Désignée par le Code civil comme un droit de propriété, la mitoyenneté implique aussi des contraintes de part et d’autre.
Bien s’entendre avec ses voisins n’est pas toujours une chose aisée, et de nombreux sujets de tension peuvent donner lieu à des conflits : végétation envahissante, nuisance sonore, nuisance olfactive… Mais l’une des principales source de conflit entre voisins reste encore la mitoyenneté.
En quoi consiste la mitoyenneté ?
Régie par les articles 653 et suivants du Code civil ainsi que l’article 7 de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, la mitoyenneté est un droit réel de nature immobilière assimilable à une forme particulière de copropriété. Elle ne s’applique qu’aux murs et aux clôtures (barrières, fossés, haies, palissades) qui constituent la séparation de deux propriétés privées contiguës. Elle ne constitue pas une servitude mais bien un droit de propriété qui génère une obligation réciproque entre voisins.
Comment établir le caractère mitoyen d’un mur ou d’une clôture ?
La preuve de la mitoyenneté d’un mur ou d’une clôture peut être apportée de deux manières distinctes. Elle peut être acquise par un titre de propriété, acte notarié qui vient préciser le caractère mitoyen de l’élément construit sur la ligne séparant les deux propriétés. À défaut de titre, le propriétaire mitoyen peut invoquer la prescription trentenaire dite « prescription acquisitive ». Pour ce faire, il doit prouver qu’il s’est comporté en véritable copropriétaire pendant trente ans de manière continue, paisible, non équivoque et publique. Ce délai peut être réduit à dix ans s’il pensait, à tort, détenir un titre de propriété. En l’absence de preuve probante, il est possible d’établir le caractère mitoyen d’un mur ou d’une clôture. Les articles 653 et 666 du Code civil définissent effectivement la notion de présomption de mitoyenneté. Ainsi, on retiendra que, sauf dispositions contraires, un mur ou une clôture sont présumés mitoyens lorsqu’ils séparent un bâtiment, une cour et un jardin ou des enclos dans des champs.
De même, si l’on considère l’article 7 de la loi n°65- 557 du 10 juillet 1965, toute matérialisation d’une séparation entre deux fonds est présumée mitoyenne. La présomption de mitoyenneté peut encore résulter des constructions contiguës édifiées à des hauteurs différentes : le mur séparatif est supposé commun jusqu’au niveau où s’arrête l’ouvrage le plus bas. La partie du mur située au-delà appartient strictement au propriétaire de l’édifice le plus haut.
La présomption de mitoyenneté peut enfin résulter de la construction à frais communs d’un mur. A contrario, l’article 654 du Code civil établit une liste de non-mitoyenneté qui n’est toutefois pas limitative. L’article 666 vient par exemple préciser, en matière de fossés, qu’il y a marque de non-mitoyenneté lorsque la levée ou le rejet de la terre se trouve d’un côté seulement du fossé.
Peut-on acquérir la mitoyenneté d’un mur ou d’une clôture ?
Un propriétaire a la possibilité d’acquérir la mitoyenneté d’un mur ou d’une clôture séparant sa propriété de celle de son voisin, en lui présentant une demande d’acquisition. L’accord des parties fait l’objet d’un acte notarié constatant cette acquisition. Si les parties ne parviennent pas à trouver un accord, une procédure judiciaire peut être engagée.
Dans le même ordre d’idées, un propriétaire peut contraindre son voisin à acquérir la mitoyenneté d’un mur (et uniquement d’un mur) dès lors que la construction n’a pas débuté. En effet, une fois construit, le mur reste privatif, même s’il est situé sur la limite séparant les deux fonds.
Quels sont les droits et les devoirs des copropriétaires ?
