Michel Mouillart, professeur d’Economie à l’Université de Paris Ouest et porte-parole du baromètre des prix immobiliers LPI-SeLoger livre les tendances des marchés immobiliers à fin janvier 2019. Analyse.
Comme chaque année, pendant les mois d’hiver, la pression sur les prix des appartements est moins vive. Les prix proposés stagnent en janvier 2019, après avoir reculé durant tout l’automne 2018. Et les prix signés n’ont progressé que de 0.7 % au cours des 3 derniers mois. Les offreurs continuent donc de réviser leurs ambitions à la baisse, plutôt que de voir les délais de réalisation des ventes s’allonger, alors que la perspective d’un prochain rebond du marché et des prix se dégrade encore. Aussi, sur le marché des appartements, alors que le rythme d’augmentation annuelle des prix signés s’était maintenu au-dessus des 4 % jusqu’au début de l’été 2018, il s’affaiblit de nouveau en janvier 2019 : + 3.4 % sur un an, contre + 4.7 % en 2018, à la même époque.
En revanche, sur le marché des maisons, après plus de six mois de recul, les prix proposés confirment en janvier le rebond amorcé en décembre 2018 : + 4.7 % au cours des 3 derniers mois. La pression de la demande s’est renforcée sur ce marché, grâce à des conditions d’octroi des prêts exceptionnelles et elle contribue largement à cette poussée. Une partie de la demande qui n’avait pu réaliser son projet en décembre dernier semble s’être déplacée en ce début d’année.
Ainsi, le rythme d’augmentation annuelle des prix signés rebondi sur le marché des maisons : + 3.8 % sur un an, contre + 3.0 % en 2018, à la même époque.
Dans ces conditions, pour l’ensemble du marché, le rythme d’augmentation des prix signés se stabilise en janvier : avec + 3.6 % sur un an.
Nouveau ralentissement de la hausse des prix dans le neuf
Le recul de la demande de logements neufs constaté en 2018 a été rapide et il a contribué à l’affaiblissement de la hausse des prix. En dépit du maintien de conditions de crédit exceptionnelles et d’un nouvel assouplissement des conditions d’octroi des prêts, le rythme de progression des prix poursuit son ralentissement, en janvier 2019.
C’est sur le marché des maisons individuelles, particulièrement malmené par les décisions publiques de réorientation des aides au logement que le ralentissement est le plus marqué : avec + 1.9 % des prix sur un an, contre + 5.4 % il y a un an, à la même époque. Dans le collectif, où le décrochage de la demande a été moins prononcé, le rythme de progression des prix se stabilise maintenant, après n’avoir que modérément ralenti en 2018 : avec + 2.2 %, contre + 2.6 % il y a un an, à la même époque.
Pour l’ensemble du marché, le rythme d’augmentation des prix signés ralentit légèrement en janvier : avec + 2.2 % sur un an, contre + 3.1 % en janvier 2018.
Baisse ou faible progression des prix dans ¾ des grandes villes
En janvier 2019, les prix des appartements anciens ont diminué sur un an ou au cours des 3 derniers mois dans 50 % des villes de plus de 100 000 habitants. En outre, dans 25 % des villes la hausse reste contenue sous l’inflation. Le ralentissement de la hausse des prix signés se poursuit donc.
Seules deux grandes villes affichent encore une progression des prix à 2 chiffres : Rennes (+ 12.1 % sur un an) où la hausse accélère encore et Limoges (+ 10.3 % sur un an) où les prix semblaient pourtant s’assagir à la fin de l’année dernière.
Ailleurs, les tensions sur les prix s’allègent encore comme à Bordeaux où la hausse, qui durant plus de deux années a largement déstabilisé le marché, est maintenant de 8.5 %, contre plus de 12 % durant l’été dernier. Mais aussi à Lyon et à Paris, avec des augmentations un peu supérieures à 6 %. Et dans la plupart des plus grandes villes (Lille, Marseille, Nice, Strasbourg ou Toulouse), la hausse n’est plus que de 2 % sur un an.
Mais souvent les prix baissent face à une demande restée atone, en dépit des conditions de crédit actuelles (Aix en Provence, Brest, Dijon ou Grenoble). Et parfois, la baisse peut être rapide (Amiens, Le Mans, Metz ou Saint Etienne).
Un début d’année en demi-teinte
Le dynamisme de l’offre bancaire et un assouplissement sans précédent des conditions d’octroi des prêts avaient permis d’enrayer la dégradation du marché de l’ancien, durant les derniers mois de l’année dernière. Le recul du nombre des compromis signés a ainsi été moins marqué, en 2018, que ce qui pouvait encore être craint durant l’été.
Depuis le début de l’année 2019, les établissements bancaires ne relâchent pas leurs efforts, afin de soutenir la demande. Aussi, le mois de janvier bénéficie d’une relative stabilité du nombre de compromis signés : + 0.5 % au cours des 3 derniers mois, en glissement annuel. Mais comme les premiers mois de 2018 n’avaient pas été bons, cette légère progression de l’activité est en trompe l’œil : il ne s’agit guère d’un rebond de la demande qui, comme à l’habitude durant les mois d’hiver, reste frileuse. Et d’ailleurs, les ventes sont en recul de 2.0 % sur un an. Il s’agit donc plutôt de l’expression d’un marché qui ne réussit pas à se ressaisir.
Des marges au plus bas
En janvier, France entière, la marge de négociation s’est établie à 3.9 %, en moyenne : 3.3 % pour les appartements et 4.6 % pour les maisons.
