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« L’inflation, une chance pour les professionnels de la transaction immobilière ? » , Henry Buzy-Cazaux Président de l’IMSI

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Ne fermons pas les yeux sur la gravité de la situation. Reste que les circonstances sont porteuses de chances commerciales indéniables.

Conjoncture immobilier

On se voile encore un peu la face sur les conséquences pour l’immobilier résidentiel des dérèglements économiques du moment. Au moment où s’écrivent ces lignes, plusieurs grandes enseignes du secteur viennent de présenter leurs synthèses du premier semestre 2022 et de formuler des prévisions pour le suivant.

La prudence, qui est une vertu, a inspiré leurs discours, comme toujours, mais la lucidité sur la gravité des circonstances n’en a pas été absente. Le ralentissement des ventes n’a pas été nié et un atterrissage a été prédit. Oh, on a bien surpris ici ou là des phrases en retrait de la réalité, marquées par un art consommé de l’euphémisme, telle que « On ne peut pas exclure que l’inflation, si elle est durable, affecte les volumes de vente, sinon les prix », mais la conscience collective est là. Le vent va souffler fort, à n’en pas douter.

Un impact sur les prix inévitable

La baisse du nombre de transactions est déjà sensible depuis plusieurs mois, sous plusieurs effets conjugués. C’est d’abord le moral des ménages qui est affecté par l’ambiance géopolitique. Il y a chez chacun, y compris les plus jeunes, une peur confuse, inavouée, mais bien présente, qui conduit à différer les projets liés au logement. C’est ensuite la désolvabilisation entraînée par l’inflation des énergies et des denrées alimentaires. Enfin, l’accès au crédit immobilier s’est fermé, à cause de la hausse des taux – ils grimpent à plus de 2 %, ce qui correspondra à un doublement en presque six mois -, elle-même liée à l’inflation, avec un taux d’usure excluant du crédit les ménages aux plus faibles revenus, auxquels les banques devraient appliquer des taux supérieurs même à la limite autorisée, eu égard à l’augmentation du coût de la ressource.

Ces évolutions sont venues s’ajouter à des critères restrictifs du Haut conseil de stabilité financière, empêchant des taux d’effort au-delà de 35 % et des durées d’endettement de plus de 25 ans. On estime aujourd’hui à 40 % le taux de refus des crédits immobiliers.

Bref, les nuages s’accumulent dans le ciel de la transaction, qui enregistre un coup d’arrêt sévère. Partout il va falloir que les prix viennent resolvabiliser des Français désolvabilisés. L’immobilier n’échappe pas à cette logique économique de base, et cette fois, ni le goût de la pierre ni les tensions favorables à l’offre et aux vendeurs n’y feront. Il ne faut en aucun cas imaginer une dégringolade mais l’importance de la baisse est à mesurer à l’aune de la perte du pouvoir d’achat des individus et des familles. En clair, si les hausses cumulées des biens de première nécessité et les taux d’intérêt affectent de 10 % la capacité contributive des candidats à l’acquisition, les prix pourraient bien accuser une baisse jusqu’à ce niveau-là dans les douze mois à venir. D’ailleurs, on ne saurait s’en lamenter, tant ils ont augmenté depuis près de vingt ans, éphémèrement corrigés par la crise des subprimes en 2008, au point que la population comme la communauté immobilière s’y sont accoutumées.

« Il existe des perspectives d’augmentation de la part des transactions confiées à un mandataire : 75 % pourrait constituer un objectif atteignable. »

Des perspectives d’augmentation pour les intermédiaires

De ce fait, on est tenté de faire de sombres augures pour les agents immobiliers et les négociateurs, en oubliant deux espoirs. Le premier tient à la marge de croissance du taux de pénétration des intermédiaires. On les crédite aujourd’hui des 2/3 du marché, et encore ce chiffre est-il peut-être excessivement optimiste… Quoi qu’il en soit, il existe des perspectives d’augmentation de la part des transactions confiées à un mandataire. 75 % pourrait constituer un objectif atteignable et il le devient au moment où trouver un acquéreur devient difficile.

Le pouvoir a changé de camp et les vendeurs, maîtres du jeu naguère, l’ont perdu en quelques mois. Ceux qui pensaient pouvoir se passer d’intermédiaire vont devoir se raviser… notamment pour bénéficier d’un conseil lucide pour déterminer la valeur de marché, et exploiter tous les viviers d’acquéreurs potentiels.

On en arrive vite au second atout des professionnels : la baisse des prix. Ils vont être les premiers agents de modération, parce qu’ils observent en toute objectivité la réduction du pouvoir d’achat logement des ménages pour les raisons qui ont été rappelées. Les vendeurs particuliers, affectant leur bien d’une charge affective qui les aveugle, moins lucides sur les circonstances, vont mettre six bons mois à réaliser qu’il faut calmer ses prétentions pour redonner par les prix de l’oxygène aux ménages. En clair, les acquéreurs vont préférer les biens en portefeuille des professionnels aux offres de particuliers, déjà irréalistes et décalées par rapport à la moindre capacité contributive des candidats à l’achat, en tout cas dans les marchés tendus, à plus forte attractivité.

« Un autre atout des professionnels consiste dans leurs relations privilégiées avec les courtiers. »

Un rôle à tenir pour sécuriser les transactions

Un autre atout des professionnels peut consister dans leurs relations privilégiées avec les courtiers. Plus que jamais, ils pourront faciliter l’accès au crédit et optimiser les conditions d’emprunt, singulièrement le coût de l’assurance emprunteur. L’intermédiaire sera en mesure de sécuriser une opération d’achat, là où le vendeur particulier constatera souvent après la signature de l’avant contrat l’incapacité financière de l’acquéreur.

Il ne saurait être question de fermer les yeux sur la gravité de la situation économique. Elle va éprouver la communauté professionnelle de la transaction, femmes et hommes de la négociation, agents commerciaux en réseaux comme agents immobiliers, notaires, diagnostiqueurs, prêteurs.

Il reste que les circonstances sont porteuses de chances commerciales indéniables. Au fond, le principe, oublié en temps de vaches grasses, est simple : la complexité réévalue le savoir-faire professionnel. Il lui est associé une évidence : l’exigence que les professionnels soient au rendez-vous du besoin de compétence et d’engagement au service des clients. Ceux-ci auront besoin d’éclaireurs pour sécuriser leurs transactions dans ces temps incertains. À bon entendeur…

Henry Buzy Cazaux

Après avoir conseillé Pierre Méhaignerie, ministre de l'équipement et du logement, Henry Buzy-Cazaux a occupé des fonctions de responsabilité dans des entreprises immobilières de premier plan, FONCIA, Tagerim ou encore le Crédit Immobilier de France, mais également au sein des organisations professionnelles du secteur. Ancien délégué général de la FNAIM, il a aussi été administrateur de plusieurs autres syndicats immobiliers. Il a été chargé de mission auprès du président du Conseil de l'immobilier de l'Etat.

Il mène depuis toujours une action engagée pour la formation aux métiers de l'immobilier: président d'honneur de l'Ecole supérieure des professions immobilières, cofondateur de l'Institut des villes, du territoire et de l'immobilier du Groupe ESSEC, il est aujourd'hui président fondateur de l'Institut du Management des Services Immobiliers, centre de prospective et d'enseignement.

Il est enfin membre du conseil scientifique de l'observatoire immobilier des notaires et président du groupe "Immobilier, logement et ville durable" du Forum pour la gestion des villes et des collectivités locales et territoriales.
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