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« En France, nous avons perdu le sens du service », Philippe Briand Président de Arche

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À la tête d’un empire immobilier, Philippe Briand partage sa vision du secteur, qu’il a découvert brutalement à l’âge de 22 ans. Interview exclusive pour le Journal de l’Agence

photo : philippe briand

JDA : Votre histoire est celle d’un « self-made man » !

Philippe Briand : Je me destinais au métier de coiffeur, comme mon père. Mais mon avenir a pris une autre tournure, après avoir hérité de  350 000 francs, suite aux décès de mes parents. Avec cette somme, j’ai acheté six studios à Tours, que j’ai mis en gérance auprès de  plusieurs agences. L’un des directeurs peu scrupuleux, qui usaient de méthodes « à l’ancienne » m’a vendu son agence en 1991. Ce fut mes  premiers pas dans l’immobilier, alors que je n’avais qu’un DUT « Techniques de commercialisation » en poche. J’ai toutefois appris les  métiers de l’immobilier, j’ai redressé l’agence en instaurant un langage de vérité avec mes clients et j’ai recruté 5 salariés, qui ont su me  faire confiance.

JDA : Ce fut le début d’une longue série d’acquisitions…

Philippe Briand : Oui, car en 1993, j’ai fait l’acquisition d’un second cabinet, cette fois-ci au Mans, appelé « Le Syndic » qui est ensuite devenu Citya Immobilier, puis de deux autres à Paris et Cannes.

JDA : Depuis, vous avez bâti une « galaxie » immobilière en rachetant, entre autres, les réseaux Laforêt, Guy Hoquet et, plus récemment,  Century 21. Comment les avez-vous choisis ?

Ph. B. : J’ai acheté ma première franchise – Laforêt – par curiosité. Je me suis aperçu que les franchisés étaient des entrepreneurs : ils  consacrent toute leur âme et leur énergie à leur métier. Un franchisé, c’est un passionné engagé, qui connaît la victoire de décrocher un  nouveau client. Cet enthousiasme dont ils font preuve m’a rappelé mes débuts, lorsque j’avais peu de moyens et que je prenais de gros  risques. Ensuite, j’ai acquis Guy Hoquet et Century 21 par conviction. Mais je n’ai jamais considéré un rachat comme une opération financière. Ce qui m’intéresse, c’est l’histoire, l’implantation, la réputation d’une marque et ses hommes. Guy Hoquet, c’est la simplicité  d’une marque française. Laforêt, c’est l’esthétisme et le bienêtre de l’environnement. Century 21, c’est l’enthousiasme américain. Tous ces  réseaux ont su montrer leurs tours de pattes.

«Un franchisé, c’est un passionné engagé, qui connaît la victoire de décrocher un nouveau client.» Philippe Briand président de Arche.

JDA : Est-ce également par curiosité que Citya a racheté le réseau de mandataires Le Bon Agent, en 2018 ?

Ph. B. : Oui, car sa forme d’organisation était alors nouvelle. Je me suis aperçu que le modèle des réseaux de mandataires était  intéressant mais qu’il méritait d’être professionnalisé. Un mandataire réalise 3 à 4 ventes par an, il fait souvent ce métier en guise  d’activité complémentaire. Cette approche nous permet aujourd’hui d’exister dans des zones où l’installation d’un pas de porte ne se justifie pas, par exemple dans les territoires ruraux. Le Bon Agent rassemble désormais 200 mandataires, installés dans des espaces bien  circonscrits et formés de la même manière que tous nos collaborateurs, dans notre centre de formation « Avenir et Talent ». Leur atout,  c’est leur proximité avec leur clientèle, qu’ils connaissent par coeur, en partie parce qu’ils habitent sur le même territoire.

JDA : Comment avez-vous intégré toutes ces marques à la holding ?

Ph. B. : Pour chaque acquisition, ma volonté a été de ne pas changer le mode de fonctionnement en place, pour ne pas déstabiliser l’équipe. Mon mantra a toujours été : « on n’impose pas, on essaye plutôt de convaincre ». C’est, selon moi, ce qui caractérise une  entreprise familiale comme Arche. Je suis très agacé par les fonds d’investissement étrangers qui ne pensent qu’à valoriser leur capital  et qui laissent nos entreprises françaises exsangues. Personnellement, je crois plutôt à la longévité des projets. L’autre facteur de succès,  c’est le sens du service. En France, nous l’avons perdu et la digitalisation du métier a amplifié le phénomène. Pour le retrouver,  il faut savoir donner de la considération à ses clients, les encourager à revenir vous voir, vous et pas un autre. Cela suppose d’être  modeste toute sa vie et conscient de sa fragilité. Pour sensibiliser nos agents immobiliers à tous ces sujets qui font partie de notre ADN, nous consacrons  un budget huit fois plus important que le minimum légal à la formation. Chaque année, 55 000 heures de formation sont ainsi dispensées  et nous capitalisons, en parallèle, sur la transmission du savoir par les plus expérimentés.

JDA : Comment appréhendez-vous la digitalisation du métier d’agent immobilier ?

