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La profession revoit sa communication

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À l’aune du tout Internet, des stratégies nouvelles sont à explorer. Sans pour autant délaisser les médias traditionnels.

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Les avis sont unanimes dans la profession. Avec l’entrée  dans l’ère du numérique et la multiplication des canaux de communication, les budgets marketing des réseaux d’agences immobilières, comme celui des indépendants, explosent : « Nous sommes passés d’un secteur où, en matière de communication, le mass market prédominait à des discours plus ciblés », constate Stéphane Fritz, directeur d’exploitation et du développement du réseau Guy Hoquet. » C’est le fer de lance de notre marque », assume Julien Haussy, fondateur du réseau Espaces Atypiques. « Cette année nous avons consacré 1,8 million d’euros TTC de notre budget à la communication et, dès 2020, nous serons à 2,2 millions d’euros. »

Dans l’immobilier, pas un acteur n’oserait limiter ses dépenses sur ce segment. Si les « majors » y consacrent des sommes importantes, les nouveaux venus sont tout aussi dépensiers, comme Keymex. Lancée en 2016, cette entreprise, à mi-chemin entre le modèle traditionnel et le réseau de mandataires, investit massivement pour se faire connaître. « Nous sommes passés d’un budget marketing et communication représentant 20 % de notre chiffre d’affaires à 25 %, et cela n’a pas fini d’augmenter », assure Najoua Baste Morand, responsable communication pour Keymex France.

A chaque objectif son media

Télévision, radio, Internet, presse papier, sponsoring… les occasions de se faire connaître ne manquent pas. À chaque groupe sa stratégie en fonction des produits commercialisés :  « Nous investissons dans le digital, mais pour les biens que l’on présente, le print est important. Une belle demeure en quatrième de couverture d’un magazine ou un loft qui passe dans un spot publicitaire au cinéma retient davantage l’attention des particuliers que sur un site web », souligne Julien Haussy. Le print, loin d’être mort (voir encadré), a encore une grande importance pour les professionnels. « C’est parfois bien utile pour obtenir des mandats exclusifs. Les clients aiment savoir que leur bien sera diffusé dans un magazine », admet Patrice Amate, président de la Société immobilière de Trest.

Si la radio a aussi son utilité en région, la télévision, notamment à travers le sponsoring d’émissions, demeure le meilleur moyen d’asseoir sa notoriété en tant que groupe de référence, comme témoigne Jérôme Bost, directeur communication chez Era Immobilier : « Nous sommes le cinquième réseau en France et, pour être davantage connu, la télévision reste le meilleur des véhicules. L’émission à sponsoriser est choisie par nos soins pour correspondre à nos valeurs et le public que l’on vise. Nous sélectionnons des programmes familiaux, plutôt regardés par un public féminin car, dans le foyer, c’est souvent la femme qui arbitre sur la transaction », ajoute-t-il. Le petit écran reste toutefois le pré carré des mastodontes de l’immobilier. Les tickets d’entrée y sont très chers – quelques dizaines de milliers d’euros voire plus – et varient fortement selon l’émission sponsorisée et son heure de diffusion.

LE PRINT FAIT DE LA RESISTANCE

A l’ère du digital existe-t-il encore une place pour la communication papier ? Oui, affirme, Wilfrid Paynel,  fondateur de Déclic Publications. L’entreprise travaille avec près de 2 000 professionnels de l’immobilier partout en France, qu’il s’agisse d’agents indépendants ou de grands réseaux nationaux. Lancée en 2010, la société réalise pour le compte des professionnels des magazines immobiliers papier sur lesquels ces derniers publient leurs  catalogues  de biens, des informations sur la région ou encore des bons conseils sur comment acheter un logement. « Le web ne permet pas de se distinguer de la concurrence », constate Wilfrid Paynel. « Tout le monde est présent de la même manière sur les mêmes sites. Le magazine aide à se démarquer. C’est une carte de visite sur laquelle le client revient, avec des photos de qualité et de l’information. Certains agent l’utilisent même comme outil de négociation pour obtenir des mandats exclusifs. Les gens veulent voir leur bien apparaître dans un journal. » Grâce à son logiciel de prémontage, Déclic Publications est en mesure de réaliser une cinquantaine de pages en seulement quelques heures et tirer le tout à plusieurs milliers d’exemplaires pour un coût bien plus faible qu’il y a une dizaine d’années. De quoi permettre au papier de rester dans la course face à la communication digitale.

Le numérique un el dorado ?

