La bonne mise en œuvre par le secteur immobilier de mesures permettant de lutter contre le blanchiment d’argent fait l’objet d’une attention encore renforcée depuis quelques mois. Eric Percheron, spécialiste de la lutte contre ce fléau, entame une série de chroniques destinées à accompagner les professionnels de l’immobilier dans l’identification de facteurs de risque et la mise en œuvre d’une réaction adaptée.
Chapitre 1 : rappels sur le risque de blanchiment
Blanchir de l’argent c’est donner à des capitaux issus d’un crime ou d’un délit une apparence « propre », autrement dit à masquer l’origine de ces capitaux. On dit que l’origine du terme vient d’Al Capone, qui avait acquis des blanchisseries afin de recycler l’argent dégagé par le trafic d’alcool.
Pour blanchir de l’argent, on peut recourir à de multiples méthodes, qui ont pour point commun de permettre de cacher l’origine et la détention des capitaux pour les réintroduire dans l’économie réelle. Tenter d’utiliser le secteur immobilier pour blanchir des capitaux consistera donc principalement à
Cacher l’identité réelle de l’acquéreur, par exemple en multipliant les sociétés entre l’investisseur l’opération, encore plus lorsque ces sociétés sont opaques : on choisira à ce moment-là de passer par une structure « complexe » idéalement domiciliée dans un « paradis fiscal », comme l’a si bien illustré les « Panama Papers ».
Cacher l’origine des fonds, en les faisant transiter par des sociétés opaques précitées, mais aussi en multipliant les mouvements de capitaux entre établissements financiers, parfois choisis dans des pays qui font du manque de transparence un argument de concurrence. Ou encore Notons ici l’émergence des crypto monnaies qui cumulent potentiellement deux « avantages » : elles n’ont pas de frontière et favorisent sous certaines conditions l’anonymat des parties à la transaction et l’origine des fonds et surtout des acheteurs.
Fausser la valeur dubien en jeu, d’autant plus facilement que ce bien est délicat à estimer a priori (construction, rénovation). Cette sur/sous valorisation permet de transférer de la valeur entre acheteur et vendeur : survaloriser permet de transférer un « bonus » de l’acheteur vers le vendeur, sous valoriser permet l’inverse. Cette technique est parfois mise en œuvre dans des opérations de corruption.
Chapitre 2 : le secteur immobilier, un secteur à risque
Le secteur immobilier est considéré comme un « secteur à risque » dans une grande majorité des pays, qu’il s’agisse d’immobilier commercial ou résidentiel, de prestige ou pas. TRACFIN, l’autorité française en la matière, consacre pour sa part un chapitre de son dernier rapport annuel[1] au secteur immobilier et considère que « L’immobilier constitue un vecteur privilégié de blanchiment pour intégrer le produit d’escroqueries et des activités de la criminalité organisée dans l’économie réelle ».
Cette chronique s’attachera à présenter synthétise les alpha et oméga de la lutte contre le blanchiment, consistant en un devoir de vigilance modulée selon approche par les risques, qui dépend des clients, des canaux de transaction, des pays mis en jeu et du type d’opération trouve un écho dans les réalités du terrain : la mise en œuvre d’une cartographie des risques et son actualisation constituent le socle de l’approche à mettre en œuvre.
Prochaine « brève » à suivre : « Seconde partie : qu’est-ce qu’un client risqué et comment peut-il cacher son identité ? »
Éric Percheron est chercheur associé à l’IRIS, spécialisé sur les questions de conformité dans le domaine financier, et de sécurité financière (lutte anti-blanchiment, analyse des flux internationaux et des risques pays) et intervient dans le cadre de l’Executive Master Compliance de l’Université de Paris Dauphine.
Il a passé plus de trente ans dans le monde de la banque en France, à la fois dans des fonctions opérationnelles, puis de conformité. Depuis plus de dix ans, il a développé une expertise en matière de sécurité financière et de conformité au sens large.
Ingénieur de formation (UTC), Éric est également diplômé de l’Institut technique de banque et du Centre d’études supérieures de banques et est certifié par l’organisme américain ACAMS (Association of Certified Anti Money Laundering Specialists) en matière de lutte anti-blanchiment, de mise en œuvre des sanctions financières et de lutte contre la corruption. Il est diplômé d’IRIS Sup’ en Géopolitique et prospective et d’un Master Droit-Économie-Gestion, parcours diplomatie et relations internationales de l’Université de Bretagne occidentale.