Il est également membre de la Chambre nationale des experts en copropriété (CNEC) et de la Chambre des experts immobiliers FNAIM (CEIF).