Brice Cardi, PDG du réseau immobilier coopératif L’Adresse, fait le point sur le 1er trimestre qui, malgré le durcissement des conditions d’octroi de crédit, laissait présager encore de beaux mois dans l’immobilier ancien avec des prix au m² en hausse de 1,2% au national sur 3 mois. Jusqu’à ce que le confinement mette un coup d’arrêt brutal à l’activité…
Alors que le marché de l’immobilier ancien en 2019 avait été un record avec un volume des ventes en augmentation de 8% et des prix prenant 3%, le 1er trimestre laissait présager encore de beaux mois avec des prix au m² en hausse de 1,2% au national sur 3 mois, 1,7% pour Paris, et ce malgré le durcissement des conditions d’octroi de crédit demandé aux banques. Cependant, la crise du coronavirus avec l’annonce, à la mi-mars, d’une France confinée a marqué un coup de frein dans l’économie du pays, l’immobilier n’y faisant pas exception. Mise sur pause temporaire ou véritable rupture, l’avenir nous le dira…
Des voyants au vert mais des profils sensibles qui commencent à montrer des signes de difficultés
Sur la période du 1er janvier au 15 mars 2020, le marché de l’immobilier a profité d’une activité dense, portant ainsi les prix au m² à 2 771 € en moyenne, ce qui correspond à une hausse de 1,2% sur 3 moins et 5% sur un an. Du côté des délais de vente, un jour de plus est à noter (86 jours de délai environ). Malgré ces chiffres, il est important de noter que la demande faite auprès des banques en début d’année de durcir les conditions d’octroi des crédits immobilier commence doucement à éloigner du marché certains acquéreurs.
« Les primo-accédants ainsi que les ménages les plus modestes, les deux profils les plus sensibles au niveau économique et qui avaient largement bénéficié des taux bas ainsi que des conditions assouplies leur permettant une acquisition immobilières avec peu ou pas d’apport, laissent poindre quelques signes de faiblesse. Ainsi, nous avons vu, au sein du réseau l’Adresse, des dossiers, qui auraient pu passer précédemment, ne pouvoir aboutir pour cause de refus de prêt », analyse Brice Cardi, PDG du réseau immobilier coopératif.
En province, le marché se porte bien… pour le moment
Avec une activité portée par les grandes villes, bassins d’emplois et donc d’attractivité forte, la province voit ses prix poursuivre leur augmentation : +1,2% sur les 3 premiers mois de l’année 2020, portant la hausse à 4,3% sur les 12 derniers mois. Le m² est actuellement affiché à 2 295 €. Du côté des délais, pas d’emballement pour autant, il est possible de prendre un temps de réflexion assez appréciable lors de son acquisition puisque nous sommes sur une moyenne de 93 jours, +1 depuis 3 mois.
« Si jusqu’à présent nous avons pu constater que l’acquisition immobilière se faisait auprès de l’ensemble de la population, foyers modestes compris, portant donc vers le haut le marché immobilier de province, j’ai bien peur que les nouvelles dispositions des banques ne changent la donne, de même que les obligations sanitaires liées au coronavirus. Nous risquerions alors de voir se creuser, encore davantage, l’écart entre les grandes villes, bassins attractifs, et les villes plus petites, moins urbaines qui, elles, ont de fortes chances de décrocher », avertit Brice Cardi.
Une Ile-de-France au diapason de la capitale
Si la hausse des prix en Ile-de-France est stable aux environs de 1% supplémentaire tous les trois mois (+0,9% au T1 2020 vs. le 4ème trimestre 2019), et ce depuis quelques mois, cela ne représente pas moins de 4,8% sur 1 an, traduisant désormais un m² à 3 634 € en moyenne. Centrifugés de la capitale, aux prix inaccessible au plus grand nombre, la région Ile-de-France constitue pour les acquéreurs, primo-accédants en tête, un marché de report idéal, en termes de pouvoir d’achat, au vue de ses prix très attractifs et de l’arrivée imminente des réseaux de transports en commun renforcés du Grand Paris Express. Ainsi, ils sont à même de concilier à la fois leur désir de proximité avec Paris et la nécessité de disposer d’une surface habitable intéressante pour la famille.
