SOS Racisme vient de rendre public les résultats d’un testing sur l’acceptation des consignes discriminatoires par les agences immobilières en matière de location. Le point sur la méthode de l’enquête et les résultats.
Les discriminations dans l’accès au logement demeurent une réalité pour de nombreuses personnes aujourd’hui en France. Faisant l’objet de peu de procédures judiciaires, celles-ci représentent pourtant la troisième situation de discriminations ressenties, derrière les relations avec les forces de l’ordre et l’accès à l’emploi. Elles peuvent être révélées par la méthode du testing.
Qu’est-ce que le testing ?
Cette méthode a été introduite en France dans les années 1990 par SOS Racisme pour prouver les discriminations dans l’accès à un service.
Grâce à l’action de SOS Racisme, la Cour de cassation, dans un arrêt du 11 juin 2002, a reconnu le testing comme un mode de preuve recevable devant les tribunaux pénaux. Il a ensuite été consacré par la loi sur l’égalité des chances du 31 mars 2006 à l’article 225-3-1 du Code pénal. Dès lors, ce procédé couramment utilisé dans le domaine statistique est devenu le support de nos présentes campagnes.
La méthode du testing consiste à présenter simultanément pour une même offre de logement, plusieurs candidatures laissant apparaître les critères testés, à savoir le nom, qui par sa consonance laisse apparaître des origines étrangères ou des origines françaises anciennes. En dehors de ces critères, les caractéristiques des demandeurs sont similaires. La comparaison des réponses apportées par les agences immobilières ou propriétaires testées aux différents candidats permet de mettre en évidence une discrimination liée à l’origine. En effet, la différence de traitement ne peut résulter que d’une décision fondée sur la consonance du nom des personnes.
La méthode du testing agences immobilières
En 2019, des militants de SOS Racisme ont appelé des agences immobilières en se faisant passer pour un propriétaire fictif, dont le nom laisse apparaitre des origines françaises anciennes, souhaitant mettre en location un bien et ayant des exigences discriminatoires par rapport à la sélection des locataires. Ils demandaient systématiquement aux agences immobilières s’il était possible pour l’agence de sélectionner les dossiers en fonction de l’origine des candidats et de leur présenter que les dossiers de locataires européens et non les profils dits arabes ou noirs afin d’éviter les problèmes de voisinage.
Au total 90 tests ont été réalisés auprès de 90 agences immobilières situées en Ile-de-France et appartenant aux 9 plus grands réseaux d’agences immobilières choisis selon leur nombre d’implantations sur le territoire français.
L’analyse des réponses apportées par les agences immobilières à ces demandes discriminatoires est alarmante. 51% des agences immobilières acceptent des pratiques discriminatoires en indiquant au propriétaire qu’ils pourront procéder eux-mêmes à la sélection ou en laissant le propriétaire sélectionner lui-même le candidat sur la base de ces critères discriminatoires raciaux.
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Sur les 90 tests réalisés :
Un peu moins d’une agence sur deux refuse de faire une sélection sur la base d’un critère discriminatoire racial.
Près d’une agence sur quatre refuse de faire la sélection elle-même mais laisse le propriétaire effectuer lui-même cette sélection discriminatoire
Plus d’une agence sur quatre accepte de faire cette sélection sur des critères discriminatoires raciaux.
Sur l’ensemble des 90 tests réalisés, plus de la moitié des agences immobilières rappelle que la loi interdit toutes les formes de discriminations.
Parmi les agences immobilières qui acceptent de discriminer (27%), un peu moins de la moitié opère un rappel à la loi. Cela montre que bien que les professionnels connaissent la loi, mais acceptent tout de même de discriminer en toute connaissance de cause.
Par ailleurs, parmi les agences immobilières qui n’acceptent pas de discriminer elles-mêmes mais qui laissent le propriétaire le faire (24%), seulement la moitié rappelle la loi.
Enfin, parmi les agences immobilières qui refusent de discriminer (49%), un tiers ne fait pas de rappel à la loi.
La méthodologie utilisée pour ce genre de testing interpelle. Bien qu’elle soit recevable devant les tribunaux, elle n’a manifestement aucune base scientifique solide. Un membre de SOS Racisme appelle une agence en se faisant passer pour un propriétaire prétendument raciste afin de lui confier son bien à la location. Le deal est Implicitement posé en ces termes : soit toi, l’agent immobilier, tu rentres dans mon jeu, soit tu n’auras pas mon bien en gestion locative. En second lieu, un propriétaire qui tient un tel discours assorti de telles exigences est-il pour autant raciste? Là encore, rien n’est moins sûr… Certes, il y a et il y aura toujours des racistes. Mais est-ce systématiquement la motivation profonde d’un propriétaire?