Pour les acteurs au budget plus serré, la solution la plus rentable reste le web, comme le notait déjà en 2017 France Stratégie dans un rapport : « Toute recherche d’un logement, à l’achat ou à la location, commence désormais sur Internet et c’est grâce à Internet que les professionnels peuvent améliorer leurs offres de service. Les portails d’annonces facilitent la rencontre entre l’offre et la demande (…). » En effet, la communication digitale pour une agence passe également par les portails immobiliers, censés générer des contacts qualifiés et donc des futurs clients. Leboncoin ou encore SeLoger domine la galaxie des sites d’annonces immobilières et il semble, selon les experts, difficile de les départager tant ils se complètent. Si le premier est reconnu pour générer un grand nombre de leads, le second offre des contacts plus qualifiés. « C’est souvent plus une question de régions », nuance Julien Villeneuve, directeur marketing et digital du groupe Orpi. Vous avez des territoires ou Leboncoin est leader et d’autres ou ce sera SeLoger. Il faut donc investir en fonction. »

En plus de la diffusion d’annonces, les portails mettent à la disposition des professionnels de nombreux outils pour améliorer leur visibilité sur leur site. Bien’ici, par exemple, permet aux petites agences qui n’auraient pas encore créé de site personnel d’afficher sur une  cartographie 3D uniquement les biens qu’elles proposent à la vente dans une ville ou un quartier donné.

Les agents immobiliers, les geeks de demain ?

Reste que l’enjeu pour tous les professionnels demeure de faire venir le grand public sur leur propre site Internet. On parle alors de « référencement naturel » et, en la matière, Orpi se distingue : « 50 % de notre trafic vient du référencement naturel et nous totalisons près de 3 millions de visiteurs uniques par mois sur www.orpi.com », observe Julien Villeneuve. Plus le réseau s’adresse à un public de niche et plus le site de la maison mère est important : « Nous sommes en train de rendre notre site responsive car, sur un micromarché comme celui du haut de gamme, c’est capital », constate Olivier de Chabot, directeur général du groupe Mercure dont le site comptabilise près de 1,3 million de visiteurs uniques par an.

La part du SEO (search engine optimization ou l’optimisation d’une page afin d’améliorer sa visibilité sur les moteurs de recherche par différents vecteurs) croît d’année en année dans les dépenses des professionnels : «Nous devons constamment nous adapter, déplore Patrice Amate. Nous allons de nouveau refondre le site pour qu’il corresponde mieux à la logique de Google. » Même constat pour Guy Hoquet qui opère une nouvelle refonte de site afin de rendre plus accessibles les visites virtuelles et autres innovations.

D’autres groupes anticipent les évolutions à venir du marketing digital en jetant un oeil à ce qui se fait outre-Atlantique. C’est le cas de Century 21 qui met de côté l’acquisition de nouveaux leads à tout prix pour se concentrer sur les datas qu’ils ont déjà en leur possession : « Nous regardons davantage ce que font des acteurs comme Amazon ou Netflix », confie Laurent Vimont, président du réseau. « À l’aide du logiciel Naxos, nous relançons
les clients dont nous possédons déjà les données et travaillons sur un algorithme de marketing prédictif. Cela nous permettra de savoir, sur un territoire donné, qui est susceptible de vendre – comme le fait le portail américain Zillow – pour le contacter. C’est bien plus intéressant de travailler sur cet aspect-là que de partir à la quête de nouveaux leads », affirme-t-il.

PORTAIL IMMOBILIER : LA BATAILLE DE L’INNOVATION

Depuis quelques années, les portails immobiliers rivalisent d’inventivité pour se distinguer auprès des  professionnels  à travers une série de nouveaux services. En tête, SeLoger, leader  du secteur avec ses 17 millions de visiteurs uniques par mois, qui entend bien conserver sa place de numéro un : « Nous nous différencions des autres par la qualité de notre trafic », indique Damien Giordano, directeur marché du groupe SeLoger. « Nous proposons une quinzaine de fonctionnalités inclues dans notre offre et de nombreux webinars [ndlr : ou webinaire, mot valise associant les mots web et séminaire] pour permettre à nos clients d’accroître la visibilité de leurs annonces et de disposer de datas pertinentes sur le marché. » Un aspect sur lequel leboncoin.com, fort de 12 millions de visiteurs uniques par mois, travaille également. « Avec les datas collectées, nous pouvons prévenir un professionnel pour lui dire quand il doit remonter son annonce et si elle correspond à la recherche du moment, en temps réel, depuis son tableau de bord disponible dans l’Espace Pro du site », précise François Di Dio, chef de marché immobilier. De quoi anticiper les projets d’un client en quelques minutes. Une approche similaire à ce que  fait Bien’ici, le portail des professionnels de l’immobilier. Le site mise, en effet, sur son offre Platinium afin d’analyser trimestre par trimestre l’évolution du marché local et des recherches des internautes dans le secteur.

