Véronique Bédague, Directrice générale de Nexity, livre sa feuille de route et sa vision de la ville de demain.
JDA : Quelle est votre feuille de route pour bâtir la ville de demain ?
Véronique Bédague : Depuis la création de Nexity par Alain Dinin, nous avons toujours eu la ville inclusive chevillée au corps. Cela se traduit notamment par produire des logements abordables pour les Français. En l’espèce, nous estimons que le logement n’est pas un privilège, il doit être accessible à tous ! Aujourd’hui, près de 30 % de notre production de logements neufs concerne l’habitat social.
C’est une fierté : depuis 2005, nous demeurons le premier acteur du renouvellement urbain en matière de production de logements en secteur Agence nationale pour la rénovation urbaine (Anru) et Quartiers de politique de la ville (QPV). Très récemment, nous avons conclu un nouveau protocole d’accord avec CDC Habitat pour développer 10 000 logements supplémentaires d’ici 2024 – dont 4 000 sociaux, 3 450 intermédiaires et 2 550 abordables. Bien sûr, nous sommes pleinement engagés. Avec Nexity « Non-Profit » créé en 2018, nous mettons le savoir-faire de tous nos métiers au service du logement solidaire.
En outre, nous créons des logements en pensions de famille gérés par Emmaüs, Habitat et Humanisme ou des associations telles que Aurore ou encore le groupe SOS, avec qui nous avons un projet commun en cours à Montpellier comprenant, entre autres, une pension de famille et un centre d’hébergement d’urgence de 27 logements destinés aux femmes en difficulté. Le deuxième grand axe de notre groupe : le bas carbone.
JDA : Justement, quelle est votre stratégie pour faire face au défi climatique ?
V. B. : Notre stratégie bas carbone est ancienne ! Elle est au cœur de notre business et constitue l’un des trois piliers fondateurs de l’engagement RSE de Nexity. Depuis plus d’une dizaine d’années, le bas carbone est devenu notre cœur de business. À Lyon Confluence, nous réalisons une première en France : un bâtiment résidentiel sans chauffage ni climatisation. Ce projet se révèle être moins cher à construire et à exploiter, en plus de son excellence environnementale. Nous travaillons également à l’échelle de quartiers bas carbone, à l’exemple des projets de la porte de Montreuil – où nous faisons appel à la pierre, au bois, à la paille et la brique crue – et du Village des athlètes. Tous ces efforts sont récompensés : pour la troisième année consécutive, nous avons été désignés premier maître d’ouvrage bas carbone au classement BBCA.
Parce qu’il ne faut pas tergiverser face à l’urgence climatique, nous irons encore plus loin avec la ville bas carbone… Notre groupe accélère sa stratégie Climat et Biodiversité avec de nouveaux objectifs de réduction de ses émissions de CO2 – en l’occurrence -42 % par mètre carré livré à horizon 2030 – et vise une trajectoire certifiée alignée 1,5°C. cette nouvelle feuille de route représente un doublement de nos objectifs par rapport à la trajectoire précédente ! Par ailleurs, cette trajectoire est 10 % plus ambitieuse que celle rendue obligatoire par la RE2020 – une réglementation exigeante pour toute la profession, mais indispensable. Nexity s’engage d’ici 2025 à accompagner l’éco-rénovation de 150 copropriétés et à gérer avec une stratégie bas carbone 3,5 millions de mètres carrés tertiaires à travers sa gamme de services. Avec le bas carbone, nous sommes en capacité de créer une rupture pour produire des programmes durables et abordables !
JDA : Comment mettre en ordre de marche de tels objectifs ?
V. B. : Comme je l’exprime régulièrement, ce qui se vit à l’intérieur d’une entreprise se voit à l’extérieur par nos clients. En ce sens, le capital humain forme le troisième pilier de notre stratégie. Celui-ci répond pleinement à notre raison d’être : favoriser la « vie ensemble ». Nexity a notamment développé l’actionnariat salarié et s’est engagé à réduire son empreinte carbone de 35 % par collaborateur à horizon 2030. Ces choix ont été récompensés : nous sommes le premier groupe immobilier de plus de 2 500 collaborateurs à intégrer le palmarès Best Workplaces 2021 de Great Place To Work.
Enfin, l’égalité femmes/ hommes demeure au cœur de notre ADN : le Comex dénombre 44 % de femmes et nous sommes parmi les 11 entreprises tricolores du Bloomberg Gender Equality Index 2021. La force par l’exemple fonctionne très bien ! Aujourd’hui, le constat est qu’il est plus naturel de recruter une femme pour un poste à responsabilités.
JDA : La Loi Climat et résilience, qui fixe comme objectif de réduire de moitié l’artificialisation des sols ces dix prochaines années, va-t-elle gripper la production de logements ?
