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« Fichier national et droit à honoraires », Me Caroline Dubuis Talayrach, avocat

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La libre consultation du fichier des professionnels de l’immobilier n’est pas sans conséquence sur l’exercice et le droit à honoraires.

photo : droit à honoraires journal de l'agence

Depuis le 1er juillet 2015, les chambres de commerce et de l’industrie sont l’autorité compétente pour délivrer les cartes professionnelles, les récépissés de déclaration préalable d’activité et les attestations de collaborateurs. Ne pas  être en règle avec ces  obligations peut conduire à exercer illégalement la profession avec à la clé des sanctions civiles,  pénales et en termes d’image.

Exercer régulièrement pour être rémunéré

Cela va de soi, mais pour être rémunéré, il faut exercer régulièrement. À défaut, les sanctions sont civiles (perte du droit à honoraires), pénales et d’image.

A – Les obligations

Détenir une carte professionnelle en cours de validité

Pour être titulaire de la carte professionnelle, il faut remplir les conditions d’aptitude, de garantie financière, d’assurance, et d’honorabilité. Tant que la carte n’est pas été délivrée, le professionnel ne peut pas exercer.

Un dossier « en cours » ne permet pas d’exercer. Idem lors du renouvellement de la carte. Si vous dépassez l’échéance de votre carte sans avoir obtenu son renouvellement, vous êtes en exercice illégal. Or, pris par le quotidien, les délais de renouvellement de carte peuvent être facilement oubliés surtout depuis que la durée a été ramenée à trois ans. Rappelons qu’une demande de renouvellement doit être déposée deux mois avant l’échéance (article 80 du décret n° 72- 678 du 20/07/1972) et que la condition de formation de 42 heures sur trois ans (dont deux de déontologie) doit être justifiée.

Des collaborateurs avec des attestations d’habilitation

Cette formalité n’est pas toujours respectée au début de contrat (période d’essai, délais de la chambre de commerce et d’industrie, contrat d’apprentissage, besoin urgent…). Il n’en demeure pas moins que le collaborateur, en contact avec la clientèle, doit avoir son attestation dès le premier jour de travail. Si la demande a été faite, vous pouvez bénéficier en cas de contrôle de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) d’une tolérance administrative, mais les sanctions civiles et pénales demeurent, notamment la perte du droit à honoraires.

Enfi n, dans l’attente de l’attestation, faire signer les mandats par une personne habilitée ne règle que partiellement la situation. En effet, doivent être habilités les collaborateurs qui « négocient, s’entremettent ou s’engagent » pour le  ompte du titulaire de la carte (article 4 de la loi n° 70-9 du 2/1/70). Pouvoir s’engager et signer les mandats est l’une des trois actions que peut faire un collaborateur habilité. Le seul fait de négocier et/ou s’entremettre, sans être titulaire de l’attestation, est potentiellement une cause de perte du droit à honoraires.

B – Sanctions civiles, pénales et d’image

Perte du droit à honoraire (sanction civile)

La première conséquence d’un exercice sans carte valide ou sans attestation d’habilitation est la perte du droit à honoraires. La jurisprudence en fait régulièrement application (Cass. 1re civ., 5/4/12, n° 11-15569 ; CA Lyon, 04/07/19, n° 17-04395 ; CA Montpellier, 10/4/18, n° 15/06170 ; CA Nîmes, 6/1/11, n° 07-04653). La sanction est constante.

C’est souvent à l’occasion d’une contestation sur une opération en cours que ce point est soulevé. Le Fichier national des agents immobilier (www.cci.fr) permet à toute personne, client, avocat, DGCCRF, agent immobilier, de vérifier si les professionnels exercent régulièrement. Ainsi, le risque pour un professionnel exerçant  illégalement, de perdre son droit à honoraires, est accru du fait du nombre de personnes ayant maintenant accès à l’information et de sa facilité d’accès.

Délit d’exercice illégal (sanction pénale)

La deuxième conséquence est la sanction pénale. L’article 14 de la loi Hoguet punit de six mois d’emprisonnement et de 7 500 euros d’amende le fait d’exercer sans carte et « le fait de négocier, s’entremettre ou prendre des  engagements pour le compte du titulaire de la carte, sans y avoir été habilité dans les conditions de l’article 4 […] . » Des peines complémentaires telles que l’interdiction d’exercer peuvent également être prononcées (article 131-39 du Code pénal).

