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L’internalisation du crédit reste compliquée pour les professionnels de l’Immobilier

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L’internalisation des solutions de financement pose problème aux entreprises ou enseignes de l’Immobilier. L’analyse de Bruno Rouleau, directeur des partenariats et porte parole de l’enseigne In&Fi crédits.

photo : Brunio Rouleau

Le 26 juillet dernier, l’opérateur en assurances APRIL annonçait son intention ferme de reprendre 54% du capital de l’enseigne de courtage en crédit, La Centrale du Financement. Au-delà des raisons économiques et financières de cette opération, c’est aussi la vente à la découpe du pôle Immobilier de la holding Artémis de groupe Pinault sur laquelle April s’est positionné qui est intéressante.

En effet, l’annonce il y a 2 mois de la mise en vente du pôle immobilier d’Artémis avait pu laisser transpirer l’intention de préférer une vente globale. Or c’est bien en isolant l’activité d’intermédiation bancaire que la cession de la participation majoritaire d’Artémis prend corps. De deux choses : soit le prix de vente à la découpe aura été plus profitable, soit le lot était compliqué à céder en l’état. Si c’est la première hypothèse qui est la bonne, cela met en avant l’autonomie du développement et de la réussite de l’enseigne LCF, sans contribution significative des entités immobilières (Capifrance, Optimhome, Refleximmo et autres Drimki) du pôle spécialisé d’Artémis, et donc l’échec d’un modèle vivant sur des synergies intra groupe. Si c’est la deuxième hypothèse qu’il faudra retenir, cela démontre l’absence de crédibilité des acheteurs potentiels dans ce même modèle de production de richesses industrielles. On voit bien que dans les deux cas, l’internalisation des solutions de financement pose problème aux entreprises ou enseignes de l’Immobilier.

Cet exemple n’est pas le seul qui existe. Que dire en effet des opérations de rachats de cabinets d’agences immobilières par Square Habitat afin d’accompagner les ambitions du groupe Crédit Agricole dans le marché du Logement, et qui aujourd’hui n’a toujours pas trouvé son équilibre financier ? Ou encore l’abandon du département de Financement chez Foncia, délaissé pour des accords avec un acteur du courtage en crédits. Ou encore de la difficulté des enseignes de construction de rentabiliser et de rendre efficace leur cellule de financement intégrée, quand elles ne les ont pas tout juste délaissées ou rendues anecdotiques. Enfin, on ne décomptera pas, tant le nombre est fastidieux, les essais réalisés soit au niveau des enseignes de transactions immobilières, soit à l’initiative de membres de ces réseaux, et dont l’essor n’aura pas dépassé le cap d’un succès régional tout au plus.

Pas si évident les interrelations entre crédit et achat immobilier

Et pourtant …. La logique tellement évidente des interrelations entre crédit et achat immobilier, quand on sait qu’en moyenne le recours au crédit pèse pour 75 à 80% des mutations immobilières, laisserait penser que tout se prête à de telles organisations. Sauf que….ça ne marche pas. Mais pourquoi donc ?

Avant tout, le profil des vendeurs en immobilier ne semble pas permettre des ventes connexes. Il ne s’agit pas que du crédit. Ainsi de nombreuses enseignes immobilières ont tenté d’instaurer des services périphériques (déménagement, home staging, accords avec des fournisseurs d’énergie ou d’accès Internet…), en vain. Le négociateur immobilier est essentiellement centré sur son cœur de métier, et n’ouvre pas facilement le champ de ses ventes conseils au-delà du strict nécessaire à la réalisation de la transaction. C’est même parfois encore plus criant, car pour les enseignes ou agences qui proposent à la fois la transaction et la gestion des logements, les personnels ne communiquent même pas, et les synergies entre services sont rares ou limitées aux seules prises en charges des clients investisseurs. Et je n’évoque pas ici le sujet des travailleurs non-salariés de ces cabinets, qui pourraient être tentés de facturer hors champ du contrat qui les unit à leur mandant, parfois pour proposer le même service voire de qualité moindre, mais dont la relation ne les regarde qu’eux et le prestataire.

Ensuite, une « loi psychologique » veut qu’on soit généralement plus exigeant avec les services internes de son enseigne qu’avec un prestataire extérieur. En pâtissent les délais de transmission des contacts, la qualité et la complétude des informations transmises, et s’en suivent un découragement et une quasi-certitude qu’en laissant faire le client avec sa banque ou son courtier, tout cela se passera bien mieux.

