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« Attention au risque à confondre offre et pourparlers », Quentin Lagallarde

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Soignez le formalisme de l’offre d’achat faite par votre acquéreur, car même en cas de réponse favorable du vendeur si les mentions font défaut le bien pourrait être proposé et vendu à un autre acquéreur. Tel est le constat de cet arrêt de la Cour d’Appel de Chambéry du 13 octobre 2020.

photo : Family couple consultations with a lawyer or insurance agent.

Un arrêt de la Cour d’Appel de Chambéry du 13 octobre 2020 fait état d’une situation rocambolesque. Des acquéreurs pensaient, à la suite d’échanges de courriels et d’une réponse de vendeurs qu’ils croyaient être une acceptation de leur offre, pouvoir acheter un appartement à la montagne, mais l’agence a proposé de seconds acquéreurs qui ont pu se voir être les nouveaux propriétaires du bien !

La Cour d’Appel de Chambéry (arrêt n° 18/00724) a rendu un arrêt le 13 octobre 2020 particulièrement intéressant.

Dans cette affaire immobilière qui se déroulait dans la station de ski réputée de Val d’Isère en 2017, une agence avait fait visiter un appartement à un premier couple d’acquéreurs qui après échanges de courriels par l’intermédiaire du professionnel avec les vendeurs pensaient être parvenus à un accord et prévoyaient la réalisation d’une promesse de vente. Pendant le temps des échanges et préparation de l’acte, l’agence a fait visiter le bien à un second couple qui a émis le souhait d’acquérir le bien à un prix supérieur, ce qui a été accepté par les vendeurs. Ainsi, les vendeurs auraient accepté successivement deux offres d’achat. Puis les vendeurs ont signé l’acte authentique de vente avec le second couple malgré les sommations du premier couple. Les premiers acquéreurs ont donc voulu faire annuler la vente.

Après un premier jugement qui faisait droit à la demande de ceux-ci, la Cour d’Appel a réformé, dans un long arrêt, ce jugement.

Parmi les discussions, un point important concerne le déroulé des négociations entre les premiers acquéreurs et les vendeurs par l’intermédiaire de l’agence. Et la question juridique de savoir si ces échanges, et notamment les courriels des acquéreurs pouvaient s’analyser en une offre d’achat ?

L’arrêt révèle les contenus et historiques des échanges de courriels entre les acquéreurs et les vendeurs transmis par le professionnel. Les magistrats de la Cour d’Appel ont relevé que les courriels des acquéreurs ne pouvaient être considérés comme une offre d’achat (tels que définis dans le Code Civil) en ce qu’ils ne faisaient pas mention « d’éléments essentiels du contrat projeté tels que l’état civil des acquéreurs, la désignation cadastrale du bien, la ventilation du prix entre meubles et immeuble, les modalités de paiement du prix et la condition suspensive liée à l’obtention d’un prêt, le montant du dépôt de garantie, éléments qui ont fait l’objet d’échanges ultérieurs en vue de leur mention dans le compromis de vente en cours d’élaboration ce dont il résulte que les parties étaient toujours en pourparlers en vue de la signature d’un compromis de vente. »

Ainsi, la Cour d’Appel a débouté ces premiers acquéreurs de leur demande de se voir être reconnus propriétaires du bien alors qu’ils pensaient leur « offre » acceptée. Néanmoins, ce qu’ils pensaient être une offre d’achat n’a pas été reconnue comme telle. Pour rappel, une offre, selon le Code Civil, doit être précise, ferme et assortie d’un délai.

En l’espèce, le caractère de précision sur les éléments essentiels du contrat manquaient, dès lors, le premier courriel portant proposition d’achat n’a pas pu être reconnu comme offre d’achat et malgré la réponse positive, après hésitations, des vendeurs, n’a pu être reconnue comme formant contrat de vente, mais comme simple poursuite de négociations et donc comme pourparlers qui ne valent pas contrat de vente !

Quel enseignement retirer de cette affaire pour les professionnels ?

Bien souvent, les intermédiaires, dans un souci de célérité se contentent d’écrits lacunaires et imprécis de la part d’acquéreurs potentiels qu’ils croient former offre d’achat ; bien souvent formulés par courriel (rappelons la difficulté de prouver l’émetteur d’un courriel …).

Une offre d’acquérir un bien doit être précise en ce qu’elle doit comporter l’état civil de son émetteur, la désignation cadastrale du bien, un prix précis et ventilé sur l’immeuble et les meubles, les conditions suspensives proposées, le versement d’un dépôt de garantie… L’offre ressemblerait donc à un condensé d’avant contrat.

Elle doit aussi être ferme, en ce sens qu’elle doit manifester la volonté de son auteur d’être engagé à acquérir le bien en cas d’acceptation du vendeur (même si des dispositions protectrices existent pour l’acquéreur lors de la signature de l’avant-contrat).

Enfin, il est vivement souhaitable que l’offre comporte un délai pendant lequel elle est valable et donc à l’issue duquel elle sera considérée comme caduque.

Un dernier conseil ?

Les éditeurs de logiciels de rédaction d’actes tel que Modelo proposent des formulaires d’offre qui répondent à ces critères permettant de donner la qualification juridique d’offre aux propositions d’achat de vos acquéreurs ; ces solutions bénéficient de la possibilité de faire signer électroniquement ces véritables offres à vos clients acquéreurs, ce qui confère davantage de force à ces actes ; et enfin, pour satisfaire aux modalités de transmission imposées par le décret du 20 juillet 1972 complétant la loi Hoguet, ils permettent de les transmettre régulièrement par lettre recommandée électronique !

Moralité ?

  • Ne plus se contenter d’écrits lacunaires de la part des acquéreurs,
  • Utiliser les documents faits par des juristes,
  • Respecter les modalités de transmission fixées par la loi Hoguet et son décret.

Lire l’arrêté ici
 

Quentin LAGALLARDE

Quentin LAGALLARDE , Chartered surveyor MRICS, expert évaluateur en immobilier près la Cour d’Appel de Caen.

Certifié en expertise immobilière de l'ESSEC Business School et titulaire du DU expertise judiciaire (faculté de Droit de l'université de CAEN). Il est membre agréé du collège des experts du SNPI, Quentin LAGALLARDE dispose de plusieurs années d'expérience dans différents cabinets immobiliers en matière d'expertise, transaction et location. Il est certifié REV par TEGoVA, MRICS et également inscrit sur la liste des experts près la Cour d'Appel de Caen.
En sus de son activité expertise, il est formateur auprès des professionnels de l’immobilier. Ses formations sont disponibles sur www.cotentin-expertise.fr.
Téléphone : 02 33 03 17 02
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