Enfin, les amendes sont multipliées par cinq pour les sociétés (article 131-41 du Code pénal). Exemple : condamnation à trois ans d’emprisonnement avec sursis, 5 000 euros d’amende et cinq ans d’interdiction d’exercer (cf. Cass. crim, 5/12/17 n° 16- 84962).

Risque d’’image

La troisième et dernière conséquence se décline à deux niveaux. Le premier est qu’il n’est pas rare que des clients,  découvrant que des collaborateurs immobiliers exercent sans attestation, privilégie une autre offre. Le lien de confiance est rompu. Cette réaction s’inscrit dans la recherche d’éthique et de transparence du consommateur (Journal de l’Agence n° 61, p. 72, « Une image humaine au service de la marque », par Nathalie Gardes) et pourrait se durcir dans les prochaines années. Le deuxième niveau est qu’un professionnel qui n’est pas « à jour » de sa  carte professionnelle ou des attestations de ses collaborateurs s’expose à un risque de diffusion de l’information sur les réseaux sociaux : c’est la sanction médiatique loin d’être théorique.

Etendue des pouvoirs de l’attestation d’habilitation

Avoir une attestation d’habilitation est nécessaire mais encore faut-il que le collaborateur agisse dans le cadre des pouvoirs dont il dispose. Or ces pouvoirs varient selon le statut du collaborateur (A) et les pouvoirs qui lui sont confiés (B).

A – Les statuts du collaborateur immobilier

Il peut exercer en qualité de salarié ou d’agent commercial. Ce dernier ne dispose pas des mêmes pouvoirs que le collaborateur salarié : l’agent commercial ne peut pas recevoir ou détenir de fonds, effets ou valeurs, rédiger des  actes juridiques (sauf des mandats), donner des conseils juridiques ou assurer la direction d’un établissement (article 4 de la loi Hoguet) ; le collaborateur salarié n’a pas ces limitations réglementaires mais, quel que soit son statut, il doit agir dans le cadre des pouvoirs qui lui sont délégués.

B – Étendue des pouvoirs délégués

Avoir une attestation est nécessaire, mais il est vivement conseiller d’être précis sur les pouvoirs délégués. La Cour de cassation a eu à trancher dans une affaire où la nullité d’un mandat était soutenue au motif que l’attestation du collaborateur ne précisait pas qu’il était habilité à signer les mandats. La Cour retient que, dans la mesure où le collaborateur était habilité à détenir des fonds, il disposait des pouvoirs les plus larges et pouvait donc signer le mandat (Cass. 1re civ, 3/11/16, n° 15-23234).

La solution aurait pu être différente si le collaborateur n’avait pas été habilité à recevoir des fonds.

 

A RETENIR

Le suivi des cartes professionnelles (délivrance, modifications, renouvellement), des attestations d’habilitation et des déclarations préalables est un sujet à part entière qui ne doit pas être sous-estimé. La désignation d’un  interlocuteur dédié (interne ou externe) et la création d’un process de suivi et de contrôle sont vivement recommandées, a fortiori dans les structures où les mouvements des collaborateurs sont importants et/ou les modifications statutaires fréquentes. La création du process de suivi intégrera a minima un juriste avec une double compétence « métier » et « corporate ».

 

Caroline Dubuis Talayrach

Caroline Dubuis Talayrach
Après plus de 20 ans d’exercice en Cabinet d’Avocats Conseils et comme Directrice Juridique et Méthode d’une enseigne nationale de franchise en agences immobilières, Maître Caroline Dubuis-Talayrach a ouvert son propre cabinet de :
- Mandataire en cessions d’agences immobilières, cabinets d’administration de biens et syndic
- Droit des affaires : Conseil et rédaction des actes en création et transmission d’entreprises, droit des contrats, droit de l’agent commercial, droit des sociétés, droit de la franchise, baux commerciaux
- Droit de l’agent immobilier : Conseil et rédaction des actes d’achat/vente de cabinets, formation professionnelle, exercice professionnel, honoraires, création de savoir-faire métiers

Sa philosophie : Conseiller – Négocier– Former– Défendre
Basé à Aix en Provence j'interviens sur toute la France.
Tel : 06 16 72 18 90
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