Ph. B. : Cela fait une dizaine d’années que nous avons numérisé notre approche, que nous avons un CRM. Lorsque j’entends que des réseaux immobiliers ont, pour ambition, de vouloir se digitaliser, je me dis qu’ils sont voués à mourir. Parler du digital, c’est être à la  mode. Mais, être à la mode, c’est avoir un destin de feuille morte… Pour moi, la digitalisation est l’équivalent de l’électricité il y a quelques  années. Ça n’a désormais plus de sens de rêver que son entreprise soit numérisée, toutes vont, de toute façon, y passer. C’est  un moyen, et non une fin. Certaines banques, qui sont en rupture de liens avec leurs clients, représentent l’excès de cette digitalisation, dans laquelle la profession immobilière ne doit pas tomber. D’autant plus si elle souhaite continuer à donner de la considération à ses  clients. Dans un contexte où les clients se plaignent de l’absence de services de la part des agents immobiliers, c’est avant tout le contact  humain, la proximité physique qu’il faut valoriser.

«Je suis très agacé par les fonds d’investissement étrangers qui ne pensent qu’à  valoriser leur capital et qui laissent nos entreprises françaises exsangues..» Philippe  Briand président de Arche.

JDA : Comment souhaitez-vous étendre cette « galaxie » immobilière ?

Ph. B. : Notre stratégie, c’est de consolider la position que nous avons, en multipliant les points de vente. Aujourd’hui, nous ouvrons 45  à 50 agences par an, soit environ une toutes les semaines. Century 21 s’apprête à passer le cap des 1 000 agences en France. Laforêt  devrait l’atteindre dans 5 ans et Guy Hoquet dans 8 ans. La crise sanitaire n’a pas entamé nos ambitions. Cette année, nous devrions réaliser 110 000 ventes malgré le contexte. Notre stratégie est également de développer nos activités complémentaires de prêt,  d’assurance, d’expertise… Notre objectif est par exemple de fournir, à nos clients, un seul interlocuteur pour l’achat de leur bien, l’octroi  de leur prêt et l’adhésion à leur assurance. Une fois que le frein législatif sera levé, nous aimerions enfin que l’ouverture du  capital des notaires soit permise au privé pour aller jusqu’à la rédaction des actes de vente, toujours dans l’intérêt de nos clients.

JDA : Quelles acquisitions pourriez-vous réaliser à l’avenir ?

Ph. B. : Il ne se passe pas deux semaines sans qu’une entreprise immobilière émerge avec un nouveau concept. Les acteurs du secteur  fourmillent d’idées ! Lorsque j’envisage une acquisition, je regarde plusieurs critères : la taille du marché de l’entreprise, s’il est possible de l’élargir et si cette stratégie peut offrir de la valeur ajoutée à nos clients finaux. Je garde également en tête que ce n’est pas parce  qu’un modèle fonctionne aux États-Unis qu’il trouvera de l’écho en France. À l’avenir, nous réaliserons effectivement de nouvelles  acquisitions, que nous dévoilerons en temps voulu. Notre objectif est de garder une longueur d’avance, sans pour autant avoir  l’obsession du résultat. Ce que je peux vous partager, c’est que nous constatons que le viager fait son grand retour et que le monde du logiciel immobilier est en perpétuelle évolution.

JDA : En février dernier, vous avez de nouveau investi dans le portail Bien’Ici. Quelles sont vos ambitions ?

Ph. B. : Le destin de l’industrie hôtelière, qui a été cannibalisé par la plateforme Booking, est riche en enseignements. Alors que la  profession immobilière était jusqu’ici clairsemée et qu’il y avait peu de jeu en équipes, nous avons décidé de suivre Alain Dinin dans son  initiative d’allier les principaux acteurs pour fonder Bien’Ici, détenu à 40 % par Nexity. Pour notre part, l’investissement s’est porté  à 20 millions d’euros. C’est une somme considérable mais qui va permettre aux professionnels de l’immobilier de publier leurs  annonces à des prix plus accessibles et, surtout, de ne plus être dépendants des portails historiques. Bien’Ici est aujourd’hui le 3e portail d’annonces : il progresse de 30 % chaque année et est utilisé par toutes les typologies d’agents immobiliers, y compris les agents indépendants. Maintenant qu’une force de vente est déployée sur le terrain, il devrait s’emparer de la 1ère place du podium.

 

 

 

 

 

 

 

Propos reccueillis par Aurélie Tachot

 

 

 

 

 

 

Aurélie Tachot

Aurélie Tachot est une journaliste spécialisée dans l'immobilier, qu'elle aime aborder sous le prisme des innovations, notamment technologiques. Après avoir été rédactrice en chef de plusieurs médias spécialisés, elle collabore avec Le Journal de l'Agence afin de rédiger des articles d'actualité sur les acteurs qui font l'immobilier d'aujourd'hui et qui feront celui de demain.
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Vos réactions
  • Par AgentMandataire.fr, il y a 3 années

    Un exemple de réussite « à la française » avec une vison long terme, un focus client très fort, de l’humain … beaucoup d’humain, et de l’humilité (ENFIN !) … l’inverse de ce que nous inondent les startupers millennials de la proptech avides de disruption à tout prix !

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