Annoncés lors de son communiqué de presse du 16 juin dernier, la Cour de cassation vient de rendre trois arrêts importants à propos de l’exigibilité des loyers commerciaux pendant les périodes de confinement liées à la pandémie du virus covid-19. Le point avec Maurice Feferman, Directeur juridique immobilier de Swisslife Asset Managers France.
Plus prosaïquement, la question que tout le monde se posait était de savoir si les commerçants, qui ne pouvaient accueillir du public pendant certaines périodes suite aux interdictions imposées par les autorités administratives, étaient ou non en droit de ne pas payer leurs loyers ?
À la première question de l’application ou non de l’article 1722 du Code civil précisant qu’un locataire peut demander la baisse du prix du bail ou sa résiliation s’il a perdu la chose qu’il loue dans des circonstances fortuites, la réponse est que cet article n’est pas applicable.
En effet, l’interdiction de recevoir du public :
était générale et temporaire ;
avait pour seul objectif de préserver la santé publique ;
était sans lien direct avec la destination du local loué telle que prévue par le contrat.
Les commerçants n’étaient donc pas en droit de demander une réduction de leur loyer.
A la deuxième question de savoir si le bailleur a manqué ou non à son obligation de délivrer la chose louée à son locataire et de lui en garantir la jouissance paisible, conformément à sa destination contractuelle, lui permettant alors de suspendre son obligation de payer le loyer, la réponse est aussi non.
Il est considéré que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’est pas constitutive d’une inexécution par le bailleur de son obligation de délivrance. Ainsi, les locataires ne pouvaient pas se prévaloir du mécanisme de l’exception d’inexécution pour suspendre le paiement de leurs loyers.
Enfin, à la troisième interrogation qui était de savoir si l’état d’urgence relevait de la force majeure permettant toujours au locataire de se dispenser du respect de ses obligations voire d’obtenir la résolution du bail, la réponse est également négative.
La Cour considère que « la locataire, débitrice des loyers, n’était pas fondée à invoquer à son profit la force majeure. ».
En synthèse, « la mesure générale et temporaire d’interdiction de recevoir du public n’entraîne pas la perte de la chose louée et n’est pas constitutive d’une inexécution, par le bailleur, de son obligation de délivrance. Un locataire n’est pas fondé à s’en prévaloir au titre de la force majeure pour échapper au paiement de ses loyers. ».
Il ne fait aucun doute que ces arrêts qui seront largement commentés, sont dès à présent de nature, à rassurer les bailleurs, à terme à nombre de différends toujours en suspens.