Sur un marché qui ne réussit pas à se ressaisir, les marges baissent toujours. La diminution constatée jusqu’alors sur le marché des appartements maintient les marges à très bas niveau : une faible progression des prix signés contraint en effet les vendeurs à modérer leurs ambitions et à proposer des prix calibrés « au plus juste », afin de réaliser rapidement les ventes sur des marchés toujours hésitants. Sur le marché des maisons, en dépit de la pression sur les prix signés constatée récemment, les marges reculent encore pour s’établir maintenant à un de leurs plus bas niveaux constatés jusqu’alors : la fragilité de la demande est trop forte, les vendeurs ne pouvant se permettre de surenchérir sur le marché. Habituellement, à cette période de l’année, les marges commencent pourtant à se redresser, à l’approche du rebond printanier de la demande.
Entre expansion et récession
Les évolutions du marché observées en janvier 2019 confirment le constat dressé en 2018. Alors que l’activité tend à se stabiliser au niveau national, elle progresse toujours à un rythme soutenu dans quelques régions : rapidement (de l’ordre de 10 % sur un an) en Champagne-Ardenne et dans le Limousin, ou à un rythme plus modéré (de l’ordre de 5 %) en Basse Normandie, en Languedoc-Roussillon, en Lorraine et en Midi-Pyrénées. Ces évolutions qui sont rendues possibles par le dynamisme de l’offre bancaire bénéficient presque toujours d’un effet de base, d’une activité médiocre par le passé.
En revanche, l’activité recule toujours rapidement (de l’ordre de 5 %) dans les régions où la hausse des prix reste soutenue (Aquitaine, PACA et Rhône-Alpes) ou lorsque la demande et son pouvoir d’achat sont malmenés par la conjoncture économique (Franche Comté et Poitou-Charentes).
Ailleurs, le marché hésite bien souvent entre lente progression de l’activité et léger recul des ventes.
Les spécificités des métropoles
Entre les métropoles les moins chères (Brest, Grand Nancy ou Rouen Normandie) et celle du Grand Paris, l’écart de prix est de 1 à 4 pour les appartements. Mais l’écart est moindre sur le marché des maisons, de 2.2 seulement, entre les 3 métropoles les moins chères et celles du Grand Paris et de Nice Côte d’Azur. Ces différences de prix restent à l’image du potentiel de développement économique des territoires et des niveaux de revenus des ménages résidants.
En général, les prix sont plus élevés dans la ville-centre que sur le reste de la métropole. La surcote de la ville-centre est la plus forte pour Paris (30 % pour les appartements et 40 % pour les maisons). Puis viennent Bordeaux et Lyon (20 % pour les appartements et les maisons). Sur Nantes, Rouen, Strasbourg ou Toulouse, la surcote se situe entre 10 et 15 %, exprimant encore une forte attractivité de l’espace central. Alors qu’avec moins de 10 % d’écart, Grenoble et Nancy (voire Lille) présentent un espace métropolitain apparemment plus homogène.
En revanche, la ville-centre reste moins chère que le reste de la métropole, à Brest ou à Marseille : la demande y exprime ses préférences pour un habitat en maison individuelle (versus l’habitat collectif) et son souhait de s’éloigner de la ville-centre.
Michel Mouillart est Professeur émérite à l’Université et FRICS (Fellow de la Royal Institution of Chartered Surveyors). Il est Docteur d’Etat en Economie et Docteur sur travaux en Economie et Financement du Logement.
L’essentiel de son action dans le secteur du logement a consisté en la réalisation d’études et de recherches sur le secteur de l’immobilier résidentiel. Il a ainsi mis en place ou contribué au développement de nombreux observatoires qui ont trouvé leur place dans le système d’informations sur le logement privé en France. Il assure la direction scientifique de ces observatoires : les crédits aux ménages (Fédération Bancaire Française) depuis 1989, les loyers du secteur locatif privé (CLAMEUR) de 1998 à 2019, la production de crédits immobiliers aux particuliers (Observatoire de la Production de Crédits Immobiliers) depuis 1999, l’accession à la propriété (Institut CSA) depuis 1999, l’Observatoire Crédit Logement/CSA depuis 2007 et l’Observatoire LPI sur les prix des logements neufs et anciens depuis 2011.
En tant que personnalité qualifiée, il a été nommé et il siège au Conseil National de l’Habitat depuis 1990. Il a ainsi été Président de nombreux groupes de travail du Conseil National de l’Habitat, dont récemment le groupe « Redynamiser l’accession à la propriété » (2023). Il avait aussi été rapporteur des « Rencontres ConstructionAménagement du Territoire » de l’Assemblée Nationale de 1989 à 2001.
Par ailleurs, et toujours en tant que personnalité qualifiée, il a été membre du Conseil National de l’Information statistique (1991-2000), de la Commission des Comptes du Logement 1992-2014) et de l’Observatoire National de la Pauvreté et de l'Exclusion Sociale (2006-2013). De même, il a été Administrateur de l’Office HLM de la ville de Nanterre (1983-2014) et de la Fédération Nationale Habitat et Développement (2008- 2015).
Depuis 2010, il est membre du Conseil de Développement du Pays de Brest, toujours en tant que personnalité qualifiée. Et depuis 2015, il est administrateur de SOLIHA-Finistère.
Auteur régulier de nombreux articles dans des revues scientifiques ou professionnelles, il a publié ou participé à la publication de nombreux ouvrages sur l’économie et le financement du logement.
Il est par ailleurs Chevalier de la Légion d’Honneur et Chevalier dans l’Ordre National du Mérite.