La totale dématérialisation du bail est désormais actée par la loi Élan. En question la signature de la caution.
Depuis plus de deux siècles, notre système de preuve repose sur la notion d’écrit. Un contrat est établi en autant d’exemplaires que de parties, puis signé par chacune d’elles de sa main pour former ce que nous appelons un «original ». Considéré dans notre système juridique comme une preuve parfaite, ce document permet de garantir les parties au contrat du respect de leur droit.
Toutefois, face à la dématérialisation des échanges et la mobilité des clients, cette méthode classique s’adapte mal à la pratique quotidienne des professionnels et est en désaccord avec les enjeux écologiques actuels. En particulier dans l’immobilier où des contrats de plusieurs centaines de pages doivent être imprimés.
Dans ce contexte, s’est développée depuis le 13 mars 2000 la signature dite « électronique » des contrats. Prisée par les assureurs et les banquiers, cette signature s’étend depuis quelques années au monde de l’immobilier.
Toutefois, avec le récent règlement eIDAS du 23 juillet 2014, qui établit un socle commun pour les interactions électroniques sécurisées entre les citoyens, les entreprises et les autorités publiques, et la floraison d’articles en tous genres sur Internet, les professionnels sont parfois circonspects quant à l’utilisation de ce procédé. C’est pourquoi, au regard du droit positif et de la jurisprudence récente, nous avons voulu étudier la légitimité de cette signature.
La valeur accordée à un contrat signé par voie électronique
La signature électronique est défi nie à l’article 1367 du Code civil comme un procédé permettant de vérifier l’identité du signataire et l’intégrité du document. Depuis le décret du 28 septembre 2017 (n° 2017-1416), l’article précise que la fiabilité du procédé est reconnue lorsqu’il met en oeuvre une signature électronique qualifiée. Si seule la signature électronique « qualifiée » a une valeur égale à la signature « manuscrite », la pratique recourt aujourd’hui presque exclusivement à la signature dit simple ou avancée. En effet, la complexité de mise en oeuvre de la première la rend très difficilement utilisable en pratique.
La charge de la preuve
Dès lors, quelle est la valeur de ces procédés de signature lorsqu’ils sont présentés en justice ? Cette question a été portée à plusieurs reprises devant les magistrats (Cour Cass. 1re ch. civ., 6/4/2016, n°15- 10732, ; arrêt CA de Caen 5/3/2015 n° 13/03009 ; arrêt CA de Chambéry 25/1/2018 n° 17/01050, X.c/Y). Dans chaque situation, les faits étaient sensiblement les mêmes. Un client en défaut de paiement de ses échéances pour un prêt personnel ou une assurance contestait la validité de la signature électronique, laquelle reposait sur le système d’identification par SMS.
Suivant le règlement eIDAS, les juges ont dans chaque cas reconnu que le fait de ne pas recourir à une signature qualifiée ne remettait pas en cause la validité de la signature mais renversait la charge de la preuve. Il incombait à la banque ou à l’assurance de prouver la validité de la signature. Pour cela, ces établissements présentaient en justice un dossier de preuve remis par le prestataire de signature électronique. Aussi, la lecture croisée de la réglementation et de la jurisprudence conforte la valeur des procédés de signature dits « simple » ou « avancée » et permet de rassurer les professionnels.
Recommandations
Toutefois, nous rappelons ici qu’en cas de contestation, le professionnel devra pouvoir prouver la validité du procédé utilisé et donc se procurer un dossier de preuve. Voici donc quelques recommandations clés avant de se lancer dans la signature électronique :
Lorsque vous choisissez votre prestataire de signature, assurez-vous qu’il puisse vous remettre sur demande expresse un dossier de preuve que vous pourrez produire en justice le cas échéant.
Avant de lancer une signature électronique, vérifiez que vous disposez pour chaque signataire de son email et de son numéro de téléphone personnel. À défaut, privilégiez la signature papier.
Une fois la signature réalisée, assurez-vous de conserver votre contrat signé. Ce document est unique car il comporte un certificat qui permet de s’assurer qu’aucune modification n’a été réalisée depuis la signature. Ainsi, si vous le partagez à une banque ou un notaire, ceux-ci pourront s’assurer que le document que vous leur transmettez st bien celui qui a été signé.
La signature électronique des baux d’habitation
Depuis novembre 2018, la loi Élan est venue supprimer la mention manuscrite autrefois exigée pour toute caution d’un logement d’habitation. L’un des objectifs affichés de cette simplification était de permettre la dématérialisation de la totalité du processus de location. Cette modification de l’article 22-1 de la loi du 6 juillet 1989 (loi n° 89-462) semble toutefois aller en contradiction avec l’article 1175 du Code civil, lequel rend non valide toute sûreté personnelle signée par voie électronique. Aussi, la caution étant la reine des sûretés personnelles, il semble particulièrement incertain aujourd’hui de recourir à un procédé de dématérialisation pour ce type de contrat. Toutefois, une fois le preneur trouvé, quelques solutions concrètes sont faciles à mettre en oeuvre :
Envoyez le projet de contrat de bail et le contrat de caution à faire signer par le garant.
Demandez au garant de vous retourner une copie du contrat signé et daté de sa main par email et de vous transmettre par courrier la version originale.
Lancez la signature électronique du contrat de bail. Le bailleur, le preneur et le garant pourront signer, selon leur situation géographique, à l’agence ou à distance depuis leur smartphone.
Une fois le contrat signé, le remettre au garant par email.
Par Théophile Rocher, il y a 4 années
J’ai lu un article intéressant et synthétique à ce sujet, sur le site de Bernie : https://blog.bernie.re/technologie/la-signature-electronique-en-3-mots-simplicite-securite-rapidite/