Des retards de chantier peuvent remettre en cause la validité des autorisations d’urbanisme. Le point sur la réglementation.
Le confinement provoqué par l’état d’urgence sanitaire a fortement perturbé le régime de l’instruction des demandes d’autorisation d’urbanisme, comme on a pu le constater dans notre dernier article ¹. Avec le déconfinement et la reprise d’activité progressive dans le secteur du bâtiment, d’autres sujets de préoccupation se font jour. Ainsi, les titulaires d’autorisations d’urbanisme, notamment de permis de construire, contraints de retarder leur chantier, peuvent s’inquiéter de ce temps perdu. Il est vrai qu’un risque de caducité menace les autorisations d’urbanisme, lesquelles sont toujours accordées pour une durée déterminée. La présente étude se propose de rappeler les principes qui s’appliquent en la matière.
Calculer la durée de validité
L’article R. 424-17 du Code de l’urbanisme (CDU) fi xe à trois ans la durée de validité des permis (permis de construire, permis d’aménager et permis de démolir) et les décisions de non-opposition à des travaux ou projets déclarés (déclaration préalable). Ce délai de validité est d’ordre public. Il ne peut être l’objet d’aucune modulation de la part de l’autorité compétente pour délivrer l’autorisation d’urbanisme. A ainsi été jugé illégal l’arrêté accordant un permis de construire fixant un délai de six mois pour exécuter les travaux (Conseil d’État, 15 octobre 1982, n° 24333, Association de défense du cadre de vie et des intérêts des résidents et contribuables de Lalaye).
Le délai de validité commence à courir au jour de la réception de la décision par le pétitionnaire ou, en cas de décision tacite, au jour de l’achèvement du délai d’instruction de l’autorisation d’urbanisme. Dans cette dernière hypothèse, l’absence de notification d’un permis exprès de construire à son bénéficiaire ne fait pas obstacle à ce que coure à son égard ledit délai.
Par ailleurs, certains évènements affectant le régime de l’autorisation demeurent sans effet sur l’écoulement du délai de validité. L’obtention d’un permis modificatif n’a par exemple aucune incidence sur celui-ci, de même que son transfert à un nouveau bénéficiaire.
Dans d’autres cas, le délai de validité peut connaître toutefois une suspension. L’hypothèse la plus fréquente est constituée par l’engagement d’une action en justice. Le contentieux à l’origine de la suspension peut être administratif ou judiciaire. Le recours peut avoir été engagé devant le juge administratif aux fins d’annulation du permis ou de la décision de nonopposition aux travaux déclarés (art. R. 424-18 du CDU). Il peut s’agir aussi d’une action engagée devant la juridiction civile pour obtenir la démolition des constructions ayant été autorisées (art. L. 480-13).
Le délai de validité du permis de construire est suspendu depuis la date de la notification du recours au pétitionnaire jusqu’à la date à laquelle la décision juridictionnelle est devenue « irrévocable » (article R. 424-19 alinéa 1er).
Eviter la péremption de l’autorisation
Pour échapper à la péremption, le titulaire de l’autorisation devra « entreprendre », autrement dit débuter, les travaux au cours de ces trois années. Seul un acte matériel est susceptible d’interrompre le délai de validité de l’autorisation d’urbanisme. Le dépôt en mairie d’une déclaration d’ouverture de chantier, formalité juridique susceptible de ne pas être suivie d’effet, n’a pas d’incidence sur le cours de la péremption.
Tout travail immobilier impliqué par la réalisation du permis de construire n’est pas pour autant susceptible d’interrompre à lui seul le délai de validité. Pour que tel soit le cas, il doit réunir plusieurs conditions cumulatives. D’une part, les actes matériels d’exécution doivent constituer des travaux de construction. D’autre part, ces travaux doivent présenter une certaine ampleur pour qu’ils ne puissent pas être assimilés à un « simulacre destiné à éviter la péremption » (réponse ministérielle n° 17529, JO Sénat, question du 26/5/2011, p. 1384).