En l’occurrence, en matière de méthodologie scientifique, on a ici affaire à ce qu’on appelle des variables confondues : en activant le stéréotype de la personne d’origine étrangère, on véhicule vraisemblablement auprès d’un bailleur d’autres croyances ou motivations que le racisme. Indépendamment que ces croyances soient fondées ou infondées ! L’inquiétude première du bailleur étant celle-ci : Mon loyer sera-t-il payé? A tort ou à raison, dans l’esprit du bailleur, une personne d’origine étrangère peut correspondre à la frange la plus fragile économiquement de la population. Si un organisme gouvernemental proposait une garantie totale des loyers impayés ainsi qu’une remise à neuf en cas de dégâts, les propriétaires seraient-ils tout autant « tatillons »? Les bailleurs d’origine étrangère qui louent leur appartement ont-ils les mêmes stéréotypes et ont-ils parfois tendance à opérer la même sélection dans les mêmes proportions que le testing le fait ressortir? Est-ce que les stéréotype du genre : étranger = précarité = locataire à problèmes sont fondés ou infondés? D’où provient cette hiérarchie entre étranger? A savoir qu’il serait plus aisé pour une personne d’origine asiatique d’obtenir un bail que pour d’autres personne d’origine étrangère? Cette hiérarchie est-elle fondée ou totalement fantasmée? Ce type de testing ne répond à aucune de ces questions ! Difficile de solutionner un problème lorsqu’on ne pose pas les bonnes questions. En vertu de quoi, les professionnels de l’immobilier n’ont qu’une alternative : refuser de gérer un dossier comportant des règles de discrimination. Ce que semblent déjà faire les réseaux les mieux sensibilisés à la question. C’est un bon début. Est-ce pour autant la bonne réponse à apporter à un vrai problème?
Par P.Cousin, il y a 6 années
La méthodologie utilisée pour ce genre de testing interpelle. Bien qu’elle soit recevable devant les tribunaux, elle n’a manifestement aucune base scientifique solide. Un membre de SOS Racisme appelle une agence en se faisant passer pour un propriétaire prétendument raciste afin de lui confier son bien à la location. Le deal est Implicitement posé en ces termes : soit toi, l’agent immobilier, tu rentres dans mon jeu, soit tu n’auras pas mon bien en gestion locative. En second lieu, un propriétaire qui tient un tel discours assorti de telles exigences est-il pour autant raciste? Là encore, rien n’est moins sûr… Certes, il y a et il y aura toujours des racistes. Mais est-ce systématiquement la motivation profonde d’un propriétaire?
En l’occurrence, en matière de méthodologie scientifique, on a ici affaire à ce qu’on appelle des variables confondues : en activant le stéréotype de la personne d’origine étrangère, on véhicule vraisemblablement auprès d’un bailleur d’autres croyances ou motivations que le racisme. Indépendamment que ces croyances soient fondées ou infondées ! L’inquiétude première du bailleur étant celle-ci : Mon loyer sera-t-il payé? A tort ou à raison, dans l’esprit du bailleur, une personne d’origine étrangère peut correspondre à la frange la plus fragile économiquement de la population. Si un organisme gouvernemental proposait une garantie totale des loyers impayés ainsi qu’une remise à neuf en cas de dégâts, les propriétaires seraient-ils tout autant « tatillons »? Les bailleurs d’origine étrangère qui louent leur appartement ont-ils les mêmes stéréotypes et ont-ils parfois tendance à opérer la même sélection dans les mêmes proportions que le testing le fait ressortir? Est-ce que les stéréotype du genre : étranger = précarité = locataire à problèmes sont fondés ou infondés? D’où provient cette hiérarchie entre étranger? A savoir qu’il serait plus aisé pour une personne d’origine asiatique d’obtenir un bail que pour d’autres personne d’origine étrangère? Cette hiérarchie est-elle fondée ou totalement fantasmée? Ce type de testing ne répond à aucune de ces questions ! Difficile de solutionner un problème lorsqu’on ne pose pas les bonnes questions. En vertu de quoi, les professionnels de l’immobilier n’ont qu’une alternative : refuser de gérer un dossier comportant des règles de discrimination. Ce que semblent déjà faire les réseaux les mieux sensibilisés à la question. C’est un bon début. Est-ce pour autant la bonne réponse à apporter à un vrai problème?