Ce n’est pas manier la litote que de dire à quel point tout bouge en ce moment dans notre industrie et sur nos marchés !
Je note sur la période récente quatre phénomènes remarquables : l’émergence de nouveaux modèles, l’arrivée de gros capitaux dans notre écosystème, la concentration, la forte activité et l’attractivité du marché. Les nouveaux modèles poussent comme les champignons après la pluie !
Après les agences traditionnelles, les réseaux de mandataires, puis les organisations dites hybrides comme le réseau Keller Williams, arrivent les agences « low cost », telles Liberkeys, Hosman, Proprioo, pour ne citer qu’elles. Sans doute inspirées par le modèle anglais Purplebricks, elles ont en commun l’absence de points de vente physiques, le « tout en ligne », l’automatisation des tâches à très faible valeur ajoutée et la promesse d’un service de qualité à moindre coût. Le petit dernier, Les Agences de Papa, veut encore aller plus loin en cassant les prix pour un montant fixe de commission à 2 000 euros. Un nouveau modèle, enfin, débarque des États-Unis : EXP, réseau sans agences, coté au Nasdaq, il repose sur un modèle totalement virtuel, qui limite les coûts de structure afin de mieux rémunérer les agents.
Après les agences traditionnelles, les réseaux de mandataires et les organisations hybrides, arrivent les agences « low cost», Bernard Cadeau past-président d’Orpi
Capitaux et valorisations
Tous ces mouvements s’inscrivent dans le contexte d’une arrivée massive de capitaux dans notre industrie. Je souligne d’ailleurs le retour récent et massif des gros investisseurs privés dans l’immobilier en général et le logement en particulier. Si vous ajoutez à cela la masse monétaire créée qui circule, tous les ingrédients sont réunis ! Rien d’étonnant finalement dans un marché en forte croissance, tant en volume qu’en prix, qui est maîtrisé à plus de 65 % par les professionnels.
Les néoarrivants lèvent de grosses sommes afin d’accélérer leur croissance, qui sont très rapidement valorisées plusieurs dizaines de millions d’euros, non sur leurs résultats mais sur leur potentiel de rentabilité, ce qui est la loi du genre pour les start-up. L’épisode le plus spectaculaire concerne sans doute Les Agences de Papa qui ont levé plusieurs millions d’euros avant une introduction boursière valorisant l’entreprise à… 303 millions d’euros ! Citons enfin les valorisations spectaculaires des réseaux IAD et SAFTI, pour respectivement 1,2 milliard et 800 millions d’euros. Ces entreprises peuvent se targuer de plusieurs dizaines de milliers de transactions par an, ce qui n’est pas le cas de celles citées plus haut. La concentration de certains acteurs s’accélère également, à l’instar du rachat du réseau Century 21 par le groupe Arche. Fleuron de notre industrie, le groupe Arche est désormais le premier groupe immobilier français multimarques, multimétiers et multimodèles. On ne peut que saluer la remarquable réussite de son dirigeant fondateur et sa stratégie payante.
Un marché actif mais … prudence
Et le marché dans tout ça ? Il se porte très bien ! Contre toute attente, les records de ventes pourraient être battus cette année encore. La demande reste très forte sur les maisons individuelles plébiscitées par plus de six Français sur dix. Ce qui pouvait apparaître comme un effet temporaire de la crise sanitaire s’est mué en tendance établie : vivre mieux, plus loin des grandes métropoles. Les prix suivent et flambent dans certaines villes, en région parisienne et dans les villes moyennes. Le télétravail y aura été pour quelque chose, bien que tous les métiers ne soient pas concernés. Les taux d’intérêt restent bas et le stock de biens à vendre n’augmente pas ; tous les ingrédients sont réunis pour un marché très actif. Les mêmes causes produisent les mêmes effets outre-Atlantique !
Alors, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes ? Restons vigilants, la construction de logements est en panne dans notre pays depuis au moins deux ans, alors que le déficit offre/demande ne cesse de s’accroître. La rénovation du parc existant suit son bonhomme de chemin, mais n’ira pas bien loin si des incitations fortes et des mesures d’accompagnement ne viennent pas lever les doutes sur les conséquences du nouveau DPE et de la loi Climat et Résilience. On ne saurait accepter que près d’un logement locatif sur deux soit évincé du marché dans les années à venir.
Bernard Cadeau a débuté une carrière d’agent immobilier en 1979 en achetant une agence membre du réseau Orpi. Après avoir occupé différentes fonctions locales et nationales, il a dirigé Orpi France durant 18 ans dont 12 en qualité de président national.
Au cours de ces années, il s’est attaché à faire progresser la notoriété de la marque Orpi, sa performance commerciale, l’élargissement des métiers ainsi que son influence médiatique.
Homme de projets et de convictions, il s’est toujours attaché à raisonner globalement et dans l’intérêt de la profession. Il est ainsi Co fondateur du système de partage de mandats AMEPI, du portail Bien ici ;il a siégé au CNTGI .
Passionné par les sujets économiques, politiques et sociétaux, il intervient dans de nombreux débats ; il est le référent logement de l’Institut Sapiens.
Il est reconnu comme l’un des spécialistes du logement et de l’immobilier en France.
Il est également chroniqueur et conseil.
Il est enfin, à ce jour, Délégué général de Partage+, association dont l’ambition est de fédérer l’ensemble des systèmes de partage de mandats exclusifs ainsi que tous les professionnels qui ne partagent pas encore leurs mandats.