La faible importance des travaux au regard de l’ensemble de la construction à réaliser constitue de la même manière un indice aux yeux du juge. Ne sont pas jugées suffi santes, par exemple, les opérations entreprises quelques jours seulement avant l’expiration du délai de validité du permis et qui consistent, pour les unes, en des travaux de terrassement à l’exclusion de toute fondation ou dallage et, pour les autres, en des opérations de défrichage et de débroussaillement du terrain d’implantation de la construction (CE, 21/6/2002, n° 211864, commune de Cannet-des-Maures).
Quant à la preuve du commencement des travaux, elle peut être rapportée par tous moyens : production de factures établies par des fournisseurs de matériaux, comptes rendus hebdomadaires de chantier, témoignages, relevés de dépenses, etc. En cas de contestation, c’est toujours au constructeur qui prétend avoir effectué le début des travaux d’en rapporter la preuve devant le juge.
Une fois engagés régulièrement, les travaux peuvent ensuite être poursuivis pendant une durée indéterminée, sous condition de ne pas être interrompus pendant plus d’une année. L’autorité compétente en matière d’urbanisme ne peut donc contraindre le maître d’ouvrage à achever son projet dans un délai qu’elle jugerait raisonnable et ce, alors même que la qualité des lieux avoisinants et la tranquillité des voisins peuvent être troublées par la persistance du chantier.
Prolonger la durée de validité des autorisations
Le Code de l’urbanisme prévoit enfin un mécanisme de prolongation de la durée de validité des autorisations d’urbanisme. L’article R. 424-21 permet que la prorogation de l’autorisation puisse être demandée désormais deux mois pour une durée d’un an. Seul le bénéficiaire de l’autorisation a qualité pour adresser cette demande. Il peut toutefois s’agir d’une nouveau bénéficiaire de l’autorisation si un transfert de celle-ci est intervenu conformément la procédure prévue à l’article A. 431-8 du CDU.
Dans la forme, la demande de prorogation doit être établie en deux exemplaires et adressée deux mois au moins avant l’expiration du délai de validité initial. La prorogation est acquise si l’administration conserve le silence jusqu’à l’échéance du délai de validité en cours. Elle prend alors effet à cette date.
L’autorité compétente saisie d’une demande de prorogation refusera néanmoins d’y faire droit « si les prescriptions d’urbanisme et les servitudes administratives de tous ordres auxquelles est soumis le projet n’ont pas évolué de façon défavorable à son égard ». A l’inverse, la prorogation est de droit lorsque ces conditions ne sont pas remplies. L’autorité compétente ne peut pas faire état d’autres considérations – évolution des circonstances de fait par exemple – pour refuser la prorogation. Est ainsi illégal le refus de prorogation opposé sur le motif de « l’aggravation, postérieurement à la délivrance des permis de construire, des risques de chute de pierres sur les terrains d’assiette des constructions du projetées » (CE, 5 novembre 2003, n° 230535, commune d’Eze).
En définitive, sous réserve de l’absence d’évolution des règles d’urbanisme applicables et de la recevabilité des demandes de prorogation adressées à l’administration, la durée de validité des autorisations d’urbanisme s’avèreê être non pas de trois mais de cinq ans (3 + 1 + 1). Dès lors, leurs titulaires peuvent normalement rester sereins lorsque, du fait d’empêchements dirimants comme ceux que nous vivons à l’heure actuelle, l’ouverture du chantier accuse un retard de quelques mois.
1 « Permis de construire et nouveaux délais », JDA juin 2020, p. 66.
Vincent LE GRAND est universitaire et consultant en droit de l'urbanisme et de l'aménagement.
Il répond à toutes demandes de consultation et propose aux acteurs de l'immobilier des accompagnements adaptés en assistance juridique (VLG CONSEIL).
Vincent LE GRAND a créé et dirige le diplôme d'université "Droit de l'urbanisme" au sein de l'Université de Caen Normandie, seule formation continue ouverte en e-learning dans ce domaine à l'échelle nationale