Du côté des délais de vente, ils sont stables à 70 jours en moyenne (-1 jours depuis le 4ème trimestre 2019), ce qui nécessite de se positionner rapidement lorsqu’un bien nous intéresse, comme le confirme Denis Clavel, Directeur d’agences à Chilly-Mazarin et Palaiseau, qui note « Si vous rentrez un bien à son prix, vous pouvez le vendre dans la semaine. Les acheteurs, désormais informés concernant le marché, se révèlent de plus en plus raisonnables : s’ils trouvent le bien qu’ils cherchent à un prix qui leur semble raisonnable, ils n’hésitent pas à faire une offre. En revanche, ils n’iront pas au-delà du montant qu’ils estiment juste. »
Cependant, depuis le début de l’année 2020, il est à noter que la cadence habituelle entame une décélération. Laurence Vene, sociétaire à Gif-sur-Yvette et Briis-sous-Forge, de résumer la situation : « Après une très bonne année 2019 dû notamment aux taux de crédit qui ont permis le retour des primo-accédants ainsi qu’une recrudescence de l’investissement locatif, nous assistons en ce 1er trimestre 2020 à un ralentissement de l’activité, sans doute à cause du manque de biens sur le marché. Les dernières ventes que nous avons réalisées se sont ainsi conclues en deux ou trois jours. »
A Paris, une hausse plus contenue dans les prix mais une offre toujours à la peine
En ce début d’année 2020, il semblerait que la frénésie dans la hausse des prix de l’immobilier commençait doucement à se calmer, comme l’explique Muriel Goldberg, Gérante de l’Agence l’Adresse du Canal située à Paris 10ème : « Après 10% de hausse en 2019, la progression des valeurs semble ralentir. Il n’en reste pas moins que les prix actuels demeurent élevés pour des biens classiques dans des immeubles sans caractère.»
La situation constatée dans le 10 ème arrondissement de Paris est fidèle à celle constatée sur l’ensemble de la capitale. Ainsi, même si nous notons toujours une hausse des prix au m² (+1,7% en 3 mois, +8,2% en 1 an), cette dernière marque un léger ralentissement dans sa cadence depuis janvier. Pour autant, les prix de l’immobilier sont à une valeur record puisque le m² s’achète désormais à une moyenne de 10 424 €. Du côté des délais de vente, ils se raccourcissent encore, perdant 3 jours en 3 mois (55 jours).
Anne Avisse, Directrice de l’agence Cambronne à Paris 15ème souligne : « Pour une offre, on compte 25 demandes. Plus que jamais, la pénurie de biens à la vente sur le marché parisien est prégnante et conduit à l’emballement de ce marché, même si un plafond au niveau des prix commence à être atteint, sur le principe de ce qui est rare est cher, poussant alors les acquéreurs à se positionner au prix et le plus vite possible afin de ne pas manquer le bien qu’ils convoitent », explique Brice Cardi, PDG de l’Adresse.
Des perspectives incertaines même si l’optimisme est de mise à l’Adresse
A date, difficile de se projeter au vue de la situation inédite à laquelle l’ensemble du pays se retrouve confronté. Il est par contre, incontournable de souligner que si l’activité immobilière est ralentie, elle continue de fonctionner de manière adaptée grâce à la digitalisation, offrant ainsi une pleine continuité des dossiers en cours avec la dématérialisation des actes authentiques, les visite virtuelles et autres signatures éléctroniques. Les études notariales, elles, sont un peu à la peine pour suivre la cadence et enregistrent des délais de traitement supérieurs à l’accoutumée.
Malgré le contexte singulier, Brice Cardi, Président de l’Adresse, de rappeler : « un porteur de projet immobilier, qui doit vendre pour cause de mobilité professionnelle ou devant la nécessité de disposer d’une pièce en plus depuis l’arrivée du petit dernier, pourra différer son projet mais devra le concrétiser. Ainsi, si l’annonce du confinement a vu certains vendeurs se retirer du marché et certains acquéreurs mettre en pause leur projet, je ne doute pas qu’ils feront leur retour dès lors qu’ils seront davantage dans ces perspectives. »
Apaisant lorsqu’il se projette dans l’avenir, Brice Cardi n’en est pas moins attentiste en ce qui concerne certains profils. « J’ai bien peur que les plus fragiles économiquement, les primo-accédants ainsi que les ménages les plus modestes, qui seront malheureusement les plus durement touchés par les conséquences économiques de ce confinement, ne puissent revenir de suite sur le marché de l’acquisition immobilière.
De même que les investisseurs, revenus, depuis quelques années, en force sur le marché, qui risqueraient de ralentir leurs placements immobiliers alors que nous avons grandement besoin d’eux, notamment sur le marché locatif. Le succès du dispositif Denormandie, par exemple, repose sur un cercle vertueux : attractif pour les investisseurs, à qui il permet la défiscalisation de leur achat immobilier, il est également bénéfique d’un point de vue locatif puisqu’il permet de rénover des biens, qui en ont grandement besoin, ainsi que d’en remettre un certain nombre à la location, alors qu’ils n’étaient plus en état de l’être, fluidifiant alors le marché locatif des villes tendues.»
Les Français rêveront sûrement d’une pièce en plus, d’un espace extérieur.
Le Président de la coopérative immobilière de clore, optimiste : « Au sortir de cette période de confinement, je ne serais pas surpris que de nombreux Français viennent à notre rencontre, à moyens ou longs termes, ayant constaté, durant cette période chez eux, qu’ils aimeraient disposer d’une pièce en plus, d’un espace extérieur ou voulant carrément changer de mode de vie en déménageant de ville. »