V. B. : S’il faut consommer de manière plus raisonnable le foncier, à force de faire du moins partout au travers de différentes lois, je ne vois pas comment nous pourrons construire du logement pour tous. N’oublions pas que le logement est au cœur des inégalités en France : nous comptons 4 millions de Français mal logés, 2 millions de concitoyens en attente d’un logement social et nous serons 1,9 million de plus en 2044. N’oublions pas non plus que le logement représente près de 25 % du budget des ménages et que plus les Français sont modestes, plus cette dépense non arbitrable est difficile à supporter. De facto, nous allons exclure des individus du parcours résidentiel…
Pour faire face, nous devons adopter une nouvelle matrice à deux niveaux afin que le logement soit la boussole stratégique de nos politiques publiques. D’une part, l’État doit se doter d’une vraie politique structurelle et jouer un rôle de planificateur. D’autre part, à l’échelon local, il faut travailler la montée des exigences de non- artificialisation et considérer la crainte de la densité pour agir avec les maires. Pour loger le plus grand nombre, nous devons explorer toutes les solutions : rénover le bâti, transformer les usages des bâtiments, reconvertir les friches industrielles. Ces solutions doivent s’imbriquer au service d’un projet de société ! D’ailleurs, plutôt qu’un ministère du Logement pour embrasser tous ces sujets, je milite pour un ministère régalien de la Ville de demain.
JDA : Quid du segment de la rénovation énergétique des logements anciens ?
V. B. : En matière de réhabilitation du parc ancien, Nexity bénéficie d’une expertise reconnue. Nous disposons à la fois d’une grande agilité pour réhabiliter ou transformer l’existant avec notre pôle promotion et nous accompagnons également les copropriétés dans leurs démarches de rénovation avec nos métiers de services, de syndic notamment.
Grâce au premier green deal que nous avons signé avec l’État en 2018, 60 copropriétés sont rénovées ou en cours de travaux. En outre, 500 collaborateurs ont participé à un dispositif rénovation énergétique training et plus de 300 immeubles sont en cours d’études. Dans un contexte d’urgence climatique et de justice sociale, nous avons signé en mars dernier un second green deal. Avec notre pôle services aux particuliers, nous nous engageons à accompagner la rénovation de 10 000 logements en copropriété, à réaliser cinq projets de surélévation permettant le financement de la rénovation énergétique de ces immeubles, et à commander 5 000 audits énergétiques dans le cadre du déploiement de l’offre d’accompagnement rénovation énergétique pour nos propriétaires bailleurs à fin 2025. Enfi n, nous sensibiliserons nos gestionnaires et assistants de copropriétés à la rénovation globale via l’obtention d’un Visa éco-rénovation. Dans le même temps, notre activité de syndic est pleinement mobilisée pour accompagner la rénovation des passoires thermiques – notamment pour les logements classés G qui seront interdits à la location dès 2025.
JDA : Quelle est votre vision de l’habitat du futur ?
V. B. : La crise sanitaire a été un catalyseur de tendances sous-jacentes. Bien avant la Covid-19, Nexity s’était engagé, pour ses dépôts de permis de construire, à ce que chaque logement bénéficie d’un espace extérieur. Nous portons beaucoup d’attention à ce qu’un appartement soit traversant et qu’il bénéficie de suffisamment de rangements (placards, dressings…). Avec l’intensification du télétravail, il faut aussi s’assurer qu’une pièce à vivre ou de type bureau dispose davantage de prises électriques. Nous attachons également une grande importance à l’aménagement d’un appartement auprès de nos clients (choix des matériaux, mobilier adéquat…). Sur ce point, nous renforcerons notre offre à court terme.
JDA : Comment consolider vos relations avec les agents immobiliers ?
V. B. : Avec plus de 300 agences sur l’ensemble du territoire, nous sommes à la fois présents sur les métiers de la location, de la transaction dans le neuf et l’ancien, et du syndic. Ces boutiques implantées en cœur de ville participent à la vie locale et demeurent un maillon essentiel du commerce de proximité. En ce sens, il n’est pas impossible que nous ouvrions de nouvelles agences ! Car, avec la crise sanitaire, les Français ont besoin d’un contact physique et d’un accompagnement humain pour réaliser leurs projets. Naturellement, nous avons un intérêt à travailler et à échanger avec les agents immobiliers. Ces professionnels sont des facilitateurs de business : ils nous remontent les attentes sur le terrain, les projets à venir et nous font part de leurs intuitions. En contrepartie, notre groupe leur apporte son savoir-faire en matière de promotion.
PORTRAIT EXPRESS
Avant de céder aux sirènes du privé, Véronique Bédague (58 ans) occupe successivement les fauteuils de secrétaire générale de ville de Paris sous Bertrand Delanoë (2008-2016) et directrice de cabinet du Premier ministre Manuel Valls (2014-2016). Son nom résonne encore comme celui de la première femme à avoir occupé ces deux postes. Qualifiée de « guerrière » par l’ancien maire de Paris et dotée d’un degré d’exigence redoutable, l’énarque tape dans l’œil d’Alain Dinin, fondateur de Nexity, en 2017. Animée par une soif d’apprendre, celle qui ne vient pas du sérail immobilier gagne vite ses galons. De secrétaire générale-DRH à PDG de Nexity Immobilier d’Entreprise et Directrice générale déléguée du Groupe, elle prend la direction générale du premier promoteur de France – plus de 8 000 collaborateurs pour un chiffre d’affaires de 4,6 Mds€ – en mai 2021. Là encore, elle est l’une des rares femmes à occuper ces fonctions dans une industrie de la fabrique de la ville encore (très) masculine. Approchée pour occuper le poste de Premier ministre d’Emmanuel Macron en avril dernier, Véronique Bédague a fait savoir qu’elle était et restait chez Nexity… Femme de caractère on vous dit !