Jean-Luc Brulard, agent immobilier de proximité, Chartered Surveyor (MRICS), Diplômé de l’ESSEC et de l’ICH revient sur la nécessité pour les professionnels de se distinguer par leur professionnalisme.
La réalisation d’un projet immobilier constitue, le plus souvent, l’un des évènements les plus importants de la vie d’une personne ou d’une famille.
Vendeur, on réalise son bien, ses efforts financiers sur 15 ou 20 ans, afin de pouvoir s’engager vers une nouvelle étape de son parcours résidentiel, ou même de sa vie tout simplement. Acquéreur, on s’engage et on engage ses proches pour une durée aussi longue : épargne préalable, charges mensuelles de remboursement, mais aussi cadre de vie avec ses conséquences sociales, scolaires etc, etc…
Notaires, agents immobiliers, professionnels de la transaction immobilière, nous sommes comme les pompiers : bien placés pour savoir que les accidents n’arrivent pas qu’aux autres, et que les conséquences sont parfois dramatiques lorsqu’ils surviennent.
Pourtant, dans notre beau pays où l’Etat (incité par la technostructure européenne) résiste de moins en moins à la tentation de régir tous nos faits et gestes, il est un espace de totale liberté, et donc de risque maximal, qui subsiste encore : la transaction immobilière !
Je connais de nombreux notaires qui s’arrachent les cheveux lorsqu’ils découvrent abasourdis des avant-contrats de vente (promesse ou compromis) « bricolés » à partir de n’importe quel support édité en 3 clics sur Internet. Voici quelques jours, j’ai même rencontré un représentant de cette noble profession qui m’expliquait que sa première action, lors de la prise en charge d’une vente entre particulier, consistait à annuler, purement et simplement l’avant-contrat signé entre les parties, afin de pouvoir repartir sur des bases dignes de ce nom, pour la sécurité et la sérénité tant du vendeur que de l’acquéreur !
Justement, diront certains, les notaires (tant qu’ils existent…) sont LA garantie que finalement, la transaction sera réalisée en bon et due forme, malgré un engagement entre amateurs.
Ah bon ? La sécurité serait donc assurée par le seul établissement d’un acte juridique fiable ?
Pour combien de transactions les notaires se déplacent-ils sur le terrain pour analyser et apprécier « in situ » le bien objet de la vente ? 1%, 5% tout au plus …
Qu’en est-il alors de la pompe de relevage ou du sanibroyeur passés sous silence, de la fissure maligne non signalée, de l’environnement à risques ou à nuisances, de la construction « légèrement modifiée » (!) par rapport au Permis de Construire obtenu ? Qui s’en rend compte, et l’intègre dans la transaction, lorsque les parties sont indélicates voire malhonnêtes, ou même tout simplement ignorantes de bonne foi ?
Les Agents Immobiliers sont (ou devraient tous être) spécialistes de ces questions, rôdés à toutes ces situations et à ces risques ; ce faisant, ils sont les yeux et les oreilles des notaires sur le terrain. Leurs investigations et conseils, constituent le complément nécessaire à l’intervention du notaire, afin de garantir, ensemble, la sécurité de la transaction pour toutes les parties en présence.
En cas d’erreur, ou de faute, ils engagent leur responsabilité professionnelle, au titre de laquelle ils sont assurés…
Et la réalité des prix ? Et l’équilibre dans la négociation ? Pour exemple j’ai reçu voici quelques jours les chaleureux remerciements d’une propriétaire fragile et fatiguée pour mon intervention dans la négociation (sur les conseils de son notaire), car, me disait-elle « mon acquéreur, ancien locataire m‘impressionne, me fait peur, et je n’ose pas le contredire, et encore moins négocier son offre… ». Nous avons pu ainsi ramener cette tentative de « bonne affaire » dans la réalité des prix du marché…
J’ai cédé, à deux reprises, à la tentation de trouver un bon coin pour faire une bonne affaire : la première fois pour un scooter d’occasion pour ma fille aînée, et la seconde pour remplacer le téléphone de sa cadette… Dans mon Perche natal, un bon coin c’est un tuyau que l’on transmet à ses amis pour trouver des champignons !
Ces deux expériences ont été fort éclairantes quant aux individus mal-intentionnés qui peuvent parfois y sévir et quant aux risques encourus ; il ne s’agissait alors que d’un scooter d’occasion et d’un téléphone portable… mais on peut aussi y trouver des biens immobiliers : allons chercher notre maison comme on va aux champignons !
Mais en France, la magie du dogme et des a-priori organise la Société entre les gentils et honnêtes particuliers, et les vils professionnels : un mécanicien véreux met sa maison en vente ?, un policier ripoux souhaite céder son appartement ? Qu’ils le fassent entre particuliers et ils se transforment immédiatement en honnêtes gens toujours enclins à aider leur prochain,… fût-il leur futur acquéreur !
Quant au professionnel de la transaction immobilière, il mérite toutes les suspicions car, par nature et par définition, il doit avoir des choses à se reprocher…
Jusqu’à quand notre beau pays pourtant ultra-sécuritaire et ultra-règlementaire, tolèrera-t’il (soutiendra-t’il ?) cette jungle où les prédateurs ne sont pas toujours ceux que la bien-pensance désigne, et où les proies sont si faciles ?
Alors ? Faut-il règlementer ? Le débat est ouvert entre les libéraux et les protecteurs.