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« Le mérule : un champignon indigeste pour les professionnels de l’immobilier et du bâtiment », Me Cyril SABATIE.

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Le mérule est un champignon du bois qui se trouve partout à l’état inactif. Dès que les conditions de son développement sont réunies, il peut provoquer des désordres structurels graves dans les bâtiments et logements. On l’appelle aussi « mérule des maisons » ou « cancer du bâtiment ».

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Son développement dans les bâtiments, singulièrement dans certaines régions plus humides du littoral français, le rend dévastateur (22% d’humidité lui suffirait). Son processus d’éradication est parfois long et compliqué, il peut parfois durer sur plusieurs mois si l’infestation est déjà importante.

Pourtant, ce risque doit être apprécié et anticipé par les professionnels de l’immobilier et singulièrement par les professionnels de la transaction immobilière.

Déclaration en mairie et diagnostic mérule

Le ministère du Logement et de la Ville et l’Agence Nationale de l’Habitat (ANAH) avaient fait paraître en avril 2006 un guide pratique de recommandations destiné à la prévention et à la lutte contre les mérules dans l’habitat.

Le législateur, ayant par la suite pris la mesure du fléau dans certaines régions a introduit, via la loi dite Alur du 24 mars 2014 (article 76), des dispositions spécifiques concernant l’immobilier.

Désormais l’article L. 133-7 du Code de la construction et de l’habitation (CCH) oblige ainsi l’occupant d’un immeuble infesté à déclarer en mairie la présence de ce champignon dès qu’il en a connaissance.

Le locataire qui constate des traces de mérule dans son logement doit également en avertir les services municipaux. A défaut d’occupant, la déclaration incombe au propriétaire des lieux infestés. Si le mérule fait son apparition dans les parties communes d’un immeuble relevant de la loi régissant la copropriété des immeubles bâtis (du 10 juillet 1965), c’est au syndicat des copropriétaires (et à son syndic) qu’il incombe de respecter l’obligation d’information (et d’éradication par la suite).

En cas de vente immobilière, l’article L. 133-9 du CCH quant à lui impose au vendeur la réalisation d’un état relatif à la présence de mérule pour tout ou partie d’un immeuble bâti situé dans une zone à risque (zone préfectorale délimitée en application de l’article L. 133-8 du CCH). Cet état figure dans le dossier de diagnostic technique annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l’acte authentique de vente (dans les conditions de l’article L. 271-4 du CCH).

De la responsabilité du professionnel de l’immobilier

Avant l’entrée en vigueur des dispositions précitées, et en l’absence d’obligation légale de diagnostic, la responsabilité des professionnels de l’immobilier et notaires était tout de même retenue dans certains contextes.

A titre d’exemple la cour d’appel de Rennes dans une décision du 1er février 2007 avait pu juger que l’agent immobilier, en sa qualité de négociateur et d’intermédiaire, était tenu d’un devoir de conseil eu égard au risque Mérule et engageait sa responsabilité en cas de défaut d’information. Dans cette affaire le professionnel n’avait fait qu’annexer à l’acte une facture attestant de la présence d’un traitement antérieur. La cour d’appel avait considéré que cette facture ne constituait pas une information suffisante pour des non-professionnels. Selon les magistrats, après avoir constaté le traitement antérieur, l’agent immobilier aurait dû préconiser un diagnostic.

Autre illustration, la cour d’appel de Caen dans un arrêt du 29 janvier 2013 (n°10-03293) avait retenu la responsabilité d’un notaire à l’égard de vendeurs pour ne pas avoir inséré dans l’acte de vente la clause d’usage exonérant le vendeur de la garantie des vices cachés… Dans cette affaire, la vente était résolue à la demande des acquéreurs suite à une présence importante de mérule. Les vendeurs redevenus propriétaires étaient donc contraints de faire les travaux d’éradication du champignon et surtout de régler les honoraires de l’intermédiaire immobilier.

Plus récemment un arrêt de la cour d’appel de Bourges du 8 juin 2017 n°16-0107 a prononcé la nullité d’une promesse de vente au motif que le bien objet de la promesse avait été frappé d’un arrêté de péril pour cause de mérule (traité et levé 4 mois auparavant). Pour la cour d’appel le fait que les vendeurs n’aient pas indiqué à l’acheteuse l’existence de cet ancien arrêté de péril et la présence de mérules par le passé constitue ni plus ni moins qu’un dol !

De manière génale les vendeurs qui connaissaient la préexistence du mérule dans le bien vendu sont systématiquement condamnés à indemniser l’acheteur pour tous les désordres imputables à ce champignon, y compris ceux découverts après coup au moment de la destruction des cloisons (Cass. civ. 3ème 19 novembre 2008, n° 07-16746).

Dans un arrêt du 5 juin 2012, n°11-14451 la Cour de cassation a également retenu la responsabilité d’un architecte envers un syndicat de copropriétaires (et les copropriétaires pris individuellement) pour avoir « favorisé la prolifération du mérule en conseillant un procédé de décapage inadapté sur les murs d’un logement, piégeant l’humidité à l’intérieur des parois et favorisant ainsi la prolifération exubérante et dévastatrice du mérule ».

Rappelons toutefois que le professionnel de l’immobilier n’est pas un professionnel du bâtiment ou de la construction (à la différence de l’architecte précédemment cité). Ainsi son obligation d’information, de renseignement et de conseil s’arrête à ce qui est décelable par son propre examen minutieux des lieux et ne comprend pas les vices cachés non vérifiables, selon la Cour de cassation (1ère ch. civile 16 janvier 2007, n° 04-12908). Dans cette affaire, le diagnostic mérule réalisé dans la maison vendue n’a pu être effectué qu’après des sondages destructifs. L’agent immobilier qui avait ainsi négocié la vente d’une maison infestée par le mérule n’engageait pas sa responsabilité puisque ce vice n’était pas apparent (confirmé par Cass. civ. 3ème 8 avril 2014 n° 09-72747).

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Me Cyril SABATIE

Avocat à la Cour – Cabinet LBVS AVOCATS

Ancien Directeur Juridique de la FNAIM

 

 

 

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Cyril Sabatié

Cyril SABATIE est avocat au Barreau de Paris et associé fondateur du Cabinet LBVS AVOCATS. Il dispose également de deux autres cabinets sur Nice et Angers destinés principalement au conseil des professionnels de l’immobilier et de la construction. Il a été notamment Directeur juridique de la FNAIM et est l’auteur de divers parutions et articles sur le droit immobilier, en particulier l’ouvrage COPROPRIETE aux éditions Dalloz-Delmas.
Il est également membre de la Chambre nationale des experts en copropriété (CNEC) et de la Chambre des experts immobiliers FNAIM (CEIF).
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