Autre raison rencontrée, mais pas toujours avouée facilement, c’est qu’en prenant en charge l’intégralité du projet, le négociateur multiplie les risques de s’exposer à des aléas, à des déconvenues ou à un manque de connaissances. Du coup, il préfèrera limiter ce risque, jugeant déjà la vente en soi-même de plus en plus complexe à verrouiller auprès d’une clientèle infidèle et opportuniste. Cette situation est d’ailleurs un argument de poids pour les courtiers dans leurs relations commerciales avec les négociateurs, mettant en avant justement cet «écran » de sécurité que représente l’externalisation du traitement du prêt. Dès lors, la « bagarre » se déplace encore assez souvent sur le montant de la commission d’indication d’affaires reversée à l’agent immobilier.

La gestion d’une cellule de financement demandent une compétence et des connaissances spécifiques

Enfin, et c’est selon moi une des véritables raisons des constats faits, le professionnalisme et la gestion d’une cellule de financement demandent une compétence et des connaissances spécifiques. Pour disposer des meilleures chances de réussir, il faut être capable de recruter des personnes expertes dans le crédit. Pour quelqu’un qui ne connait pas bien cette activité, il est délicat de revendiquer une réussite dans le choix des collaborateurs. Mais il faut aussi savoir les retenir. Le management est à l’instar du recrutement, validé par le fait de connaître, d’être crédible et légitime. Là encore, ça ne s’improvise pas. Il faut encore dimensionner sa cellule, pour pouvoir absorber les flux internes transmis, étudier rapidement pour répondre rapidement aux clients, mais aussi aux négociateurs. Or, investir en effectifs sans certitude du succès à la clé, c’est un risque important qu’il n’est pas toujours possible de prendre pour un chef d’entreprise. De plus, pour garantir des solutions adaptées à chaque client, il faut disposer d’un minimum de partenariats bancaires. Mais encore faut-il convaincre les banquiers de vous faire confiance sur la qualité, sur le volume et, aujourd’hui, sur la conformité réglementaire des dossiers transmis. Si vous ne répondez pas à ces critères, vous allez voir vos partenariats, si durement obtenus, être dénoncés au fur et à mesure. Vous rentrez alors dans une spirale infernale de la diminution des solutions, donc de la frustration des négociateurs et de leurs clients, et donc de l’effondrement des volumes de contacts transmis. Ajoutez à cela le fait que les banques ont toutes arrêté de mandater des professionnels de l’Immobilier qui n’auraient pas épousé le statut de courtiers en crédit (pour des raisons de responsabilité juridique). S’ajoutent donc au coût de constitution de la cellule, les coûts de la formation certifiante, de la formation continue, des assurances de responsabilité civile professionnelle et autres frais d’enregistrement divers.

Utopique l’offre de service concentrée ?

Faut-il pour autant abandonner définitivement cette utopie d’une offre de service intégralement concentrée, qui irait de la recherche d’un bien, jusqu’à l’inscription des enfants à la crèche ou à l’école, en passant par le déménagement, les travaux de remise en état ou d’amélioration de l’intérieur, et par le crédit et la recherche d’un nouveau partenaire financier ? Sans nul doute que l’évolution du traitement des données au service de la relation client va pousser dans le sens d’un bouquet de services, mais je ne vois pas d’évolution significative brutale poindre dans les comportements des « vendeurs », et si de telles offres devaient voir le jour, ce serait sans doute plus par agrégation de compétences externes, proposées ou poussées dans le cadre d’une Gestion Relation Client échappant au négociateur immobilier. Le crédit fait référence à l’argent, où le conflit d’intérêt s’interposera encore pendant un moment dans la relation humaine entre vendeur et acheteur. Le recours à un courtier en crédit devrait rester la meilleure façon de sécuriser une vente pour un professionnel de l’immobilier, du moins tant que celui-ci ne s’engagera pas à son tour sur le terrain de la vente de logement….

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Vos réactions
  • Par PHILIPPE JEAN, il y a 6 années

    Bonjour Monsieur Rouleau,
    votre article est intéressant.
    Pourriez-vous citer votre source que vous écrivez « Cet exemple n’est pas le seul qui existe. Que dire en effet des opérations de rachats de cabinets d’agences immobilières par Square Habitat afin d’accompagner les ambitions du groupe Crédit Agricole dans le marché du Logement, et qui aujourd’hui n’a toujours pas trouvé son équilibre financier ?  »
    Merci.
    Cordialement.
    Philippe JEAN

  • Par VIGER, il y a 6 années

    Bonjour Bruno,

    Votre analyse et vos réactions confirment surtout que vous maîtrisez parfaitement le sujet.
    Dans le vaste monde de l’immobilier, les compétences parfois limitées des acteurs ne sont rien par rapport aux vielles et mauvaises habitudes du travail trop « perso » en écartant par tous les moyens le travail d’équipe.
    J’aime répéter cette devise : à plusieurs on est toujours plus performant et fort que seul. Les talents, ça s’additionne , les diluer affaiblit sa mission.
    Très bonne journée
    Didier

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