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« Logement indigne : Nous devons vouloir le zéro défaut face à un enjeu humain de cette gravité », Benjamin Darmouni

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Benjamin Darmouni, président délégué du Pôle Unis IDF et Grand Paris agents immobiliers et administrateurs de bien doivent participer à une politique digne de lutte contre le logement indigne. Tribune.

photo : BENJAMIN DARMOUNI

Le gouvernement et en son sein le ministre de la ville et du logement ont fait une priorité absolue de lutter contre le logement indécent. Ils ont eu à ce sujet le discours le plus volontariste jamais entendu au sommet de l’État et il faut saluer cette détermination. C’est ainsi que l’arsenal juridique s’est récemment renforcé, en particulier pour assainir de ce véritable cancer les immeubles en copropriété. La loi ELAN du 23 novembre 2018 ne comporte pas moins d’une dizaine de dispositions, venant compléter ou corriger des mesures déjà inscrites dans le droit, notamment celles qui en 2000 avaient interdit la location de logements insalubres. Bien sûr, les pouvoirs publics ont identifié les principales causes de l’indécence : à côté de la désolvabilisation des propriétaire bailleurs et du vieillissement inéluctable de notre patrimoine urbain et rural, les marchands de sommeil sévissent dans tous les marchés tendus. Ils exploitent la misère humaine ou simplement la fragilité de travailleurs pauvres, incapables de trouver un logement locatif normal tant leur situation est précaire.

La loi ELAN a instauré des sanctions financières à leur encontre, en permettant à l’administration fiscale de recouvrer d’office l’impôt sur des revenus fonciers illégalement perçus. Elle a également interdit qu’une personne condamnée pour location de logement indigne puisse acheter un nouveau bien. Elle a empêché que des biens identifiés comme indécents soient vendus par adjudication. Elle a privé un marchand de sommeil du versement direct des allocations familiales dues à un locataire éligible. En outre, les autorités publiques peuvent contraindre ce type de propriétaire à réaliser des travaux de salubrité, sous peine d’astreintes. Enfin, le permis de louer inauguré par la loi ALUR de 2014 a été revu par l’ELAN : ainsi, lorsque le pouvoir de décider de cette mesure est dans les mains de l’intercommunalité, il peut être délégué aux communes, par souci d’efficacité. C’est ainsi que les maires de Clichy et de Gennevilliers ont identifié les immeubles dans lesquels un accord de la part de leurs services est indispensable avant toute location. Elles ont recruté des agents pour contrôler l’état des logements du parc situé dans leur commune. Précisément parce que cette politique exige un déploiement de moyens publics considérable, on peut se demander pourquoi l’État n’exonère pas les administrateurs de biens du permis de louer pour les logements qu’ils gèrent, en faisant d’eux des adjoints des politiques publiques : régulièrement contrôlés par les autorités administratives, ils présentent toutes les garanties de compétence et de sérieux.

On ne peut nier en tout cas que les moyens mis en œuvre pour éradiquer le mal soient considérables. Il reste que le principal problème tient à la difficulté de repérer les logements concernés. C’est pourquoi le législateur a assigné aux professionnels de l’immobilier dont les activités sont règlementées par la loi du 2 janvier 1970, les agents immobiliers et les administrateurs de biens, la mission de porter à la connaissance des autorités les situations d’insalubrité et d’indignité. La mission va jusqu’à la dénonciation des propriétaires qui se rendent coupables de loger des locataires dans des conditions inacceptables. La communauté professionnelle a pu considérer qu’il s’agissait d’une contrainte légale de plus : elle a vite compris que le rôle d’auxiliaire de l’État pour une grande cause était d’une part non négociable, et surtout qu’il constituait pour les acteurs de l’immobilier une marque d’estime publique. Personne ne sait mieux que celles et ceux qui gèrent les immeubles collectifs, les logements loués ou qui favorisent les ventes de biens où sont les problèmes, et quelle est leur origine, qui va de l’impécuniosité à la cupidité, qui ne sont passibles ni du même regard contempteur ni des mêmes sanctions.

Néanmoins, à supposer que tous les professionnels jouent le jeu avec le même zèle, ils ne pourront traiter que la partie du parc qui leur est confiée et dans la mesure de leurs moyens d’investigation. Ainsi, si les syndics professionnels gèrent effectivement neuf immeubles sur dix, encore faut-il, sur la base d’un soupçon, qu’ils accèdent aux parties privatives dont ils doutent de la salubrité. Si l’on parle du parc locatif, qu’on sait très atteint dans nos villes, les administrateurs de biens n’en gèrent que le tiers. Enfin, les ventes et les locations sont pour une moitié seulement intermédiées. En clair, il est besoin d’un outil à part entière et le seul engagement de la communauté immobilière ne suffira pas. C’est dans ce contexte d’urgence qu’une initiative a vu le jour, portée par la Maison de l’habitat et du projet urbain de Pau, guichet unique d’information et de conseil pour l’amélioration de l’habitat, sous le nom d’Histologe, un audit relatif à la décence est attaché à chaque logement mis à la location ou éventuellement mis en vente, prenant en considération toutes les dimensions techniques liées à la dangerosité sanitaire. La non conformité de l’installation électrique comme l’humidité ou la présence de mérules sont visées dans le dossier de diagnostic. En cas de feu rouge, le propriétaire est orienté vers les bonnes solutions en vue de la requalification de son bien et de l’autorisation effective de le remettre en marché.

La comparaison avec le contrôle technique automobile vient naturellement, avec un mécanisme de contre-visite obligatoire avant relocation ou cession. Comme pour les automobiles, les personnes habilitées à réaliser ces audits ciblés seraient des spécialistes, diagnostiqueurs par exemple, dûment formés et équipés.

L’équipe qui a développé Histologe, pilotée par Chouaid Nounes, directeur de la Maison de l’habitat du Béarn, en liaison directe avec la présidente de l’UNIS locale Julie JOANIN, vient d’être reçue par deux députés spécialistes du logement, Guillaume Vuilletet et Jean-Paul Mattéi, également président du Conseil de l’immobilier de l’État. L’UNIS du Grand Paris, qui agit sur le territoire sans doute le plus atteint par le logement indigne, est également investie dans cette démarche et se mobilise pour qu’aucun outil ne soit négligé au moment de faire cesser cette honte de notre pays.

Il n’est que temps, au-delà de la déclaration de guerre -ce sont les propres mots du ministre Julien Denormandie- contre l’indécence, devenue intolérable, de fabriquer le crible absolu qui ne laissera passer aucun logement indigne. Nous devons vouloir le zéro défaut, face à un enjeu humain de cette gravité. Le diagnostic systématique pour toute nouvelle location et toute cession est la réponse la plus forte. Ajoutée à l’action de détection et de signalement des agents immobiliers et des administrateurs de biens, qui sont en effet de précieux observateurs du parc, cette action doit avoir pour objectif exigeant d’assainir en cinq ans au maximum le patrimoine résidentiel privé de notre pays.

 

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