Les réseaux sociaux : support incontournable

Mais la maîtrise généralisée des algorithmes passe par la formation des professionnels aux nouveaux outils que sont les réseaux sociaux. « Instagram et Facebook sont des canaux incontournables pour cibler la clientèle des 25-45 ans qui, dans un marché tendu, cherchent d’autres créneaux pour trouver un logement», estime Yann Jéhanno, président du réseau Laforêt. Si Facebook est un levier essentiel pour la notoriété, LinkedIn vient répondre aux problèmes de recrutement des agences immobilières. Encore faut-il apprendre à utiliser avec soin ces nouveaux outils (voir encadré), diffuser du contenu et y consacrer du temps et de l’argent.

C’est pourquoi l’ensemble des réseaux proposent à leurs franchisés des formations sur ces nouveaux supports. Ils sont incités à créer à minima une page Facebook et un compte LinkedIn. « Les réseaux sociaux servent à faire de la prospection digitale », indique le fondateur du réseau Espaces Atypiques, Julien Haussy. « Les professionnels se rapprochent ainsi des clients en optant pour un ton plus familier et en se faisant appeler par leur prénom. Une forme de personal branding, où les valeurs de la marque restent centrales. L’objectif est d’amener, depuis les réseaux sociaux, un prospect sur notre site », ajoute Julien Haussy. Certains acteurs du luxe confient  même parvenir à réaliser quelques transactions uniquement sur Instagram, WhatsApp ou Facebook, les 25-35 ans étant très connectés et plus disposés à faire leur recherche depuis un réseau social que sur un site standard.

Miser sur le « phygital »

L’agent immobilier est de plus en plus amené à se mettre en avant. La personnalisation d’un compte Facebook ou Twitter permet d’établir un lien durable avec un particulier et ainsi d’instaurer les prémisses d’une forme de fidélisation. Rares sont d’ailleurs les groupes qui ne poussent pas leurs franchisés à prendre des initiatives en région à condition de respecter les valeurs de l’entreprise. Des équipements de communication sont régulièrement mis à leur disposition. « Le web ne doit pas nous couper de l’humain. Ce qu’il faut, c’est multiplier les supports et avoir une approche phygitale », conclut Julien Villeneuve, directeur marketing et digital d’Orpi. Un challenge de taille pour les agents.

 

3 QUESTIONS A PAUL LEMONNIER, HEAD OF MARKETING B2B POUR ARTUR’IN

« Créez une relation directe avec vos clients »

JDA : À quoi servent les réseaux sociaux pour les professionnels ?

Paul Lemmonier : À humaniser la marque. À l’incarner. Tout le monde n’a pas la notoriété d’un Stéphane Plaza, et grâce aux réseaux sociaux, vous pouvez créer une relation directe avec vos clients. C’est aussi une bonne manière de les fidéliser. L’acquéreur d’aujourd’hui sera peut-être le vendeur de demain.

JDA : Quels sont les écueils les plus fréquents des professionnels de l’immobilier sur le web ?

P. L. : Il y a globalement un manque de présence. Aujourd’hui, on estime que 80 % des Français passent au moins une heure trente sur les réseaux sociaux. Or, seuls 19 % des professionnels sont sur ces réseaux. De plus, ces outils sont parfois mal utilisés par les agents immobiliers. Certains créent des comptes mais ne les alimentent pas. Ils réalisent des profils Facebook, mais n’y associent pas de page à côté pour diffuser du contenu ou, pire encore, ils diffusent dans leur fil d’actualité des annonces de biens immobiliers, ce qui ne fonctionne pas sur ce réseau social.

JDA : Quels sont les réseaux sociaux que doivent investir les agents immobiliers ?

P. L. : Tout d’abord Facebook. Il est aujourd’hui incontournable. Les professionnels pourront, sur ce support, faire valoir leur notoriété. Ensuite LinkedIn pour l’aspect recrutement, très important dans le métier d’agent immobilier. Puis Twitter, qui sert à donner et recevoir de l’information. Je pense aussi à Instagram mais, attention, il s’agit de communication visuelle, ce qui est difficile à aborder pour les agents immobiliers. L’usage de ce réseau social nécessite un travail à temps plein pour se l’approprier et devenir incontournable. Il faut éviter la liste d’annonces, et les photos doivent être de grande qualité si l’on veut travailler l’image de marque de l’agence. Si le nombre d’utilisateurs est moins élevé que sur Facebook, Twitter est en forte croissance, et je pense qu’il jouera un rôle clé à l’avenir.

Ludovic Clerima

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