Bail commercial : et si les terrasses extérieures installées par les preneurs exploitants de brasseries et restaurants permettaient à leurs bailleurs de déplafonner le loyer lors du prochain renouvellement ? L’analyse de Gérald Berrebi, Avocat au Barreau de Paris (Cabinet Berrebi Avocats) et spécialiste du droit des baux commerciaux.
Aux termes d’un arrêt rendu le 13 octobre 2021, la Cour de cassation a considéré que l’extension par un locataire de sa terrasse en plein air pourrait constituer une modification notable des facteurs locaux de commercialité autorisant le déplafonnement du loyer.
Lors du renouvellement du bail, sauf stipulation particulière du bail, la fixation du loyer du bail renouvelé est essentiellement régie par deux principes :
le montant du nouveau loyer doit correspondre à la valeur locative déterminée selon les caractéristiques des locaux, la destination des lieux, les obligations respectives des parties et les facteurs locaux de commercialité (article L.145- 33 du Code de commerce),
la fixation du loyer est toutefois soumise à un mécanisme de plafonnement : la variation du loyer ne peut excéder celle de l’indice de référence publié par l’Insee depuis la fixation initiale du loyer du bail expiré.
Le bailleur peut néanmoins obtenir le déplafonnement du loyer (fixation de celui-ci à la valeur locative sans application du plafond) s’il établit une modification notable des caractéristiques des locaux, de la destination des lieux, des obligations des parties et/ou des facteurs de commercialité au cours du bail expiré.
La Cour de cassation s’est prononcée le 13 octobre 2021 dans une affaire dans laquelle un bailleur de locaux à usage de brasserie, a soutenu que l’extension de la terrasse extérieure réalisée sur le domaine public par son locataire constituait un motif de déplafonnement du loyer.
Bien que les faits jugés soient antérieurs à la crise sanitaire, la solution adoptée par les Juges pourrait être source d’enseignements pour les bailleurs de locaux à usage de brasserie, restaurant ou café, lorsqu’une terrasse extérieure a été installée ou agrandie lors de la reprise d’activité après les confinements.
Enseignement n°1 :
La Cour juge que l’installation ou l’extension d’une terrasse sur le domaine public et exploitée en vertu d’une autorisation administrative ne constitue pas une modification des caractéristiques des lieux loués, permettant au bailleur de déplafonner le loyer.
Solution parfaitement fondée : ladite terrasse extérieure ne faisant pas partie des lieux loués, il n’y pas de modification desdits lieux loués.
Enseignement n°2 :
En revanche, la Cour retient qu’une autorisation municipale permettant au preneur d’étendre l’exploitation de sa terrasse en plein air contribue au développement de son activité commerciale. Les Juges considèrent en conséquence que cette situation pourrait constituer une modification des facteurs locaux de commercialité et donc, par là-même, un motif de déplafonnement.
De là à en conclure que l’épée de Damoclès du déplafonnement plane au-dessus de la tête des preneurs ayant obtenu une autorisation d’installer ou d’agrandir une terrasse extérieure, il n’y a qu’un pas que certains n’hésiteront pas à franchir allègrement.
D’autres seront plus nuancés quant au risque réellement encouru par le preneur : une analyse plus fine de la situation doit en effet conduire à s’interroger sur le caractère notable d’une telle modification des facteurs locaux de commercialité, a fortiori compte tenu du contexte très particulier lié à la crise sanitaire.
Ce bémol de taille n’empêchera probablement pas certains bailleurs hardis d’agir, lesquels n’auront peut-être pas tort si lesdites installations ou extensions persistaient après la fin de la crise sanitaire…
Cour de cassation, 3ème chambre civile, 13 octobre 2021, n°20-12.901