Chacun des copropriétaires a des droits identiques sur la clôture ou le mur mitoyen, et peut construire ou faire les travaux qu’il souhaite, contre (art. 657 du Code civil). Il peut y installer des plantations (art. 671), des ouvertures (art. 675), le surélever (art. 658) voire même utiliser sa partie de mur à des fins d’affi chage publicitaire. Afin de se prémunir contre tout litige, il doit en informer l’autre copropriétaire et recueillir son accord par écrit (art. 662).
En matière d’obligations, la conservation de la clôture ou du mur mitoyen est assurée par chacun des copropriétaires. À tort, on pense souvent que chacun est uniquement responsable de la partie située sur sa propriété. Or, il ne s’agit là que d’un usage pratique ; légalement la dépense doit être divisée proportionnellement aux droits de chacun (art. 655). À défaut de respect de cette obligation, une procédure judiciaire peut être engagée.
En cas d’urgence (menace d’écroulement, d’inondation…), il n’est néanmoins pas obligatoire de recueillir l’accord du voisin pour réaliser les travaux de conservation. Toutefois, le copropriétaire qui a effectué seul les travaux devra établir le caractère urgent de l’opération pour se faire rembourser.
Il reste possible pour un propriétaire de se soustraire à cet entretien en décidant d’abandonner son droit de mitoyenneté. Cette renonciation doit être formulée dans un acte notarié publié au service de la publicité foncière. Toutefois, la jurisprudence a accepté, dans un arrêt du 3 octobre 1973, que la renonciation puisse être présumée en raison de « faits impliquant sans aucun doute la volonté de renoncer ».
En revanche, cet abandon est écarté lorsque le demandeur utilise le mur comme support pour y appuyer des ouvrages (art. 656 et 667 du Code civil) ou lorsque la mitoyenneté concerne un mur de soutènement (art. 656). En effet, le propriétaire tirerait alors profit de cette dernière sans en supporter les charges. Au même titre, en présence d’un fossé servant à l’écoulement des eaux, il ne peut y avoir renonciation (art. 667-2). Enfin, cette renonciation n’est pas non plus envisageable si la négligence du demandeur est à l’origine de la dégradation de l’élément mitoyen (Cass. civ 1re, 4/11/1963).
Quelle est la juridiction compétente en matière de conflits ?
Selon la nature et le montant du litige, les tribunaux compétents en matière de mitoyenneté sont le tribunal de grande instance ou le tribunal d’instance du lieu où est édifi é l’élément mitoyen.
Caroline Theuil
Juriste, expert en évaluation et médiatrice judiciaire et conventionnelle
Titulaire d'un double master en droit, Caroline THEUIL est avant tout spécialiste des contrats immobiliers : elle dispose d'une expertise de près de 10 ans en la matière notamment auprès des personnes publiques. Elle pratique par ailleurs l'évaluation immobilière avec la particularité d'avoir une expérience, et donc une approche, à la fois fiscale et privée de la matière. Éprouvée par la dureté des contentieux, elle s'est instinctivement orientée vers l'apaisement des relations humaines. Médiatrice, elle participe ainsi aujourd'hui activement à la prévention des différends et à la résolution amiable des situations conflictuelles, que celles-ci apparaissent dans un cadre privé ou en entreprise. Forte de cette richesse professionnelle, elle est chargée d'enseignement universitaire, et forme, partout en France, des professionnels de tous horizons.
pour réagir à votre article, si un bien est mitoyen avec un mur imbriqué dans la maison mitoyenne, il y a division volumétrique cadastrale, sans copropriété, car aucune partie n’est commune, chaque maison a une entrée personnelle, donc la répartition des travaux s’il y en avait besoin, se ferait au prorata des parties murs communes, sauf erreur.
Par carmen baggio, il y a 5 années
pour réagir à votre article, si un bien est mitoyen avec un mur imbriqué dans la maison mitoyenne, il y a division volumétrique cadastrale, sans copropriété, car aucune partie n’est commune, chaque maison a une entrée personnelle, donc la répartition des travaux s’il y en avait besoin, se ferait au prorata des parties murs communes, sauf erreur.